Février 2007



"On nous a empoisonnés et maintenant on nous spolie"

Le 1er février, Libération publie un reportage sur la lutte six dockers de Dunkerque en grève de la faim depuis trois semaines au presbytère de l’église Saint-Eloi, face au beffroi. Ce qu’ils demandent ? « Qu’on applique la loi. »

"Selon le calcul établi par l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), l’Assurance maladie a fait une erreur (lire ci-dessous) dans le calcul de l’Allocation de cessation anticipé des victimes de l’amiante (Acaata), qui les paye jusqu’à la retraite. Résultat : « 200 à 300 euros de différence », selon Louis Monteyne, le chef de file des grévistes. Ils touchent des sommes très variables, « entre 1 200 et 1 300 euros, en moyenne », répond le syndicaliste, mais seulement 750 euros pour les plus mal lotis."

"Dans l’église, les ex-dockers serrent les mains, discutent par groupe. Sous le Christ en croix, les pétitions, les paroles de ministres, les témoignages d’amiantés, les fax de soutien de toute la France, et un gros coeur dans lequel Frédérique Monteyne, prof au Japon, a griffonné « Je t’adore, Papou. Courage » à son père. Ils racontent qu’ils ont transporté sur leurs épaules des moutons d’Australie, des fruits du Maroc, « même des coquilles Saint-Jacques », rigole Roger. Mais aussi « des saloperies, du minerai de plomb, du charbon ». Et de l’amiante. Un petit homme : « Les sacs se déchiraient comme un rien. Ça partait en poussière. Des copains sont morts à 46, 47 ans. Moi, je suis vite essoufflé. » Un autre : « Les tôles de fibrociment de chez Eternit, quand on les posait, ça faisait un nuage. On n’avait pas de masque. Personne ne nous a jamais dit : "Il faut des protections." » Ambulancier. Jean-Pierre, énervé : « On nous a empoisonnés, et maintenant, on nous spolie. Dans six mois, on sera peut-être dans le trou, et il faut encore qu’on nous emmerde. » Lui a eu « un problème au poumon », il a dû stopper la grève au 11e jour. Un autre l’a remplacé. Qui gronde : « Les cales n’étaient pas nettoyées, parce qu’un bateau à quai ne gagne pas d’argent, il fallait que ça tourne. L’amiante s’accumulait dans le plancher. » Roger est devenu ambulancier après avoir quitté les quais. « J’ai transporté certains anciens collègues. Je les ai jamais vu revenir. J’ai attrapé peur. » "


Les six ex-dockers de Dunkerque obtiennent un accord et cessent leur grève de la faim

Le 3 février, les six ex-dockers de Dunkerque cessent la grève de la faim qu’ils avaient commencée le 11 janvier à l’Eglise Saint-Eloi pour obtenir un calcul équitable de leur allocation de cessation anticipée d’activité, conformément à la loi.

L'intervention de Louis Monteyne, animateur de la lutte, indique que l’accord d’étape obtenu après cette longue bataille, a été adopté à l’unanimité par l’assemblée générale. "C’est grâce à la mobilisation que nous avons réussi".

L'intervention de Pierre Pluta, président de l’Ardeva 59-62, souligne "le caractère exemplaire de cette lutte et du soutien apporté à nos amis (...) victimes d’un poison qui nous ronge tous ; victimes des empoisonneurs pour lesquels seul l’appât du gain a une valeur ; victimes des pouvoirs publics aveugles ou avec des oeillères (...) ; victimes d’une injustice qui prête une oreille attentive à ceux qui nous ont empoisonnés (...) ; victimes aussi de nos propres divisions qui font le jeu de nos adversaires qui savent tirer profit des divergences affichées".

L’allocation revalorisée sera versée dès le mois prochain aux 80 ex-dockers concernés. La majoration obtenue varie de 80 euros à 350 euros par mois, selon les situations.

Chaque allocataire actuel ou sorti du dispositif bénéficiera d’une rétroactivité de 5 ans. Ce rattrappage se traduit par une somme de 4.000 à 25.000 euros (avec une moyenne 15.000 euros). Ces sommes seront versées par la Caisse régionale d’Assurance Maladie.

La conformité des calculs sera vérifiée par un groupe composé du président de l’Ardeva, d’un représentant de la CRAM et d’un représentant de la Caisse de compensation des congés payés de Dunkerque.

La signature de cet accord ne met pas fin aux actions engagées devant les tribunaux compétents et notamment devant le Tribunal des Affaires de la Sécurité sociale tendant à l’application de la formule légale d’allocation. Le TASS de Lille examinera le dossier de M. Louis Monteyne le 15 février.


Suisse : une pétition demande "Justice pour les victimes de l'amiante"

Le 6 février, le journal "24 heures" de Lausanne annonce que le Comité d’aide aux victimes de l’amiante (Caova) lance une pétition « Justice pour les victimes de l’amiante ». Elle demande que le canton de Vaud recense toutes les personnes qui auraient été exposées ces dernières décennies. Elle réclame une surveillance médicale de tous les travailleurs, ainsi que la mise à disposition des dossiers médicaux aux familles. Elle souhaite également que les autorités contrôlent la façon dont les victimes sont indemnisées par les assurances professionnelles. Enfin, elle exige que tous les bâtiments présentant encore des risques soient décontaminés. « le canton de Vaud est celui qui a subi la plus grande contamination, en raison de l’usine Eternit à Payerne », précise François Iselin. "Nous voulons faire bouger les pouvoirs publics, qui sont malheureusement restés endormis sur ce dossier ».

Plus de 6000 travailleurs ont été exposés à l’amiante dans les usines Eternit, dont 1000 à Payerne. A ce jour, la Suva ne reconnaît que trois décès directement imputables à l’amiante, à Payerne.