POUR UNE REFORME DE L'ENSEMBLE DU SYSTEME DE REPARATION DES MALADIES PROFESSIONNELLES
Le décret du 23 octobre 2001 crée le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva)
OU EN SOMMES NOUS ? |
LOI no 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 est parue au journal officiel (J.O. Numéro 298 du 24 Décembre 2000 page 20558).
Son article 53 prévoit la création d'un Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
Le décret du 23 octobre 2001 crée le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva)
Un arrêté concernant la liste des maladies spécifiques est attendu.
Il devrait être mis en place avant la fin de l'année 2001.
CE QUE DIT LA LOI |
C'est un établissement public national à caractère administratif, qui a pour mission de réparer les préjudices des victimes de l'amiante.
Il est doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
Il sera administré par un conseil d'administration composé :
Il sera présidé par un magistrat.
L'ANDEVA réclamait un droit de regard des associations de victimes sur la gestion de ce Fonds d'indemnisation. Elle devrait normalement être représentée au conseil d'administration du Fonds.
Le fonds sera financé par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale et par une contribution de l'Etat.
A la mise en place du système, la branche AT-MP (=les employeurs) contribuera à hauteur de 75%, et l'Etat à hauteur de 25%.
Le montant de ces contributions sera fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale, sur la base d'un rapport d'activité du fonds établi par son conseil d'administration et transmis au Parlement et au Gouvernement.
L'ANDEVA souhaitait que ces contributions respectives ne puissent être modifiées par un simple arrêté, comme cela était prévu par une disposition qui figurait dans le texte initial du projet de loi et qui a été supprimée.
1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle
occasionnée par l'amiante au titre de la législation française
de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de
la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité
;
2° Les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement
d'une exposition à l'amiante sur le territoire de la République
française ;
3° Les ayants droit des personnes visées aux
1° et 2°.
Les personnes déjà indemnisées au titre d'une maladie professionnelle auront droit à une indemnisation complémentaire. L'indemnisation concernera non seulement les victimes professionnelles, mais aussi toutes les personnes ayant subi un préjudice résultant d'une exposition à l'amiante (victimes environnementales, personnes contaminées en lavant des bleus de travail, ou par la voisinage d'une usine polluante, etc.).
L'indemnisation concerne aussi les ayants droit des victimes (exemple : conjoint survivant après un décès)
La loi prévoit une réparation intégrale de tous les préjudices.
Devront ainsi être indemnisés non seulement le préjudice économique, mais aussi l'ensemble des autres préjudices susceptibles d'être indemnisés par les tribunaux dans le cadre d'actions judiciaires au civil (préjudice esthétique, pretium doloris, etc.)
Le montant des indemnisations n'est pas encore connu. Il sera l'enjeu de batailles à venir.
L'indemnisation versée par le fonds sera sous forme de capital.
L'Andeva demandait que l'indemnisation puisse être versée soit sous forme de capital (en une seule fois) ou sous forme de rente (versements réguliers) au choix du demandeur. Cette demande n'a pas été acceptée.
Cette possibilité est ouverte à condition d'en faire la demande et seulement dans les cas où il y a dispense d'une enquête d'exposition :
Le Fonds a un délai d'un mois à compter de la demande de provision pour statuer.
Le versement d'une provision est important pour de nombreuses victimes ou ayants droits qui connaissent des difficultés financières. On peut regretter qu'il soit assorti de conditions restrictives.
Pour être indemnisé, il devra justifier
de l'exposition à l'amiante
Il n'aura pas l'obligation de prouver l'origine professionnelle d'une maladie, ni l'existence d'une faute pour être indemnisé.
La loi prévoit que valent justification de l'exposition à l'amiante :
la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité,
Pas besoin de refaire une enquête d'exposition si la maladie a déjà été reconnue en maladie professionnelle.
Pas besoin de prouver une exposition à l'amiante pour les maladies spécifiques (= celles qui ne peuvent provenir que d'une exposition à l'amiante). Attention ! La liste de ces maladies n'a pas encore été établie. Il est possible qu'elle soit l'enjeu d'une bataille.
Ces clauses donnent satisfaction à des demandes faites par l'ANDEVA.
Un arrêté dont la parution est imminente doit fixer la liste de ces maladies spécifiques.
1er cas : si la maladie est susceptible d'avoir une origine professionnelle, et si elle n'a pas déjà été déclarée.
Le fonds transmet sans délai le dossier à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (ou l'organisme équivalent).
Cette transmission vaut déclaration de maladie professionnelle.
L'organisme concerné vérifie si la maladie a un caractère professionnelle et communique au fonds les décisions prises..
Dans les autres cas
Le fonds examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies.
Il recherche les circonstances de l'exposition à l'amiante et ses conséquences sur l'état de santé de la victime ; il procède ou fait procéder à toute investigation et expertise utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou industriel.Si la maladie est déjà reconnue ou s'il s'agit d'une maladie spécifique de l'amiante, il n'y a pas d'enquête d'exposition (voir plus haut).
Oui.
Mais cette communication est assortie d'une clause restrictive ("sous réserve du respect du secret médical").
L'ANDEVA estime que cette clause n'a pas lieu d'être. Elle avait demandé sa suppression.
Dans le cas où le Fonds traite directement le dossier sans le transmettre à une CPAM (ou un organisme équivalent) :
Il a six mois à compter de la réception d'une demande d'indemnisation, pour présenter une offre d'indemnisation au demandeur.
A titre exceptionnel, ce délai sera de neuf mois la première année, pour tenir compte de conditions de mise en place de cet organisme.
Dans le cas où le Fonds transmet le dossier à une CPAM (ou à un organisme équivalent).
Cette transmission suspend le délai de 6 mois (ou de 9 mois pour la première année)
L'organisme saisi dispose pour prendre sa décision d'un délai de 3 mois, renouvelable une fois si une enquête complémentaire est nécessaire.
Faute de décision prise par l'organisme concerné dans ce délai, le fonds statue dans un délai de trois mois
L'ANDEVA souhaitait que les délais de traitement des dossiers soient plus courts. Elle avait notamment souligné que certaines maladies de l'amiante ont une évolution rapide.
Après instruction du dossier, le fonds présente au demandeur une offre d'indemnisation. Il indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités à recevoir.
Important : l'offre doit comporter la liste des préjudices et le détail des sommes correspondantes.
Le fonds présente une offre d'indemnisation nonobstant l'absence de consolidation.
Cette clause est importante. Dans le cas de maladies évolutives la notion même de consolidation n'a aucun sens. Elle est sources de nombreuses difficultés auxquelles se heurtent aujourd'hui les victimes avec les caisses de sécurité sociale.
Une nouvelle offre est présentée dans les mêmes conditions :
L'indemnisation peut être majorée en cas d'aggravation (comme c'était déjà le cas pour la réparation des victimes professionnelles par les Caisses).
Elle peut l'être aussi si le demandeur est susceptible obtenir davantage dans le cadre d'une action en faute inexcusable. Cette clause sera, elle aussi, l'enjeu de batailles à venir.
La victime peut accepter ou refuser l'offre du Fonds.
ATTENTION : l'acceptation de l'offre d'indemnisation du fonds vaut désistement de certaines actions judiciaires au civil en cours ou à venir (voir plus loin)
Le demandeur dispose du droit d'action en justice contre le fonds d'indemnisation dans trois cas :
Cette action est intentée devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur.
L'appel aura lieu - comme le souhaitait l'ANDEVA - devant une Cour d'Appel civile. Mais aucune limite de temps n'est imposée à cette Cour pour traiter le dossier (l'Andeva demandait un traitement en trois mois)
POURSUIVRE LES ACTIONS EN JUSTICE |
Les actions en justices menées par les victimes de l'amiante et leurs familles ont permis d'arracher des victoires importantes, de sanctionner les responsables, et de faire évoluer la législation. Avec la création du Fonds d'indemnisation, elles se poursuivront dans un contexte nouveau.
Le demandeur doit informer le fonds des autres procédures relatives à l'indemnisation des préjudices qui lui ont été causés par une exposition à l'amiante.
S'il intente une action en justice il doit informer le juge de la saisine du fonds.
Les actions engagées devant une juridiction pénale ont pour but d'obtenir la sanction d'une faute, avec possible attribution de dommages et intérêts (par exemple pour empoisonnement, abstention délictueuse...)
>>> La création du Fonds d'indemnisation laisse intacte la liberté pour les victimes et leurs ayants droit de poursuivre des actions déjà engagées ou d'en engager de nouvelles.
Par contre l'attribution de dommages et intérêts ne se cumule pas avec l'indemnisation accordée par le Fonds d'indemnisation, en application du principe selon lequel les victimes ne peuvent être indemnisées deux fois des mêmes préjudices.
Les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions sont une juridiction civile.
Elle permet d'indemniser une personne dès lors qu'elle démontre qu'elle a été victime d'une infraction pénale, même si l'auteur de celle-ci n'est pas identifié ni condamné.
De nombreuses actions devant les CIVI ont été engagées par des victimes de l'amiante, notamment celles qui ont été contaminées dans un cadre non professionnel. Presque toutes ont eu gain de cause en première instance et sont en appel. D'autres actions sont en cours.
Après la publication du décret d'application, les victimes les victimes de l'amiante ou leurs ayants droit ne pourront plus engager d'actions devant les CIVI. Les demandes d'indemnisation déjà engagées devant les CIVI seront transmises au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
Les provisions qui auraient éventuellement été allouées par une CIVI pour une action en cours sont acquises (elles seront simplement remboursées par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante au Fonds de garantie)
Elles sont engagées devant le TASS (Tribunal des Affaires de la Sécurité sociale).
Pour les victimes et leur famille, elles ont un double objectif :
Pour cela, elles doivent démontrer que l'employeur avait - ou aurait pu et dû avoir - conscience du danger et qu'il n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires pour protéger la santé des salariés qu'il employait. Cette démonstration est possible dans certaine entreprises ; elle est très difficile dans d'autres.
>>> La loi permet toujours aux victimes de l'amiante salariées et à leurs ayants droit d'engager des actions en faute inexcusable de l'employeur ou de poursuivre les actions en faute inexcusable déjà engagées.
>>> Mais elle assortie d'une clause restrictive :
Le texte précise que "L'acceptation de l'offre ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l'action en justice prévue au V vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l'exposition à l'amiante."
L'ANDEVA a contesté cette disposition. Il est compréhensible que les victimes ne soient pas indemnisées deux fois des mêmes préjudices. Mais il n'est pas admissible que leur liberté d'action juridictionnelle contre les employeurs soit restreinte.
Cette clause inique risque d'inciter des personnes dont beaucoup connaissent des difficultés économiques à choisir entre :
- d'un côté une procédure longue au résultat incertain pour établir la responsabilité de l'employeur
- de l'autre l'attribution d'un capital dans des délais beaucoup plus courts.
>>> Si le demandeur accepte l'offre du Fonds, le Fonds est subrogé dans les droits du demandeur : celui-ci perd la main. C'est le Fonds qui a pouvoir de décider s'il engage des procédures ou reprend à son compte des actions déjà engagées et de quelle façon.
Le texte précise que "le fonds est subrogé, à
due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède
le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les
personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation
totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge
desdites personne".
L'ANDEVA a contesté cette disposition. Elle proposait :
- que Fonds soit appelé en cause dans les actions en faute inexcusables intentées par le demandeur, ce qui permettrait aux victimes et à leurs familles de faire valoir leurs droits, sans pour autant être indemnisées deux fois des mêmes préjudices,
- qu'il y ait subrogation lorsque le demandeur n'a pas engagé d'action en faute inexcusable et ne souhaite pas le faire.
Le tribunal de grande instance est compétent pour tous les litiges dont le montant est supérieur à 50.000FF et plus généralement pour toutes les matières non réservées à un autre tribunal.
>>> La loi permet toujours aux personnes non salariées, aux victimes environnementales, aux compagnes non mariées de victimes de l'amiante d'engager des actions devant le TGI.
>>> Mais elle assortie de la même clause restrictive :
- Elles peuvent déposer simultanément une demande devant le Fonds.
- Mais si le demandeur accepte l'offre d'indemnisation faite par le Fonds il ne peut plus engager ou poursuivre une action devant le TGI pour la réparation des mêmes préjudices.
L'ANDEVA a contesté cette restriction (voir plus haut : chapitre sur la faute inexcusable de l'employeur).
>>> Si le demandeur accepte l'offre du Fonds, le Fonds est subrogé dans les droits du demandeur : celui-ci perd la main. C'est le Fonds qui a pouvoir de décider s'il engage des procédures ou reprend à son compte des actions déjà engagées et de quelle façon
L'ANDEVA a contesté cette disposition (voir plus haut : chapitre sur la faute inexcusable de l'employeur).
Lorsque le fonds d'indemnisation sera créé des actions en justice demeureront toujours nécessaires et possibles au pénal et au civil.
Mais il ne sera plus possible d'engager des actions devant les CIVI.
Une clause restrictives limite la possibilité d'engager des actions au civil pour les victimes dès lors qu'elles auront accepté l'offre d'indemnisation par le fonds. Cette clause crèe une difficulté réelle, mais sans doute pas insurmontable.
L'ANDEVA devra se battre pour que la réparation intégrale de tous les préjudices des victimes et de leurs ayants droit soit une réalité et que le montant des indemnisations accordées par le Fonds soit équitable.
Elle devra redéfinir sa stratégie judiciaire dans la nouvelle situation ouverte par la création du Fonds d'indemnisation, en réfléchissant avec ses avocats sur :
POUR UNE PROFONDE REFORME DU SYSTEME DE REPARATION DES MALADIES PROFESSIONNELLES |
Il y aujourd'hui des milliers de salariés qui souffrent de pathologies dont l'origine professionnelle n'est pas reconnue.
Ceux qui font une déclaration doivent souvent suivre un véritable "parcours du combattant"
Grâce à l'action des associations de victime, le délai d'instruction des dossiers pour la reconnaissance en maladie professionnelle à été limité à trois mois (ce délai pouvait être allongé de trois mois en cas de difficultés particulières). Mais après la reconnaissance, il n'est pas rare qu'une attente de 6, 12, voire 18 mois soit imposée à la victime ou sa famille avant qu'elles ne touchent les sommes auxquelles elles ont droit.
Les tracasseries administratives, l'arbitraire, les blocages incompréhensibles sont monnaie courante.
La multiplication des régimes spéciaux est source d'inégalités et d'incohérence entre les différents systèmes de réparation.
Ces difficultés sont le lot de toutes les victimes de maladies professionnelles.
Le système actuel, basé sur un principe de réparation forfaitaire, existe depuis un siècle. Si à l'époque il représentait un progrès, il est aujourd'hui en retard.
Il n'est pas acceptable que les victimes de maladies professionnelles soient moins bien réparées que celles du sang contaminé.
Un siècle après la loi de 1898, la réparation intégrale des préjudices doit devenir la règle pour toutes les victimes du Travail, dont l'Andeva est solidaire.
La pollution environnementale par l'amiante a causé de terribles ravages chez les personnes qui habitaient au voisinage d'usines polluantes, ou chez les femmes qui lavaient les vêtements de travail de leur mari.
Mais d'autres pollutions industrielles peuvent avoir de terribles conséquences sur l'environnement, comme l'ont montré les pollutions par le mercure à Minamata ou ou par l'isocyanate de méthyle à Bhopal.
A chaque fois les victimes se sont heurtées à des difficultés pour faire valoir leurs droits.
Là aussi, la législation doit évoluer.
POUR EN SAVOIR PLUS |
Un tableau récapitulatif résume les avancées que l'action de l'association a permis d'obtenir, et les points sur lesquels elle n'a pas eu gain de cause.
Les débats sur le fonds d'indemnisation qui ont précédé le vote de la loi sur le financement de la sécurité sociale pour 2001 sont accessibles :
- sur le site internet de l'Assemblée nationale (débats en Assemblée pleinière et en Commission)
- sur le site internet du Sénat
Un mémoire a été déposé le 12 décembre 2000 devant le Conseil Constitutionnel pour contester une une disposition s la loi d'indemnisation défavorable aux victimes de l'amiante.