Plate-forme ANDEVA-FNATH

pour améliorer la réparation des maladies professionnelles dues à l'amiante
1er juin 1997



Plan du document


INTRODUCTION

En France, la grande majorité des maladies d'origine professionnelle dues à l'inhalation de poussières d'amiante - cancers et fibroses - ne sont ni reconnues ni indemnisées : la charge morale et matérielle est donc reportée d'abord sur les victimes et ensuite sur la collectivité (Assurance maladie, Mutualités, contribuables). Cet état de fait a eu des conséquences dramatiques en terme d'alerte et de mise en place de la prévention . Par ailleurs, les conséquences ont été et sont encore aujourd'hui inacceptables en terme humain pour les victimes et leurs familles. La comparaison avec le fonctionnement des système de reconnaissance des maladies professionnelles liées à l'amiante en Grande Bretagne ou en Allemagne illustre de manière criante les carences du système en place en France.

En France, le système de réparation des maladies professionnelles date de 1919, mais les pathologies pulmonaires dues à l'inhalation de poussières minérales (pneumoconioses) n'ont commencé à être prises en compte qu'à dater de 1945, et ce de façon très restrictive. C'est l'ensemble de ces restrictions, propres à la réparation des pneumoconioses, qu'il faut aujourd'hui remettre en cause si l'on ne veut pas que ce système de réparation soit un véritable marché de dupe. Marché, car il faut rappeler que le système actuel de réparation est le fruit d'un compromis où les travailleurs ont échangé le droit de poursuivre un employeur en justice au civil, en lui réclamant des dommages et intérêts (comme c'est le cas dans de nombreux pays), contre une réparation forfaitaire.

Mais le compromis est-il respecté si la réparation forfaitaire est pour partie vidée de son contenu, la reconnaissance des maladies étant très difficile à obtenir et les compensations financières très insuffisantes ?

Dans le texte qui suit, nous rassemblons en huit points, les mesures les plus urgentes à mettre en oeuvre pour en finir avec les principaux dysfonctionnements du système, mesures spécifiques pour les maladies dues à l'amiante, ou concernant l'ensemble des pneumoconioses, ou encore l'ensemble des maladies professionnelles.

Par ailleurs, mais hors système donc hors plate-forme, nous rappelons qu'il est essentiel - dans le cas des pathologies dues à l'amiante - que la faute inexcusable de l'employeur soit considérée comme allant de droit


PRINCIPALES MESURES A METTRE EN OEUVRE

I ] Améliorer les modalités de déclaration et RACCOURCIR la durée d'instruction des dossiers

Les lenteurs et difficultés d'instruction des dossiers sont inacceptables pour les victimes, notamment dans le cas des pathologies graves comme le mésothéliome et le cancer du poumon. Il est alors fréquent que la décision de la CPAM ne soit rendue qu'après le décès de la victime.

Les démarches des victimes doivent être facilitées et les procédures simplifiées et accélérées. Nous proposerons en particulier deux mesures.

Un guide pour les victimes

Pour favoriser les procédures de déclaration des maladies professionnelles, les administrations de certains pays étrangers, comme la Grande Bretagne, distribuent largement des guides pour les victimes, par exemple dans le cas des maladies liées à l'exposition à l'amiante. Il serait normal qu'un tel outil d'aide aux victimes soit distribué par les Caisses de Sécurité sociale. En attendant une telle initiative, un guide vient d'être rédigé et sera prochainement diffusé par l'ANDEVA, la FNATH et la Ligue contre le Cancer.

Une durée limitée à 4 mois pour l'instruction des dossiers

Selon l'article R441-10 du Code de la Sécurité sociale, si, dans un délai de 60 jours, la Caisse primaire n'a pas adressé de réponse à la victime ayant déclaré une maladie professionnelle, celle-ci est reconnue de droit.

Pour éviter d'avoir à statuer dans le cadre de ce délai, les caisses adressent à la victime ou à ses ayant droit une lettre dite de contestation préalable ou de réserve de principe, indiquant que le caractère professionnel de la pathologie présentée doit faire l'objet d'une enquête.

Cette contestation préalable n'a pas de statut dans la réglementation et permet aux caisses de ne plus être tenues par aucun délai légal ou réglementaire. Ceci signifie des durées de procédure allant de quelques mois à plusieurs années. C'est la raison pour laquelle de très nombreuses victimes, atteintes de cancers professionnels, décèdent avant d'avoir reçu une réponse à leur demande de reconnaissance en maladie professionnelle.

En conséquence, nous demandons :

II ] Faciliter les enquêtes d'exposition

Toute maladie professionnelle due à une exposition à un agent toxique implique -pour qu'il y ait reconnaissance- d'apporter la preuve de cette exposition.

Les enquêtes en ce sens sont normalement menées par la CPAM auprès des employeurs qui -le plus souvent- nient toute exposition.

Dans le cas des pathologies dues à l'amiante, ces expositions remontent fréquemment à une trentaine d'année auparavant et, complication supplémentaire, on constate alors soit la disparition des entreprises, soit la disparition des installations et des conditions de travail de l'époque, d'où la réponse négative des caisses dont les services administratifs disent ne pouvoir disposer de la preuve de l'exposition.

Faire face à cette situation implique de considérer séparément -comme en Grande Bretagne- le cas des mésothéliomes où l'exposition peut être très faible et où le temps de latence est très long, et celui des autres pathologies.

Cas des mésothéliomes

Selon les travaux d'Iwatsubo-Brochard sur les victimes de mésothéliome pleural, 53% d'entre eux déclarent n'avoir jamais eu d'exposition à l'amiante. Pour la moitié des emplois où l'exposition peut-être considérée comme certaine, les victimes déclarent ne jamais avoir été exposées ! D'autres modes d'enquête montrent cependant que le rôle de l'exposition à l'amiante est certain dans 75 à 95% de ces cancers.

C'est dire que les procédures administratives de recherche de l'exposition ne sont absolument pas à l'échelle des difficultés qui existent pour retracer des expositions de quelques semaines ou quelques mois, 40 années auparavant.

Dans un pays comme la Grande Bretagne ces difficultés ont entraîné un rapport et une discussion devant le parlement ! Et décision a été prise de simplifier, au moins dans le cas des mésothéliomes, la recherche de l'exposition. C'est ainsi qu'on lit dans le rapport de la Commission devant le parlement (Annexe 2 point 8) les lignes suivantes :

Nous donnons ci-dessous une liste des activités pouvant entraîner une exposition significative à l'amiante. Cette liste devrait être distribuée aux personnels chargés de l'attribution des rentes. Les cas de mésothéliome chez des salariés ayant participé à ces activités peuvent être raisonnablement attribués à ces travaux sans autre enquête.


N.B.

Il est important de noter que tous les travailleurs - ni même nécessairement une majorité d'entre eux - dans les activités énumérées ci-dessus ne sont pas exposés à des niveaux significatifs d'amiante. Toutefois, on peut assumer que les cas de mésothéliome apparaissant chez des individus ayant été affectés à l'une ou l'autre de ces occupations sont dus, sauf preuve du contraire, à une exposition professionnelle à l'amiante.

Nous proposons dans le cas des mésothéliomes qu'une mesure identique soit adoptée en France, ce qui ne demande pas de modification du tableau 30. Il suffirait d'un arrêté (ou décret) prévoyant que les travailleurs atteints d'un mésothéliome et ayant exercé l'une des professions notées sur une liste proche de la liste ci-dessus, soient considérés comme ayant été exposés de façon habituelle à l'amiante. Comme en Grande Bretagne toute contestation par l'employeur, pour l'une de ces professions, impliquerait qu'il fasse la preuve de l'absence d'exposition.

Autres pathologies

Par ailleurs pour les autres pathologies il apparaît que les services AT-MP des CPAM sont parfois désemparés pour conduire les enquêtes, même dans des cas relativement simples. Et la difficulté n'est pas propre au tableau 30 et à l'amiante, d'où la nécessité de faire obligation aux caisses primaires -quelle que soit l'exposition considérée- d'avoir recours à la compétence des services prévention des CRAM concernés.

Enfin, nous proposons que toute enquête sur l'exposition à l'amiante - sauf dans les cas où les CPAM connaissent bien ces expositions - implique une interrogation d'un observatoire central détenant l'ensemble des informations disponibles sur la relation entre d'une part "emploi-travaux-entreprises" et d'autre part l'exposition probable à l'amiante. Cet observatoire -qui pourrait être localisé à l'INRS et où l'accès serait libre- aurait en particulier en charge de répertorier les données existantes, sur les matrices emploi-exposition à l'amiante, sur les matériaux ayant contenu de l'amiante et sur les entreprises où ces matériaux ont été utilisés.

III ] Dans le tableau 30 reconnaître les épaississements pleuraux unilatéraux

Le tableau 30 ne permet pas encore de prendre en compte l'ensemble des pathologies pulmonaires liées à l'amiante.

Ainsi les enquêtes récentes, par exemple celle de Laubignat et Catilina, montrent que les épaississements pleuraux diffus sont fréquemment unilatéraux, donc ne relèvent pas de l'actuel tableau 30 qui ne prend en compte que les "bilatéraux". Cette constatation vient d'entraîner la Grande Bretagne à les reconnaître comme maladies professionnelles.

Nous pensons d'autant plus nécessaire de faire de même que ces lésions, même unilatérales sont fréquemment accompagnées de douleur et d'atteinte à la fonction respiratoire, sans pour autant relever du système complémentaire.

IV ] Abroger l'ensemble des clauses du régime dérogatoire propre aux pneumoconioses

Ce régime dérogatoire a été institué après la dernière guerre pour limiter l'étendue de la réparation de la silicose (pneumoconiose du houilleur) qu'il n'était plus possible d'ignorer et qui faisait alors des ravages chez les mineurs.

Il n'est pas question d'énumérer ici l'ensemble des disposition exposées dans les articles D-461-5 à D-461-24, et nous ne relèverons que quelques unes des mesures qui en découlent :

La conclusion est qu'il faut abroger l'ensemble des articles du Code de la Sécurité sociale liés à ce régime dérogatoire.

Les maladies relevant des tableaux concernés doivent être réparées au même titre que les autres maladies professionnelles. A noter cependant que cette abrogation doit s'accompagner d'une révision des délais de prise en charge des tableaux 44, 91 et 94. Ces délais devront être au minimum doublés. Ils ont en effet été fixés très courts, comme ceux de l'ancien tableau 30, par référence au pouvoir des collèges des 3 médecins d'en accepter le dépassement. Tels qu'ils sont, à 5 ans, ces délais ignorent tout de ce qu'est le vécu de ces maladies.

V ] Définir les cas où le certificat de consolidation n'est pas nécessaire pour la fixation du taux d'IPP

La règle actuelle veut que la fixation d'un taux d'IPP ne peut se faire qu'après obtention d'un certificat de consolidation, ce qui signifie que l'état de santé de l'intéressé est stabilisé et qu'il peut reprendre un travail quelconque. En conséquence la sécurité sociale n'a plus à lui verser d'indemnités journalières.

Mais cette règle n'a plus de sens dans au moins deux cas de figure :

VI ] La fixation des taux d'IPP : au minimum imposer le respect du barème de 1989

Par lettre interministériel du 8 juin 1989 il a été institué un barème indicatif d'invalidité qui, en particulier dans le cas des pneumoconioses, permet d'évaluer les séquelles laissées par une maladie professionnelle. Ce barème a été déclaré "indicatif" pour lui permettre d'évoluer... ce qu'il a fait mais dans un sens tellement défavorable aux victimes qu'il est nécessaire d'envisager un certain nombre de mesures

VII ] Mettre en place un véritable suivi post-professionnel

La nécessité d'un suivi post-professionnel est particulièrement évidente dans le cas de travailleurs ayant été exposés aux poussières d'amiante : les temps de latence particulièrement longs des pathologies les plus graves liées à l'amiante -cancers du poumon et mésothéliomes- font qu'une bonne partie de ces pathologies est diagnostiquée après changement ou cessation d'activité des travailleurs.

Sans développer l'ensemble des problèmes qui se posent actuellement dans le cadre de ces suivis, il est nécessaire d'en retenir au moins trois qui demanderont rapidement des nouvelles conclusions réglementaires.