Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

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Intervention de Pierre Pluta

23 mars 2004
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INTERVENTION DE PIERRE PLUTA, PRESIDENT DE L’ARDEVA DUNKERQUE

lors de la manifestation du 23 mars 2004 devant la cour d’appel de Douai suite au non lieu rendu par la juge d’instruction de Dunkerque

"Les empoisonneurs doivent être jugés !"

Un siècle de mensonges, de mascarades, de souffrances et des milliers de morts.

En 1997, L’ARDEVA et 4 salariés atteints de maladie due à l’amiante ont déposés une plainte contre X au tribunal de Dunkerque. Deux des salariés sont malheureusement déjà décédés des suites d’un mésothéliome.

Au terme de 6 ans d’instruction, le magistrat et le procureur de la République, s’appuyant sur la loi Fauchon du 10 juillet 2000, ont prononcé un non-lieu le 16 décembre 2003, malgré les décisions du tribunal des affaires de la Sécurité Sociale qui a reconnu la faute inexcusable de l’employeur pour des centaines de salariés atteints ou décédés des suites de maladies dues à l’amiante, malgré les décisions de la CIVI qui reconnaît que la contamination est due à une infraction pénale et qu’il y a à l’origine de la maladie un acte de délinquance, malgré les preuves incontestables qui figurent au dossier. Je voudrai simplement citer une note du responsable sécurité des chantiers navals de la Normed au chef du personnel en date du 4 octobre 1978 dans laquelle il écrivait : ( je cite ) "Des soudeurs de l’entreprise Cappelli utilisent des matelas d’amiante pour effectuer des soudures spéciales. Ils se sont plaints au docteur Labegorre, médecin du travail des chantiers, de l’exposition aux poussières. J’ai demandé à M. Felix, ingénieur, les résultats des essais effectués avec des matériaux de substitutions que nous leur avons procurés. Celui-ci me dit que M. Daval, directeur des Chantiers navals, n’a pas voulu faire la dépense. Dans ce cas que faut-il faire ?" ( fin de citation )

Les morts, la souffrance, c’est donc du à la fatalité ?, c’est la faute à personne ?. Nous avons donc volontairement, et en toute connaissance de cause sniffé de l’amiante ?.

La colère que nous manifestons aujourd’hui à Douai, jour de l’audience de l’appel, s’adresse aussi aux députés et sénateurs, représentants de la nation, auxquels nous demandons avec insistance de réfléchir aux effets pervers de cette loi Fauchon, qu’ils ont voté à l’unanimité, et d’avoir le courage de corriger ce texte injuste, qui exonère les responsables de la plus grande catastrophe sanitaire que notre pays ait jamais connu de répondre de leurs actes devant la justice.

Nous ne sommes pas là pour crier vengeance mais pour exiger que tous les responsables viennent s’expliquer devant la justice, qu’ils répondent de leurs actes au pénal. Nous avons droit au procès, c’est une question de dignité. Les victimes ne veulent pas se faire enterrer une seconde fois, la justice doit passer, pas classer.

Quelques mots maintenant sur les responsabilités dans cette catastrophe sanitaire au travers d’un bref historique, je pense qu’il faut se remémorer ces quelques dates afin de bien comprendre pourquoi la colère monte en nous et aussi pourquoi nous n’acceptons plus d’attendre.

- 1906 : L’inspecteur Auribault publie un rapport dans lequel il décrit les premiers cas de fibrose pulmonaire suite à une étude qu’il a entrepris sur de nombreux cas mortels survenus après quelques années d’exposition à l’amiante, parmi les travailleurs de l’usine de Condé sur Noireau, crée en 1890 en Normandie. ( une cinquantaine de salariés sont décédés entre 1890 et 1895 soit en 5 ans d’existence de l’usine.)
- 1945 : L’amiante figure au tableau des maladies professionnelles. Dés cette date, le médecin du travail ne peut plus dire « je ne savais pas  » le tableau des M.P.est le B.A. BA de sa formation. Préserver la santé des salariés fait partie de sa fonction.
- 1970 : Des chercheurs de Jussieu tirent la sonnette d’alarme sur les dangers de l’exposition à l’amiante.
- 1982 : Création du CPA ( Com. Perm. Amiante ) dont le rôle essentiel a été la désinformation pour éviter l’interdiction de l’amiante afin de préserver les intérêts des industriels de l’amiante. Il était composé de représentants des ministères du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle, des affaires sociales, de la santé, de la ville, de l’environnement, du logement. Mais aussi d’éminentes personnalités de la médecine, de la science, des chercheurs, du directeur de l’INRS et de syndicats professionnels. Au terme de l’existence du CPA, en 1996, certaines de ces personnalités se sont félicitées du travail accompli durant plus d’une décennie, alors qu’au nom du profit d’une poignée d’individus sans scrupules, elles n’ont pas hésité à sacrifier des vies humaines.

Et on le comprend mieux lorsque l’on sait que se sont les industriels de l’amiante eux-mêmes qui finançaient le CPA.

On peut aujourd’hui en mesurer toutes les conséquences.

- Dernière date à ne pas oublier, janvier 1997, interdiction de l’utilisation de l’amiante, sous la pression des associations. Que l’on ne vienne pas nous dire : « on ne savait pas »

Vous l’aurez compris, les employeurs sont un des maillons de la chaîne des empoisonneurs, responsables de cette catastrophe sanitaire qui détruit notre santé, notre vie, nos familles. Le 3 mars dernier, le Conseil d’état a confirmé la responsabilité d’un autre maillon, celui des pouvoirs publics, sans que l’un puisse exonérer l’autre.

La décision du tribunal de DK est un véritable permis de tuer, pourquoi se gêner puisqu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter et qu’il est possible de continuer à empoisonner tranquillement. La preuve en est que le poison amiante a été remplacé par le poison appelé FCR et que bon nombre de produits hautement toxiques sont encore employés aujourd’hui, sans information ni protection.

Si nous ne réagissons pas, ce sont nos enfants qui connaîtrons, d’ici quelques années, de nouvelles catastrophe sanitaires.

Nous proposons aux magistrats, aux élus, de venir passer un peu de leur temps à l’écoute des victimes lors de nos permanences, cela les aiderai, j’en suis persuadé, à prendre conscience de l’ampleur de ce drame, du calvaire vécu par les victimes qui meurent dans d’atroces souffrances, les poumons rongés par l’amiante, prendre conscience aussi de l’anéantissement des familles, de leur misère et de leurs pleurs.

Il est dit, comme si cela était normal, banal en somme, qu’environ 3 à 5000 personnes meurent chaque années en France et que d’ici 2020 env. 150.000 personnes mourront de maladies dues à l’amiante.

Ce sont des personnes auxquelles a été volé le droit de vivre, le droit de profiter avec leur famille d’une retraite bien méritée, elles ont travaillé pour gagner leur vie, pas pour la perdre.

Les conjoints de personnes décédées de maladie due à l’amiante sont venues dire avec nous qu’il ne s’agit pas de mort naturelle mais de décès provoqués par empoisonnement, donc d’assassinats pour lesquels la justice veut nous faire croire qu’il n’y a pas de responsables.

Ne pas poursuivre les véritables responsables de cette catastrophe est un trouble à l’ordre public.

Il suffit de lire la presse pour voir que l’on condamne un voleur de poules ou une mère démunie qui vole une orange dans un super marché pour nourrir son enfant.

Par contre, au plus on tue, au moins on est poursuivi. Au plus la catastrophe est importante, au moins on s’occupe du dossier. Au plus il y a de dégâts, au plus on fait semblant de ne pas voir.

Ceci est un comportement de pyromane et on peut voir que, comme le 29 octobre à Dunkerque, aujourd’hui à Douai, l’exaspération est à son comble et le feu commence à prendre.

Je le dis haut et fort :

- Ne comptez pas sur les effets du temps qui passe.
- Ne comptez pas sur notre affaiblissement.
- Ne comptez pas sur nos disparitions précoces pour enterrer ce dossier, nous resterons vigilants, nous ne laisserons pas faire.

Les empoisonneurs doivent être jugés.