Avril 2003

Les revendications de l’ANDEVA

concernant l’amélioration du système de réparation des maladies professionnelles

Malgré quelques améliorations en matière de maladies professionnelles, beaucoup de choses restent à faire notamment concernant le délai de traitement des dossiers, le versement des rentes et la réparation des préjudices, la transparence administrative et la prise en charge des soins et examens pour les victimes et les personnes exposées.

Il est nécessaire d’améliorer le traitement des dossiers de maladies professionnelles (I) et l’indemnisation des victimes et des ayants-droit (II).

I- LES AMELIORATIONS EN MATIERE DE TRAITEMENT DES DOSSIERS DE MALADIES PROFESSIONNELLES

S’il est nécessaire d’accélérer les délais de reconnaissance (A), il faut aussi traiter les dossiers dans une totale transparence administrative (B).

A- Accélérer les dossiers de reconnaissance en maladie professionnelle

Lors de notre dernière rencontre, le 17 juin 2002, la Cnam s’était fixé un objectif : 85% des dossiers traités en moins de trois mois. Malheureusement la pratique nous montre que le délai complémentaire est encore utilisé de façon quasi systématique sans aucune justification précise. En outre, dans un certain nombre de cas les six mois de traitement ne suffisent pas et les caisses pratiquent le refus administratif.

1- Abroger la pratique du refus d’ordre administratif ou conservatoire

Depuis la mise en application du décret du 27 avril 1999, les délais entre déclaration et notification de reconnaissance ont été considérablement abrégés mais les CPAM tendent à utiliser une nouvelle forme de détournement de la réglementation par l’usage du « refus d’ordre administratif ». Celui-ci prend la forme d’une décision de rejet « parce que l’instruction du dossier n’est pas terminée », avec indication des voies de recours. Il s’agit d’une décision abusive qui fait assumer à la victime les conséquences du non - respect des règles en vigueur par la caisse. L’assuré n’a pas à faire les frais de carences dont il n’est pas responsable et devrait bénéficier de la reconnaissance de droit prévue dans la réglementation en cas de dépassement des délais d’instruction.

2- Un système de traitement spécifique des dossiers de cancer, en particulier les mésothéliomes

La Circulaire Joannet prévoyait une enquête simplifiée pour le mésothéliome. Malheureusement, il est extrêmement rare de voir une victime atteinte de mésothéliome reconnue rapidement. Le plus souvent, les victimes sont reconnues après six mois et de nombreuses victimes décèdent avant d’avoir été reconnues en maladie professionnelle.

Tenant compte de la gravité de la maladie, la notification de la reconnaissance des mésothéliome doit être faite rapidement. On pourrait envisager la création d’un système de traitement spécifique des dossiers de patients atteints de cancer, permettant de notifier une décision dans les deux mois du dépôt du dossier lorsque l’exposition est patente (cf point 3).

3- Surmonter les difficultés rencontrées dans l’établissement de la preuve de l’exposition

Cela peut être fait de deux manières : inverser la charge de la preuve et intégrer le questionnaire sur l’exposition à la déclaration.

* Inverser la charge de la preuve

Le rapport de la cour des comptes a établi les manquements caractérisés des employeurs à l’application de l’article L461-4 du code de la sécurité sociale selon lequel l’employeur devrait déclarer les produits et procédés susceptibles de provoquer des maladies professionnelles. Pourtant, les Caisses perpétuent une pratique déjà mise en cause par l’ANDEVA lors de rencontres antérieures avec la CNAM ou pour des dossiers individuels : le doute en matière d’exposition bénéficie toujours à l’employeur, même lorsque des cas de maladies professionnelles liées à l’amiante ont déjà été reconnues dans l’entreprise.

Pour que s’inverse la situation très défavorable aux victimes en matière de vérification de l’exposition, il importe de considérer comme « exposés » [sauf preuve contraire apportée par l’employeur] les personnes dont l’exposition a déjà été attestée par des reconnaissances en maladie professionnelle chez des collègues ou qui relève de  :

*La liste des entreprises et ou métiers ouvrant droit à la cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante :

*Les métiers considérés comme métiers à risque pour le suivi post professionnel

*Les métiers considérés comme métiers à risque par la base de données Evalutil

Les bases de données disponibles dans les services prévention et tarification des CRAM devraient être rendues accessibles aux services AT/MP des CPAM.

*Intégrer le questionnaire sur l’exposition à la déclaration

Depuis l’adoption des délais réglementaires, une pratique semble se généraliser dans les caisses, à savoir l’envoi à l’intéressé d’un questionnaire d’opinion sur l’exposition qui fait double emploi avec la déclaration puisque celle-ci atteste de la demande de reconnaissance en maladie professionnelle. La lettre qui accompagne ce questionnaire comporte la mention suivante : « J’attire votre attention sur le fait que la qualité des éléments et la rapidité de votre réponse peuvent être déterminants dans l’instruction du dossier. Le délai d’instruction étant réglementairement limité, tout retard apporté dans cette réponse est susceptibles d’avoir des effets sur la décision à prendre ». Une telle mise en cause des droits à reconnaissance des victimes n’est-elle pas contradictoire avec les règles mêmes de l’enquête à charge de la CPAM concernant le déroulement de l’enquête contradictoire sur l’exposition de l’exposition ?

Nous demandons que le formulaire de déclaration soit modifié pour permettre à la victime d’y faire figurer des informations plus complètes sur ses postes de travail et les expositions subies.

4- Encadrer et raccourcir les délais entre la notification de la reconnaissance et celle du versement de la rente et ouvrir le droit à une avance sur le paiement de la rente

Si les délais de reconnaissance sont encadrés par des textes, il n’en va pas de même pour les délais de notification de taux d’IPP. Aujourd’hui, les caisses indemnisent les victimes après détermination d’une date de consolidation par les médecins-conseils et après fixation du taux d’IPP. Nous demandons une intervention du législateur pour encadrer les délais de notification de taux.

Dans un certain nombre de cas, les caisses justifient le retard dans la notification de l’indemnisation par les carences de l’employeur. Celui ci tarde à transmettre les renseignements indispensables au calcul de la rente. Il serait possible, néanmoins, que les caisses calculent une rente en prenant le salaire plancher de la sécurité sociale et qu’elles régularisent ensuite le montant des rentes en fonction des nouveaux éléments fournis par l’employeur. Cette régularisation interviendrait évidemment de manière rétroactive mais elle permettrait aux victimes et ayants-droit de ne pas être dépourvues de ressources durant plusieurs semaines voire des mois. Par ailleurs les textes réglementaires prévoient la possibilité d’une avance, sur demande de l’assuré. Nous demandons que la notification de reconnaissance comporte une information précise sur le droit à cette avance avec formulaire à retourner à la CPAM indiquant que l’assuré en fait la demande.

B- La transparence administrative

La caisse doit absolument communiquer les pièces du dossier et simplifier ses documents administratifs pour qu’ils soient compris par la victime et qu’ils lui donnent les informations nécessaires pour faire valoir ses droits.

1- La communication des pièces du dossier

Si ces dispositions sont prévues en matière de pièces purement administratives, il n’y a aucune disposition pour les pièces médicales contrairement aux dispositions de la loi du 04 mars 2002.

*L’article R.441-13 du code de sécurité sociale prévoit que les victimes ou ayants-droit peuvent demander communication de leur dossier c’est à dire de la déclaration, des divers certificats médicaux, des constats fait par la caisse, les éléments communiqués par les caisses régionales.

Sur les conseils des associations, de telles demandes sont effectuées et il s’avère qu’elles sont régulièrement ignorées par les caisses. Certaines ne renvoient à la victime que les pièces qu’elle a elle - même envoyée sans transmettre les pièces émanant des enquêteurs, de l’employeur, de l’inspection du travail, de l’expert ou de la caisse régionale. Le principe du contradictoire n’est pas respecté. Il est donc nécessaire de faire appliquer ce droit en intervenant auprès des caisses primaires par voie de circulaires.

* La loi du 04 mars 2002 sur la communication directe du dossier médical devrait être transposée en matière de transmission des dossiers auprès de la caisse primaire. En effet, certains médecins-conseils refusent la transmission et indiquent que ces dossiers ne peuvent être communiqué qu’à un médecin désigné préalablement par la victime.

La charte qualité est antérieure à cette nouvelle loi. Nous demandons qu’elle soit actualisée puisqu’elle doit servir de document de référence aux caisses.

2- La simplification des documents administratifs

Les notifications sont peu compréhensibles. Par exemple, les caisses primaires envoient des notifications informant qu’il n’existe pas de séquelle indemnisable pour les maladies invalidantes de l’amiante. D’autres reçoivent des courriers de prise en charge de leur maladie sans indication de tableau.

Le notifications clairement quelle est la maladie reconnue, sur quel tableau. Cela est d’autant plus important que les documents fournis aux victimes ou ayants-droit serviront dans l’établissement et le règlement des dossiers avec le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. L’absence de ces notions met le Fiva en difficulté pour verser les acomptes aux victimes ou aux ayants-droit pour une maladie que le certificat ne permet pas d’identifier.

L’Andeva souhaite participer à une concertation avec la Cnam sur la simplification des documents administratifs.

II- LES AMELIORATIONS EN MATIERE D’INDEMNISATION

Ces améliorations passent par l’évaluation des préjudices (A) et par une meilleure indemnisation (B).

A- Les efforts à mettre en œuvre concernant l’évaluation des préjudices

Dans la reconnaissance des maladies professionnelles, les adhérents se plaignent des pratiques d’experts : atteintes à la dignité des personnes, examens hâtifs, non prise en compte des plaintes exprimées et minimisation systématique des préjudices subis. Le contentieux de l’incapacité voit les victimes de maladies professionnelles confrontées à des dispositifs d’expertise incompatibles avec la dignité humaine et le respect des droits de la personne. L’expertise apparaît de surcroît non pas comme le lieu d’exercice d’une compétence effective et impartiale mais comme une loterie, chaque expert ayant sa propre « doctrine » en matière d’évaluation des préjudices. L’accès aux pièces médicales des dossiers, désormais autorisées par la loi du 4 mars 2002, demeure difficile auprès de certaines caisses. Or les victimes ont besoin de connaître les raisons d’un refus médical ou d’une appréciation sur leurs lésions en vue du taux d’IPP dans la construction d’un argumentaire de contestation.

L’Andeva souhaite voir son expérience prise en compte tant dans l’évaluation des pratiques d’expertise que dans le débat sur la réforme des tribunaux du contentieux de l’incampacité.

1- La mise en place d’un groupe de travail chargé d’évaluer et d’améliorer les pratique en matière d’expertise

Nous demandons qu’une étude d’évaluation soit menée sur les pratiques d’expertise et qu’un groupe de travail soit constitué pour établir des règles précises concernant ces pratiques, groupes de travail auxquels devraient participer des représentants des associations.

Ce groupe de travail pourrait discuter notamment des propositions suivantes:

*de ne pas faire de l’expertise une pratique systématique mais de limiter son utilisation dans les cas ou elle est médicalement justifiée

*de respect du barème de sécurité sociale par les experts

de suppression de la notion de séquelles non indemnisables pour toutes les maladies dues à l’amiante

*de limitation de la durée d’exercice d’un expert (03 à 05 ans par exemple) avec rotation

*du choix impératif d’un pneumologue ou oncologue pour expertiser

*de la création d’une instance de recours pour les personnes qui s’estiment victimes de comportements ne respectant pas leur dignité

*du remboursement intégral des frais de transport pour les expertises.

2- La réforme des tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI)

A ce jour, un projet de décret a été rédigé prévoyant :

- que le tribunal du contentieux de l’incapacité serait habilité à discuter du caractère professionnel d’une lésion alors que seul le tribunal des affaires de sécurité sociale a ce pouvoir actuellement ;

- que les victimes ne pourront plus être défendues que par des avocats ou des médecins. Ce qui implique que les associations et les syndicats ne pourront plus assister les victimes devant ces tribunaux.

Nous contestons ces deux dispositions. Le tribunal du contentieux de l’incapacité n’a pas à intervenir dans des matières autres que l’appréciation de la maladie ou le taux d’incapacité et nous revendiquons la même possibilité d’assister les victimes que celle dont nous disposons au TASS.

B- Une meilleure indemnisation

Elle passe par trois points essentiels : l’information de la victime ou de ses ayants-droit, la réparation des préjudices, la gratuité des soins inhérents à la maladie.

1- l’information de la victime ou de ses ayants-droit sur la faute inexcusable de l’employeur

Le rapport de la cour des comptes (février 2002) a rappelé que le code de la sécurité sociale fait obligation aux CPAM d’avoir une attitude active par rapport à la recherche de la faute inexcusable de l’employeur et l’information des victimes sur leurs droits en la matière. Dans la pratique, les caisses n’usent pas de leurs prérogatives. Toutes les fautes inexcusables plaidées ces dernières années l’ont été à l’initiative des victimes, de leurs avocats et des associations. Or les arrêts de la cour de cassation de février 2002 ont renouvelé la jurisprudence en la matière, ce qui devrait conduire à un engagement des caisses conformément au droit de la sécurité sociale.

Une circulaire de 1978 impose aux caisses de d’informer les victimes d’informer les victimes sur leurs droits en matière de faute inexcusable. Nous demandons que les CPAM appliquent cette circulaire et respectent l’article L452-2 concernant l’interruption de la prescription pendant « l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie professionnelle ».

2- La réparation des préjudices

Une fois que la maladie professionnelle est reconnue, le point de départ du versement de l’indemnisation doit être celui de la première constatation médicale.

* L’indemnisation à compter de la première constatation médicale

Dans le code de la sécurité sociale il est indiqué que le certificat médical initial est assimilé pour les maladies professionnelles à la date de l’accident du travail. Ceci a modifié grandement la réglementation qui, jusqu’en 1998, considérait que la maladie professionnelle prenait effet à la date de la première constatation médicale de la maladie. Cette décision a été prise par analogie avec le changement de point de départ de la prescription. Or il s’agit de deux phénomènes complètement indépendants dont nous contestons l’analogie.

En matière d’indemnisation, les textes prévoient actuellement que le point de départ des prestations démarre à la date du CMI.

Il faut ici distinguer la situation des actifs et celle des retraités. Pour les actifs, cela signifie la prise en charge des indemnités journalières jusqu’à la date de consolidation puis l’attribution de la rente en fonction du taux d’IPP à la reprise du travail. Pour les retraités, l’indemnisation (sous forme de rente d’IPP) devrait avoir pour point de départ, au minimum, la date du CMI. Or certaines CPAM adoptent pour point de départ la date de consolidation. Dans le cas des cancers, nombreux sont les médecins qui refusent d’établir un certificat médical contraire avec l’état d’aggravation du malade. La consolidation est ainsi suspendue pendant des mois voire des années, lésant les victimes d’une part importante de leur indemnisation.

Les délais entre notification de reconnaissance et indemnisation n’étant pas soumis à délais impératifs sont souvent très longs, empêchant, là encore, certains malades de percevoir leur rente avant de mourir.

Nous demandons au législateur de modifier le point de départ du versement des prestations. Sil est logique que la prescription courre à compter du CMI, il faut par contre que le versement des prestations s’applique dés la première constatation médicale. Cette revendication sera présentée lors du prochain projet de financement de la sécurité sociale.

En attendant cette modification législative, nous demandons à la Cnam de mettre en demeure les caisses d’appliquer le versement des prestations à la date du CMI pour que les retraités ne soient pas lésés et puissent obtenir une indemnisation.

En effet, l’indemnisation d’une maladie professionnelle doit avoir comme critère la durée réelle de la maladie. C’est donc la première constatation médicale qui doit être le point de départ et non la connaissance d’une possible origine professionnelle.

De plus, faire partir le versement des prestations à la date du CMI a pour conséquence d’imputer indûment à la branche maladie des dépenses de santé parfois très lourdes (en cas de cancers) qui devraient être imputées à la branche accidents du travail-maladies professionnelles financées par les employeurs. Cela contribue à mettre en déséquilibre le budget des mutuelles.

*La majoration de rente pour les concubins ou les pacsés

L’article 53 de la loi du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale prévoit une rente de 40% pour les conjoints, les concubins et les personnes liées par un pacs.  A 55ans, les conjoints ont droit à une augmentation de leur rente dont le taux atteint alors 60%. Mais la loi ne mentionne pas les différents types d’union et la Cnam considère que la majoration ne peut s’appliquer qu’aux conjoints ayant contracté un mariage. Nous allons demander au législateur de corriger cette injustice et dans l’attente de cette modification, nous demandons à la Cnam d’appliquer cette majoration aux concubins et aux personnes liées par un pacs.

* L’indemnisation du risque de perte d’emploi

Les personnes atteintes de maladie professionnelle sont généralement placées dans une position difficile au regard de l’emploi contre laquelle le dispositif prévu dans la loi du 7 janvier 1981 ne fonctionne pas. Inaptitude, démissions, licenciements… la perte d’emploi ou le déclassement remettent gravement en question la sécurité économique des victimes de maladies professionnelles.

Nous demanderons dans le cadre du PLFSS qu’une indemnité de perte d’emploi viennent compenser le préjudice économique et le préjudice d’emploi subis par les victimes de maladie professionnelle liées à l’amiante.

3- La gratuité des soins

*pour les victimes de maladies reconnues

En matière de reconnaissance en maladie professionnelle, les soins post-consolidation devraient être intégralement pris en charge par les caisses primaires. Aujourd’hui il est nécessaire, pour la victime, de faire une demande de protocole d’accord par l’intermédiaire de son médecin-traitant. Si ce protocole est indispensable pour que soit assuré la gratuité des soins, il devrait être proposé systématiquement à la victime.

En outre, nous revendiquons la gratuité totale des soins pour les personnes reconnues en maladie professionnelle, que se soit les consultations, visites médicales, scanners et traitements nécessaires.

Nous revendiquons aussi pour ces personnes la gratuité des examens radiologiques dans le cadre du suivi post professionnel.

*Pour les personnes qui effectuent des examens radiologiques dans le cadre du SPP :

Des personnes ayant été exposées à l’amiante se sont vues refuser les examens par des radiologistes si elles ne faisaient pas l’avance de frais, ceci en contradiction avec le principe de gratuité du SPP.

Nous demandons que la CNAM obtienne des praticiens qu’ils appliquent la réglementation en matière de droit aux examens gratuits dans le cadre du suivi post-professionnel.