Mai 2001

Les revendications de l’ANDEVA

( ce cahier de revendication a été remis au cabinet Guigou en mai 2001.

Il est susceptible d'évoluer dans les semaines ou mois à venir)

 

I] Décret d’application portant la création du FIVA

  1. Comme le prévoit la Loi, un établissement public doit être crée. L’Andeva demande que cet établissement soit effectivement mis en place, en toute indépendance des établissements de nature comparable déjà existants.

    En particulier, il ne serait pas acceptable que le Fiva sous-traite ses activités au Fonds de garantie automobile comme c’est le cas actuellement avec le Fonds d’indemnisation des victimes d’infractions ou encore avec le Fonds d’indemnisation des victimes du VIH. L’attitude de cette structure vis à vis des victimes de l’amiante ayant été inadmissible, le gouvernement prendrait une grave décision en ne créant pas un établissement distinct

    De plus, aucun argument sérieux ne plaide en faveur d’une telle solution. La plus grande rapidité de mise en œuvre invoquée par le cabinet et la DSS, l’expérience déjà acquise par le personnel du Fonds de garantie, la nécessité de respecter les délais de traitement des dossiers imposés par la loi, alors que les premiers mois un " engorgement " des demandes d’intervention du Fonds est prévisible, ne sont pas des arguments recevables.

    En effet, la spécificité des dossiers des victimes de l’amiante, tant en ce qui concerne l’évaluation des préjudices et du montant des indemnisations qu’en ce qui concerne l’articulation d’un grand nombre de procédures avec les caisses de Sécurité sociale, commande un traitement lui aussi spécifique. En tout état de cause, quelle que soit l’option retenue, il conviendra de recruter et de former du personnel en nombre suffisant. Rien n’interdit également que des collaborateurs du Fiva soient recrutés parmi le personnel du Fonds de garantie, pour ne pas " partir de zéro ".

    Rien n’interdit non plus que les différents Fonds disposent de services communs entre eux : service du personnel, comptabilité, maintenance… Pour autant, il nous paraît indispensable que la Direction du Fonds et les personnels qui gèreront les dossiers des victimes de l’amiante soient autonomes.

  2. L’ANDEVA demande que l’ensemble des pathologies spécifiques d’une exposition à l’amiante (plaques et épaississements pleuraux, asbestose et mésothéliomes…) valent justification d’une exposition à l’amiante et simplifie la procédure.

    Elle demande que l’arrêté soit pris en même temps que le décret.

  3. Représentation des victimes

    Compte tenu du rôle des associations de victimes dans l’amélioration du sort des personnes contaminées, dans les procédures judiciaires en indemnisation, compte tenu de leur représentativité, compte tenu aussi des conflits d’intérêts entre les partenaires sociaux conduisant souvent à une paralysie en matière de prévention et de réparation des maladies professionnelles (cf problèmes de la CAT-MP, du Conseil d’administration de l’INRS, de la Commission maladies professionnelles du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, cf rapport de l’IGAS et de la Cour des Comptes), l’ANDEVA revendique que les associations de victimes disposent d’un nombre de sièges au sein du CA du Fiva équivalent au nombre de sièges des représentants de la CAT-MP.

  4. Compétences du CA

    Le Conseil d’administration du Fiva doit recevoir toutes les informations nécessaires à la gestion de l’établissement et en particulier à la politique d’indemnisation des victimes, aux montants de celles-ci, au recours récursoires, ainsi qu’au traitement des dossiers, tous domaines dans lesquels c’est le CA qui définit les orientations.

  5. Justification de l’atteinte à l’état de santé.

    Le demandeur doit produire un certificat médical établi par tout docteur en médecine.

  6. Enquête sur les circonstances de l’exposition

    L’Andeva propose qu’un modèle de formulaire de demande d’indemnisation auprès du Fiva soit établi. Il serait adressé à toute personne en faisant la demande et comporterait les éléments suivants :

    Si, au vu des renseignements collectés, l’origine professionnelle de la maladie est possible, le dossier devrait être transmis à l’organisme de Sécurité sociale avant huit jours.

    Dans ce cas de figure, l’Andeva demande que l’indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux soit versée à la victime, sans attendre la fin de l’instruction du dossier par l’organisme de Sécurité sociale.

  7. L’ANDEVA demande que l’offre du Fonds ne soit pas conditionnée par une enquête contradictoire, ceci afin de privilégier une procédure d’instruction des dossiers la plus rapide possible

  8. L’Andeva souhaite que les victimes soient dispensées du ministère d’avoué dans la procédure d’appel.

  9. Lorsque le principe de l’indemnisation par le Fonds est admis et qu’un désaccord existe sur le montant de l’indemnisation, si la victime décide de faire appel, l’Andeva souhaite que les 2/3 de la somme soit versée à la victime, à titre de provision.

  10. L’Andeva demande la création d’une commission de suivi des actions récursoires au sein du conseil d’administration du Fiva.

 

II ] système de réparation des maladies professionnelles

L’amélioration du système de réparation des maladies professionnelles suppose l’adoption de mesures d’ordre structurel, des changements dans la procédure de reconnaissance et d’indemnisation ainsi que dans le système complémentaire.

1.   Des mesures d’ordre structurel

Ce principe est au fondement de la législation mais la jurisprudence a admis que la présomption pouvait être combattue par la preuve contraire. Cependant, un arrêt de la chambre sociale de 1966 exige que cette preuve contraire établisse que " sans aucun doute possible, le risque professionnel n’a eu aucune influence sur l’origine ou l’évolution de la maladie ". En d’autres termes, le doute doit profiter au salarié malade. Or les Caisses appliquent actuellement le principe inverse : le doute en matière d’exposition bénéficie toujours à l’employeur.

Pour que s’inverse cette situation très défavorable aux victimes, il importe notamment que l’absence de preuve de l’exposition, dans des secteurs ou métiers qui notoirement ont utilisé le produit en cause, entraîne la reconnaissance de droit (sauf preuve contraire apportée par l’employeur). En outre, le non-respect, par l’employeur, de l’obligation de déclaration des produits et procédés conduisant à maladie professionnelle (code S.S, L161-4) devrait, être considéré comme une infraction de sa part justifiant la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur dans le système actuel ou comme une infraction pénale dans le cadre d’un système de réparation intégrale.


Celle-ci doit concerner l’incapacité temporaire et l’incapacité permanente :

Les personnes atteintes de maladie professionnelle sont généralement placées dans une position difficile au regard de l’emploi contre laquelle le dispositif prévu dans la loi du 7 janvier 1981 ne fonctionne pas. Inaptitude, démissions, licenciements… la perte d’emploi ou le déclassement remettent gravement en question la sécurité économique des victimes de maladies professionnelles.

Une indemnité d’attente (représentant l’équivalent du salaire) devrait être versée dès la cessation des indemnités journalières et jusqu’à ce qu’un reclassement ou une indemnisation intégrale viennent effectivement compenser la perte de capacité de gain entraînée par la maladie professionnelle.

Ces indemnités doivent être réévaluées : elles ont été fixées en 1985 et non pas été revalorisées depuis.

2.   Des changements dans la procédure de reconnaissance et d’indemnisation

L’établissement d’un certificat médical initial (CMI) de maladie professionnelle par le médecin qui pose un diagnostic de maladie pouvant relever du système de réparation, doit devenir obligatoire. Ce certificat doit être remis à la victime au moment du diagnostic, en même temps que l’information nécessaire à son utilisation. La formation des médecins cliniciens est à repenser pour tout ce qui concerne la relation santé-travail et leur rôle dans la reconnaissance et la prévention des pathologies professionnelles. Les médecins du travail doivent être soumis à cette obligation dans le cadre de leur mission, ce qui signifie que l’obligation doit être énoncée dans le code du travail.

Pour permettre l’enregistrement des cas pour lesquels un CMI a été établi, un formulaire à double volet devrait permettre qu’un signalement du CMI soit adressé parallèlement, par le médecin, au médecin-inspecteur régional du travail.

La victime qui reçoit ce certificat et demande auprès de la caisse d’assurance-maladie un formulaire de déclaration, doit pouvoir bénéficier par celle-ci d’une information lui permettant de connaître l’ensemble de ses droits et le déroulement de la procédure, sachant que l’acte de déclaration doit rester son initiative. L’obligation d’information doit figurer explicitement dans le code de la sécurité sociale et doit être organisée en donnant aux agents des caisses la formation nécessaire.

Les délais entre déclaration et reconnaissance étant impératifs, c’est désormais entre reconnaissance et indemnisation que se pose le problème du délai. Les caisses exigent un certificat de consolidation (considéré, pour les maladies graves, par les médecins, comme inacceptables d’un point de vue médical : un cancer peut-il être déclaré médicalement " consolidé " ?) et, en Ile de France notamment, un nouveau rendez-vous avec le médecin-conseil pour l’établissement du taux d’IPP.

La notion de consolidation n’a pas de sens dans le cas des maladies évolutives graves. Cette notion doit être revue dans le sens d’une plus juste prise en compte des situations des victimes.

Le délai entre la reconnaissance de la maladie (ou la fin des IJ) et l’attribution du taux d’IPP ne doit pas dépasser un mois.

Les victimes de maladies professionnelles doivent avoir des IJ maladie professionnelle équivalentes à leur salaire à taux plein.

Le délai impératif entre la fixation du taux d’IPP et le premier versement de la rente devrait être d’un mois maximum.

Le contentieux général (CRA, TASS) introduit des délais insupportables, surtout lorsqu’il s’agit de malades dont les jours sont comptés. Les conditions d’examen des dossiers mettent les victimes en demeure d’apporter des preuves d’exposition que les employeurs ont systématiquement fait disparaître ou niés. Nous demandons que le doute sur l’exposition joue en faveur et non au détriment de la victime.

Le contentieux de l’incapacité voit les victimes de maladies professionnelles confrontées à des dispositifs d’expertise incompatibles avec la dignité humaine et le respect des droits de la personne. L’expertise apparaît de surcroît non pas comme le lieu d’exercice d’une compétence effective et impartiale mais comme une loterie, chaque expert ayant sa propre " doctrine " en matière d’évaluation des préjudices. Une transformation profonde de ce contentieux doit être engagée permettant un débat contradictoire entre les experts des caisses et ceux des victimes, débat qui obligent les experts à une discussion des critères d’évaluation utilisés.

Concernant la composition du TCI (Tribunal du contentieux de l’incapacité) et de la CNI (Cour nationale de l’incapacité) ; ces juridictions doivent être présidées par un magistrat et ne pas être des juridictions d’exception ; ce qui est le cas à l’heure actuelle. Elles fonctionnent aujourd’hui en toute illégalité et la Cour de cassation les a d’ailleurs condamnés dans plusieurs arrêts récents.

3.   Le système complémentaire

Concernant l’alinea 4, le critère de gravité de l’atteinte fait obstacle à la soumission de très nombreux dossiers qui pourraient être pris en compte par les CRRMP. En conséquence, la limite à 66,6% devrait être supprimée. Par ailleurs, comme dans le cas de l’accident où il suffit que le travail soit effectué sous l’autorité de l’employeur pour que ce soit un accident du travail, on devrait considérer la reconnaissance comme légitime à partir du moment où la maladie entretient un lien direct avec le travail, même dans les cas où la cause professionnelle n’est pas exclusive. Ceci permettrait enfin de donner tout son sens à ce dispositif.

 

 

III] Cessation anticipée d’activité

 

1.   Etendre le dispositif aux travailleurs atteints de plaques pleurales, tableau 30 paragraphe B.

La présence de plaques pleurales est la preuve irréfutable d’une contamination par l’amiante. Par rapport à la population générale, elle signifie un sur-risque de pathologies graves et de décès. Ce risque supplémentaire doit être pris en compte.

Les " lésions pleurales bénignes " du tableau n°30B sont invalidantes ; elles peuvent évoluer, être sévères et entraîner des incapacités physiques importantes. Bénin ne signifie pas sans souffrance. Le critère essentiel à prendre en compte pour l’ouverture de ce droit, c’est d’abord la réduction de l’espérance de vie.

Il y a d’ailleurs une incohérence et une injustice flagrantes : des victimes relevant du tableau 30B qui sont déjà malades se voient refuser un accès à la cessation anticipée d’activité, alors qu’il est pourtant accordé – à juste titre – à des salariés indemnes de toute pathologie, au seul motif qu’ils ont travaillé dans des entreprises notoirement utilisatrices d’amiante.

2.   Les listes d’établissements fixées par arrêté doivent être indicatives

Afin d’éviter les problèmes d’établissements " oubliés ", ainsi que les erreurs d’adresse nous demandons que les listes indiquées dans ces arrêtés soient indicatives. Compte tenu que plusieurs mois, voir une année, peuvent s’écouler entre chaque arrêté, cela empêche de nombreuses personnes exposées à l’amiante de faire valoir leurs droits.

3.   Création de commission au sein des CRAM

Nous préconisons la création de commissions au sein des CRAM (où siégeraient les associations). Ces commissions devraient pouvoir traiter des dossiers et décider d’inscrire une entreprise dans la liste ouvrant droit à la cessation anticipée, de rectifier une erreur de dates au d’adresse, sans attendre la publication d’un arrêté.

4.   Création d’une commission au sein du Conseil supérieur des risques professionnels.

Cette commission serait chargée d’examiner les possibilités d’extension du dispositif aux secteurs d’activité touchés par les expositions à l’amiante.

5.   Inscrire la notion de sites d’utilisation de l’amiante.

La notion de sites d’utilisation de l’amiante doit être intégrée dans le dispositif, afin que l’on ne raisonne plus seulement sur celle d’établissements ou d’entreprises, ce qui est beaucoup trop restrictif : les entreprises sous traitantes et le personnel à statut précaire (notamment les intérimaires) ne doivent pas être exclus.

6.   Fixer un plancher concernant l’allocation, au moins égal au SMIC brut.

Actuellement, beaucoup de personnes qui pourraient prétendre à cette allocation n’en profite pas compte tenu que les montants proposés sont très faibles. Une personne payée au Smic actuellement ne pourra toucher que 80% de celui-ci. Le plancher actuel étant imposé sous réserve de ne pas dépasser 80% du salaire réellement perçu (même si l’intéressé ne gagne que 3000 francs…).

7.   Le calcul de référence de l’allocation doit se faire sur la période d’activité la plus favorable

Le calcul doit se faire sur la période d’activité la plus favorable : soit sur les douze derniers mois de salaire au moment de l’exposition de l’amiante, soit sur les douze derniers mois d’activité (comme la règle de calcul pour les rentes de maladies professionnelles).

 

IV] Suivi post professionnel et post exposition

 

Nous avons appris que le ministère de l'emploi et de la solidarité et la caisse nationale d'assurance maladie venaient enfin de décider de mettre en expérimentation la surveillance médicale des personnes exposées à l'amiante en s'inspirant des recommandations de la conférence de consensus du 15 janvier 1999.

Mais cette expérimentation ne concernera que 3 régions "pilotes" (5 régions avaient été proposées par les groupes de travail réunis par le ministère à la suite de la conférence de consensus).

D'autre part des modalités d'organisation différentes ont été choisies pour chacune des 3 régions, dans l'objectif de comparer les résultats obtenus et la pertinence des différents dispositifs…

L'Andeva regrette vivement

Compte tenu de la forte attente exprimée sur le terrain par les personnes concernées, et des difficultés importantes rencontrées quotidiennement dans l'application de la procédure actuellement en vigueur (décret de mars 93, arrêté du 28 février 95, arrêté du 13 décembre 96), l'Andeva demande que des mesures soient prises dès aujourd'hui et applicables à l'ensemble du territoire :

  1. Le recours systématique à l'examen TDM du thorax pour le bilan de 50 ans recommandé par le jury de la conférence de consensus, de même que pour le premier bilan post professionnel.
  2. L'assouplissement des modalités de délivrance de l'attestation d'exposition (la seule signature du médecin du travail doit suffire) ; la possibilité d'accéder au suivi à partir d'un interrogatoire professionnel validé par une consultation de pathologie professionnelle.
  3. La prise en charge du repérage des expositions passées et du bilan de 50 ans par les services médicaux du travail. Nous insistons pour que le financement de ces examens reste à la charge des employeurs. on doit s'étonner de constater la frilosité voire la réticence des responsables de la médecine du travail à assumer cette fonction alors même qu'elle est prévue explicitement par les textes (arrêté du 13 décembre 96). Ceci illustre l'urgente nécessité - au moment où la réforme de la médecine du travail est en chantier- de préciser clairement la mission des médecins du travail et le cadre de leur exercice (organisation, gestion, instances de contrôle).
  4. La diffusion des outils d'information indispensables au repérage des risques, à la bonne pratique des examens et à leur interprétation. Les guides à usage des professionnels de Santé, préparés par les groupes de travail (guide de repérage des expositions atlas d'imagerie médicale) doivent être édités et largement diffusés sur l'ensemble du territoire, ainsi qu'un document d'information destiné au grand public.

 

L'Andeva prendra toute sa part aux travaux de la structure nationale de pilotage.

Elle soutient les revendications des associations de victimes de l'amiante du Nord, d'Auvergne, et d'Ile-de-France qui demandent que leur région conserve le statut de région-pilote comme cela avait été proposé initialement.

Dès à présent elle émet les plus grandes réserves sur la capacité d'une commission régionale de médecine du travail dans sa composition actuelle à mener à bien, dans l'intérêt des victimes, la mise en place de cette surveillance. De même les centres d'examen de santé, s'ils ont su être mobilisés lors de l'expérimentation ayant donné lieu à l'enquête Espaces ne sont pas en mesure d'assumer l'ensemble de la démarche.

Dans les régions retenues comme "pilotes", l'Andeva défendra :

A l'heure où une étude révèle qu'un retraité sur quatre a été exposé à l'amiante, il faut mettre en place un dispositif qui soit à la hauteur des enjeux de santé publique posés par le problème de l'amiante.