Salle de l’avenir – Dunkerque, Samedi 3 février 2007
Je veux vous remercier d’être venus si nombreux et particulièrement ceux qui ont participé à toutes les initiatives. C’est grâce à leur mobilisation que l’on a des propositions à faire… que les autres s’arrangent avec leur conscience, s’ils en ont une !
D’abord une mise au point : Pourquoi la grève de la faim et pourquoi ne pas avoir attendu l’audience du TASS (Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale) ?
Le conflit a démarré en juillet 2000 avec l’action menée par Pierre et Jacques ; Jacques à qui je veux rendre hommage, car sans lui nous n’en serions pas là aujourd’hui. Je vous propose d’observer une minute de silence à la mémoire de notre camarade disparu, ainsi qu’à la centaine de dockers décédés depuis également…
Nos camarades firent apparaitre un grave dysfonctionnement dans le calcul de l’allocation amiante leur étant attribuée et finirent par être rétablis dans leur bon droit. Jacques spontanément nous alerta. La lutte pour rétablir l’ensemble des Dockers alors commença. Le point d’orgue de cette lutte intervient en mai 2005 sur une première grève de la faim, sanctionnée par la signature d’un protocole d’accord du sous-préfet et du directeur du cabinet du Médiateur de la République.
Dès le 9 juin 2005, une motion réclamant l’application du protocole d’accord est votée en Assemblée Générale à l’unanimité. Le 14 juillet 2005 nous en appelons à la représentation nationale : il faut appliquer le protocole d’accord.
Le 5 août, le Ministre de la santé se dit « OK à 110 % avec nous » et il prétend avoir obtenu l’accord de la CCCP (Caisse de Compensation des Congés Payés). Il ajoute que « si la CCCP ne fait pas ce qu’on attend d’elle, il existe des moyens de pression efficaces : La cour des comptes ou une enquête de IGASS (Inspection Générale des Affaires de Sécurité Sociale) » Après avoir rencontré la totalité des élus du Dunkerquois, inauguré la place des menteurs, des voleurs et des assassins, érigé un mur devant les locaux patronaux, obtenu un rendez-vous avec le Médiateur de la République, au Ministère de la Santé, au MEDEF, déposé 4 motions au sous-préfet avec qui nous avons échangé 11 fois… c’est écœurés, contraints et forcés que nous avons eu recours à l’arme ultime : La grève de la faim !
Comme le dit François Hanscotte du Phare « La grève de la faim est à chaque fois le signe infamant de la volonté de ne pas régler les problèmes, du refus de prendre l’homme en compte dans ce qu’il a de plus grand, sa dignité, et de laisser dégrader une situation difficile. A l’heure où l’on commence à comprendre la catastrophe sanitaire que sera l’amiante, on comprend que les anciens Dockers soient désespérés au point de se mettre en grave danger ».
Quant au TASS, qui peut prétendre, après un premier report le 1er juin (ils n’avaient pas eu le temps d’affiner leurs arguments juridiques), et un second le 5 décembre (ils n’avaient pas déposés leurs conclusions) que l’audience aura bien lieu le 15 février ?
De toute façon, fidèles à la méthode ARKEMA (entreprise chimique du groupe Total), ils feront appel… puis Cassation… puis Cour Européenne… dans 10 ans les tribunaux nous donneront raison : On ne peut imaginer qu’ils donnent tort à ceux qui demandent l’application de la loi ! Mais la moitié d’entre nous seront morts !! En tout état de cause, ils statueront uniquement pour ceux qui ont contesté la méthode de calcul, soit 39 sur 103.
Nous touchons le noeud de l’affaire, nous n’avons qu’un seul souci, qu’une seule obsession : régler le problème pour les 225 camarades.
Refuser l’accord d’étape - pas ‘protocole d’accord’ car il en existe un, il n’a pas été appliqué - c’est exclure 64 camarades du re-calcul. Ne pas accepter de compromis veut dire rien, rien du tout pour ceux qui n’ont pas contesté la méthode de calcul, parce que hors du champ d’application de la loi.
Pour les nouveaux entrants dans le dispositif amiante, la nouvelle méthode de calcul s’applique immédiatement, soit + 17 dimanches en « N » considérés comme jour de grève ou prise d’une séquence de 12 mois consécutifs, la mieux disante entre janvier 1991 et décembre 1992. Ce qui se traduit par 15 % en moyenne d’augmentation comparé à l’ancienne méthode. Ce qui ne doit en aucun cas les empêcher de contester la méthode de calcul !
Le combat pour l’application de la loi continue, comme le prouve l’article 5 que nous avons fait ajouter dans l’accord d’étape. Je lis « la signature du présent accord d’étape ne met pas fin aux actions engagées par les Dockers intermittents devant les tribunaux compétents, notamment devant le TASS de Lille, tendant à l’application de la formule légale d’allocation ».
L’accord d’étape justement, avec des augmentations de 5 % à 30%, soit 80 € à 350 € mensuel, représente une rétroactivité entre 4 000 € et 25 000 €, il nous semble avoir obtenu ce que le rapport de force nous permettait d’obtenir. Personne ne peut nous reprocher de ne pas avoir été aux limites du possible.
Si des velléités de résistance se faisaient jour, nos matelas sont encore chauds de nos douleurs, de notre stress et de nos peurs ! La place est vacante !!
On dit que c’est dans les moments difficiles que l’on compte ses amis. Vu le nombre d’épreuves que nous avons traversées, de la réforme portuaire aux combats de l’amiante, de la fondation de BES (Bois Environnement Service) aux grèves de la faim, autant d’épreuves tissant des liens fraternels, solides, sincères .
Au noyau dur initial, d’autres venus d’ailleurs animés d’une même soif de justice, espérant comme nous un autre possible, rencontrés dans les luttes ou dans les manifestations, se sont engagés, ne mettant pas leurs drapeaux dans leurs poches mais les mêlant aux autres pour plus d’efficacité.
Je veux dire ma fierté, mon bonheur de compter des gens là parmi mes amis.
Que font pâles figures à côté les frileux, les grincheux, les méchants, les lâches. Ceux qui cachent leur couardise sous la critique gratuite, jamais d’accord… pour ne rien faire ! Aussi généreux dans la connerie que pauvre dans l’action. A ceux là, du haut de ma haine de l’injustice, parce que mon parcours est sans tâche, je veux leur dire à ces scories de l’histoire : Messieurs je vous emmerde !
Nous sommes des combattants et la lutte des classes ne fait pas de cadeau. Je peux malgré tout respecter un adversaire, ne me demandez pas le même respect pour ceux là, issus de mon camp : ils ne le méritent pas !
Parmi ceux qui ont apporté un soutien sans faille, vous m’autoriserez à distinguer un personnage, le 8ème larron qui connaît presque aussi bien le dossier que moi, avec qui l’on a travaillé encore hier au soir jusqu’à 23 heures. Je veux bien sûr parler de Pierre Pluta.
Un contradicteur subtil, animé d’une volonté farouche à ce que la justice soit rendue, sûr de notre bon droit, déterminé, serein et terriblement efficace.
Cela fait maintenant quelques années que nous militons pour que les victimes de l’amiante se retrouvent dans une seule et même organisation ? Qu’il faille les organiser au plus près du lieu d’exposition, au plus près du lieu d’exploitation : bien sûr ! D’ailleurs chacun défend des revendications spécifiques (faute inexcusable, reconnaissance du site, particularité dans le mode des calculs).
Mais se pose immanquablement la question de l’unité autour de thèmes centraux : faiblesse des indemnités FIVA, suivi médical par exemple. Est-ce un comité de base seul qui mettra fin au scandale qui empêche les victimes de l’amiante d’entrer dans le dispositif parce que l’on ne peut pas vivre avec 65 % du SMIC ?
Au moment où les acquis des victimes sont mis à mal comme le prouve le scandaleux rapport Legarrec, où les indemnisations allouées par les tribunaux sont au ras des pâquerettes, il est impératif, urgent de fédérer toutes les victimes, gage d’efficacité, dans une seule et même organisation. Ce serait le meilleur hommage, la plus belle des façons de remercier Pierre pour son exceptionnel dévouement à la cause des ex-Dockers.
Quant aux amis syndicalistes, politiques, associatifs, à ceux de BES, nous saurons très prochainement leur rendre l’hommage qu’ils méritent pour le rôle essentiel qu’ils ont joué dans ce terrible combat.
Pour terminer, je veux saluer mes camarades des « clients » comme on dit, des « cadors », de ceux qui permettent de ne pas désespérer dans le genre humain. Merci les gars et chapeau !
Enfin, un mot pour celles et ceux qui ont souffert à nos côtés, crevant de trouille pour notre santé, nos épouses et nos enfants. C’est incroyable la chance que l’on a de vous avoir.
La dernière fois, je ne suis pas arrivé à le dire : l’on vous aime.
Louis Monteyne