ETUDE EXPLORATOIRE DU FONCTIONNEMENT DU

SYSTEME DE REPARATION DES MALADIES

PROFESSIONNELLES LIEES A L'AMIANTE

 

L'exemple de la Loire Atlantique

 

Laura Boujasson
(sociologue, Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante

Valérie Thomas
(Interne en Santé Publique, CRESP- Université Paris XIII Bobigny),

Annie Thébaud-Mony
(Directeur de recherche INSERM-Université Paris XIII Bobigny)

 

 

 

  ANDEVA VINCENNES
  INSERM E 99-05, CRESP
  UNIVERSITE PARIS XIII-BOBIGNY
   
  Mars 2000

 

 

 


 

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE

  1. Introduction
  2. Démarche méthodologique

II.1. Enquête quantitative

II.1.a. Les données de départ

II.1.b. Les étapes du recueil et de la saisie d’information

II.1.c. Bilan des difficultés

II.2. Analyse qualitative

II.2.a. Analyse des procédures de reconnaissance en MP (étude de cas)

II.2.b. Eléments de compréhension de l’expertise en maladie professionnelle

PREMIERE PARTIE : ANALYSE STATISTIQUE DESCRIPTIVE

  1. Les données officielles des maladies reconnues à Nantes
  2. Résultats de l’étude

II.1. Délai écoulé entre la déclaration et la première notification de la CPAM d’attribution d’un taux d’IPP

II.2. Analyse de l’âge moyen de décès au sein de l’échantillon

II.3. Activité professionnelle au sein de l’échantillon

DEUXIEME PARTIE : LES LOGIQUES SOCIALES DE LA RECONNAISSANCE DES MALADIES PROFESSIONNELLES LIEES A L’AMIANTE

  1. Analyse des procédures de reconnaissance.
  2. I.1. Un exemple de dossier simple

    I.2. Dossiers rejetés initialement

    I.2.a. Non reconnaissance lié au délai de prise en charge ou à l’exposition

    I.2.b. Non reconnaissance de la relation entre le décès et la maladie professionnelle

    I.3. Types d’estimation des taux d’IPP relevés dans les dossiers

    I.3.a. Respect du barème (reconnaissance à minima)

    I.3.b. Sous-estimation du préjudice subi et non-respect du barème de 1989

    I.3.c. Problèmes concernant la date de départ de l’attribution du taux d’IPP

    I.4. Taux d’IPP fixé sur la base d’explorations fonctionnelles respiratoires réalisées dans de mauvaises conditions

    I.5. Importance des délais d’instruction

    I.6. Problème de reconnaissance de l’asbestose 30A

    I.7. Conclusion

  3. Eléments de compréhension de l’expertise en maladie professionnelle

II.1. Objectifs

II.2. Méthodologie

II.3. Résultats et analyse

II.3.a. La formation

II.3.b. Présomption d’origine

II.3.c. Mode de détermination des taux d’IPP

II.3.d. Pratique d’expert autour de deux affections liées à l’inhalation de poussières d’amiante : asbestose et mésothéliome

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXES


 

 

Cette étude a été réalisée dans le cadre d’une collaboration entre l’équipe INSERM E 99-05 du Centre de Recherche sur les Enjeux Contemporains en Santé Publique de l’Université Paris XIII et l’Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante. Elle a reçu le soutien financier de la Ligue contre le Cancer.

 

 

Nos remerciements vont à tous ceux qui nous ont permis de la mener à bien, en particulier

-les victimes et leur famille pour leur disponibilité

-les responsables de L’ANDEVA et de L’ADDEVA 44 ainsi que la FNATH

-les médecins ayant accepté d’être interviewés

-la ligue contre le cancer

-Annie Touranchet (MIRT)

Les réunions de restitution de résultats en présence de représentants de l’ANDEVA, de la ligue contre le cancer et de l’ADDEVA 44 ont permis d’approfondir l’analyse


 

Introduction générale

I. Introduction

Le système de réparation des maladies professionnelles fait partie de l’ensemble que constitue la protection sociale en France. Georges Dorion nous rappelle qu’il repose sur trois principes :

"une réparation forfaitaire des préjudices subis sur le fondement du risque professionnel ;

un souci de prévention des risques professionnels, mais aussi, de réinsertion des victimes ;

une volonté d’assurer une gestion financière correcte du risque ". 

Le dispositif résulte de l’extension, par la loi du 25 octobre 1919, aux pathologies d’origine professionnelle de la notion de responsabilité pour risque appliquée depuis 1898 aux accidents du travail. Pour cela, cette loi a réglé l’épineux problème de la causalité en instituant des tableaux de maladies professionnelles, créant une présomption d’imputabilité entre certaines affections et certains travaux. La loi de 1946 a permis d’étendre le raisonnement aux maladies plus fréquemment observées dans une population exposée " aux poisons industriels " que dans une population non exposée. Les pathologies imputables à l’inhalation de poussières d’amiante sont, quant à elles, inscrites au tableau 30 et 30 bis des maladies professionnelles. Elles ont donc la possibilité d’être réparées, même si elles le sont dans des limites susceptibles d’être critiquées et renégociées.

Cette étude ne constitue pas une réflexion sur les principes au fondement du dispositif. Elle vise davantage à l’analyse de leur mise en œuvre. Toutefois l’analyse des dysfonctionnements du système pourra nous conduire à des remises en cause de certaines notions. Nous verrons à travers des dossiers de réparation de maladies professionnelles du département 44 (Loire-Atlantique) ce qu’induit la logique d’assurance au fondement du système dans le traitement effectif des dossiers. Nous verrons que certaines avancées de la législation en faveur des victimes de maladies professionnelles ne constituent pas toujours dans la pratique une avancée substantielle.

Nous présenterons quelques résultats statistiques permettant d’inscrire dans un contexte plus général les analyses détaillées que nous réaliserons sur certains dossiers. Nous chercherons à identifier les différents problèmes rencontrés par les adhérents de deux associations de victimes dans la procédure de reconnaissance en maladie professionnelles communément appelée par la presse et les associations de victime, " parcours du combattant ".

Dans un deuxième temps, nous analyserons la vision qu’ont les experts médicaux de leur fonction. Ces derniers jouent un rôle fondamental dans la décision de prise en charge et surtout dans l’évaluation du montant de la réparation. Nous avons choisi de travailler sur l’expertise médicale, car elle constitue la clef de voûte d’un système fondé sur le principe de l’assurance. L’expert est comme le définit F. EWALD " celui qui vous donnera votre identité assurantielle, qui vous désignera la case du barème où, selon les critères retenus ‘objectivement’ vous avez votre place ". Nous verrons comment des personnes formées à apprécier en fonction de critères cliniques les maladies exercent la tâche médico-légale qui leur est dévolue.

Nous faisons l’hypothèse que des logiques contradictoires s’affrontent au sein du système de réparation des maladies professionnelles (et parfois au sein d’un même individu) conduisant à des détournements de certaines notions clef de la législation.

Le projet répond donc à un objectif de connaissance des procédures de reconnaissance en maladie professionnelle des maladies liées à l’amiante dans le département de la Loire-Atlantique. Il a pour but essentiel d’en identifier les difficultés et les injustices et ainsi d’établir le bilan des améliorations nécessaires.

Il doit permettre également d’organiser le suivi des dossiers de façon plus systématique afin de mieux répondre aux demandes des adhérents de l’Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante (ANDEVA). Il devrait faciliter leur gestion en recensant les éléments dont nous disposons à l’intérieur du logiciel Episurv.

 

II. Démarche méthodologique

On nous a confié l’étude du département 44, celui-ci peut être considéré comme un site test. Une ouverture à d’autres sites devrait permettre en travaillant ultérieurement sur des populations plus importantes, d’identifier à l’aide d’une approche statistique, les caractéristiques essentielles de la réparation des maladies liées à l’amiante. Dans cette première étude, nous avons privilégié une approche descriptive et qualitative.

II.1. Enquête quantitative

II.1.a. Les données de départ

Des dossiers très incomplets

Nous disposions au départ à l’Andeva de cinquante dossiers comportant des éléments d’information mais pour la plupart hautement lacunaires et ne permettant pas de reconstituer l’ensemble de la procédure en reconnaissance de maladie professionnelle.

Fiche de renseignement adressée aux adhérents

En juillet 1999, des fiches de renseignements avaient été envoyées aux 150 adhérents du département 44. Les renseignements demandés voulus en coïncidence avec les informations devant être saisies dans la base de données informatiques (logiciel épisurv), devaient théoriquement permettre l’économie d’une investigation plus approfondie.

Cinquante adhérents ont répondu en renvoyant leur fiche. Dans la grande majorité des cas, il s’agissait de l’unique source d’information dont nous disposions dans l’étude du dossier, dans la mesure où aucune pièce administrative ou médicale ne nous avait été préalablement fournie. En effet, pour une douzaine de cas seulement, la fiche venait compléter un dossier déjà constitué.

Logiciel et masque de saisie informatique

Le choix des masques de saisie (ou pages informatisées de saisie de variables) en vu d’une standardisation des données a été relativement délicat. En effet, nous savions, pour avoir dépouillé les dossiers, que l’interprétation de la législation faite par les caisses primaires connaissait d’importantes variations. La procédure de reconnaissance en maladie professionnelle est relativement complexe avec de multiples possibilités de recours. Nous avons décidé dans un premier temps de les intégrer au masque de saisie.

Notons que ce travail a reçu l’autorisation de la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL).

 

II.1.b. Les étapes du recueil et de la saisie d’information

Poursuite de la collecte des données

En août 1999, nous avons entamé un nouveau travail de collecte de données. Nous avons téléphoné aux adhérents n’ayant pas retourné leur fiche pour les relancer en leur demandant de bien vouloir y joindre des photocopies de l’ensemble des pièces du dossier. Nous leur avons confirmé notre demande par courrier en spécifiant les intitulés des pièces demandées. A ce stade, nous n’avons pas repris contact avec les adhérents ayant déjà envoyé leur fiche (et ce en dépit de l’incomplétude de ces dernières) afin de ne pas trop les solliciter et de ne pas risquer de perdre leur collaboration.

A chaque courrier reçu, nous avons procédé au travail de codification, soit en complétant les masques de saisie, soit en les modifiant au vue des nouvelles informations. Une fois ce travail achevé, voyant qu’il nous était impossible d’obtenir la collaboration de l’ensemble des adhérents, nous avons sollicité l’ADDEVA 44 et le groupement FNATH de Nantes qui assurent le suivi de la majeure partie des dossiers des personnes atteintes de maladies liées à l’amiante. Nous avons pu consulter sur place des dossiers complets et photocopier les pièces et dossiers manquants, ce qui nous a permis d’avancer considérablement dans ce travail. L’accueil chaleureux qui nous a été fait à Nantes a montré l’importance de la collaboration FNATH-ANDEVA (qui localement à Nantes se fait au sein de l'ADDEVA 44) et de la coordination de leurs actions afin de ne pas solliciter inutilement leurs adhérents.

La population de l’étude est constituée de 108 personnes ayant engagé une procédure de reconnaissance en maladie professionnelle.

La saisie/ test du logiciel

Nous avons décidé de simplifier les masques de saisie qui, une fois testés, dans leur version initiale ne permettaient pas une véritable standardisation. Nous nous sommes concentrés sur les données les plus souvent obtenues qui, seules, allaient nous permettre d’élaborer les premières statistiques. Nous avons conservé notamment deux dates, considérées comme essentielles, celle de la déclaration en maladie professionnelle et celle de la notification de décision par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM). Elles ont en effet permis de prendre la mesure des délais nécessaires à la réparation.

La procédure de reconnaissance en maladie professionnelle est complexe avec de multiples possibilités de recours.

Nous avions conscience que toute simplification pouvait comporter des risques de falsification de l’esprit de la procédure de reconnaissance en maladie professionnelle. Cependant, face à l’évidence d’une certaine tendance à l’individualisation des dossiers, il nous a fallu faire ce choix pour mettre en valeur de façon presque systématique les variables présentes à partir desquelles nous pouvions dégager des données chiffrées. Nous avons décidé qu’il serait judicieux de réintégrer les données négligées dans la saisie dans une étude qualitative que nous allions réaliser ultérieurement.

II.1.c. Bilan des difficultés

Obtenir les pièces indispensables (Certificat Médical Initial, déclaration, notification).

Données sur l’exposition

Pour les différents dossiers, nous n’avions pas toujours les mêmes sources pour l’exposition. Pour certains, nous avons obtenu l’information dans les fiches (donc par la personne elle-même ou ses proches), pour d’autres dans le rapport d’enquête de la CPAM, pour d’autres encore dans le compte-rendu du collège des trois médecins, et parfois même nous avons procédé à notre propre enquête en fonction des certificats de travail ou de témoignages de collègues. Nous considérons qu’il faudra aborder ce problème dans le cadre d’une nouvelle enquête afin de systématiser le choix des sources sachant que celles-ci ne donnent qu’en apparence les mêmes réponses. Dans les faits, les différentes logiques d’acteurs induisent des modifications de l’information. Dans une étude approfondie de l’exposition, une approche comparative des informations données par les différents acteurs devrait permettre de faire apparaître les différences et éventuelles contradictions source d’appréciation elles-mêmes différentes des droits à réparation des personnes exposées à l’amiante et présentant une maladie associée.

 

Individualisation des procédures

Nous verrons à travers l’étude qualitative combien cette procédure si strictement encadrée par la loi peut connaître une forte individualisation dans son traitement effectif.

Au niveau des taux d’IPP, nous avions la possibilité de saisir leur évolution dans le traitement informatique des données, c’est au niveau du recueil de l’information que nous avons rencontré des difficultés car tous les adhérents ne font pas la démarche de tenir au courant l’association de l’évolution de leur dossier. Nous n’avons pas affaire à des dossiers définitivement bouclés et le recueil des données pour chaque cas ne peut être fait une fois pour toutes. Pour les diagnostics, la difficulté a été double car nous n’avions pas de programme informatique permettant de saisir de leur évolution et seuls les taux d’IPP nous donnaient une indication du changement de l’état de santé des malades. Le taux d’IPP étant le résultat d’un compromis social, nous ne pouvons pas sans problème lui attribuer une valeur indicative de l’état de santé de la personne atteinte d’une maladie professionnelle.

II.2. Analyse qualitative

L’étude des dossiers a été faite à l’aide d’une approche pluridisciplinaire, en sociologie et santé publique :

-analyse de contenu sociologique des logiques à l’œuvre dans les procédures de réparation à travers des études de cas distribués selon une typologie permettant d’illustrer les principaux dysfonctionnements du système.

-analyse des informations cliniques et approche des pratiques d’expertise médicale.

II.2.a. Analyse des procédures de reconnaissances en maladie professionnelle à travers une étude de cas.

Nous avons réalisé cette étude à travers une analyse de cas. Nous avons organisé les dossiers en une typologie qui permet de faire émerger chacun des problèmes rencontrés par les victimes dans leur parcours de reconnaissance en maladie professionnelle. Le choix d’intégrer à notre analyse l’ensemble des informations de quelques dossiers exemplaires relève d’une volonté de tenir compte d’une certaine tendance à l’individualisation dans le traitement des dossiers, révélatrice d’une absence de standardisation des pratiques de reconnaissance en MP. En revanche, certains problèmes semblent récurrents, c’est pourquoi il nous est apparu intéressant de montrer comment des logiques dominantes peuvent induire des pratiques qui aboutissent au caractère quasi systématique de certains dysfonctionnements repérés.

II.2.b. Eléments de compréhension de l’expertise en maladie professionnelle.

L’absence de standardisation que nous avons évoqué offre aux médecins sollicités par les caisses une certaine latitude dans la manière de conduire leur expertise. Ils y semblent très attachés dans la mesure où ils se sentent ainsi plus à même de rassembler les informations, qui selon eux, vont garantir la justesse de leur décision. Cela ne va pas sans problèmes car l’indemnisation des victimes peut dépendre de la vision que chaque expert se fait de sa fonction. Il y a donc une certaine variabilité dans la pratique d’expertise pouvant conduire à des inégalités. Cette variabilité est cependant moins importante que ce que l’on pourrait attendre d’une pratique qui, comme nous allons le voir, joue constamment sur la porosité des cadres légaux. Cette analyse repose sur des entretiens menés auprès de cinq experts. Leur discours permet d’éclairer certaines questions soulevées dans la première partie. Nous sommes bien conscients qu’il peut y avoir un décalage entre discours et pratiques. Mais si le discours n’est pas toujours le reflet de la pratique, il renseigne sur la vision que l’on se fait de sa responsabilité. Si cette dernière correspond à une obligation de moyens classiques, qui rejoint la déontologie professionnelle générale " ai-je bien joué mon rôle ?", il apparaît très important de mettre à jour la compréhension que les experts ont de leur rôle. Les premières questions posées portent sur leur trajectoire professionnelle et leur formation. Elles visent à établir un profil général des experts, extrêmement important dans un domaine à l’interface du savoir et du politique où on connaît le poids des positionnement culturels, idéologiques, politiques et sociaux. La façon dont sont recrutés les experts apporte également des informations sur les logiques à l’œuvre dans le dispositif. Nous les avons ensuite interrogés sur leur connaissance de la législation et sur leur pratique elle-même afin de chercher à comprendre leur positionnement quant à leur action entre responsabilité individuelle de praticien compétent et appartenance à un processus issu de négociations complexes et collectives, et de rapports sociaux.

II.2.c. Difficultés et limites

-l’hétérogénéité des pathologies rend difficile une analyse des procédures, même si des invariants apparaissent dans le déroulement de ces dernières.

-L’analyse rétrospective des dossiers s’appuie sur une reconstruction/reconstitution du parcours qui gomme l’expérience personnelle au fil des jours des difficultés rencontrées par les malades et leur famille. Dans quelques cas, des lettres et témoignages écrits ont permis de lever le voile sur cette expérience qui mériterait en elle-même une recherche sociologique.

-A l’évidence, les éléments d’information recueillis auprès des experts constituent une approche préliminaire de cet acte déterminant de l’issue de la procédure.

Sur ces différentes dimensions, cette étude exploratoire constitue une première étape de recherche, ouvrant sur d’autres développements.

II.2.d. Tous les noms propres dans ce rapport sont fictifs afin de respecter la confidentialité.


 

Première partie : analyse quantitative, quelques résultats statistiques

Nous avons saisi les données concernant les procédures engagées par 108 adhérents de l’Andeva, l’ensemble relevant du département de la Loire-Atlantique. Comme nous l’avons vu, ces dossiers n’étant pas toujours complets, chaque analyse de fréquence ne peut porter sur l’ensemble de l’échantillon. Il s’agit de statistiques descriptives. Elles nous informent sur les tendances de l’échantillon et permettent d’identifier le contexte dans lequel s’inscrivent les cas dont l’analyse approfondie qualitative a permis de dégager les caractéristiques actuelles du déroulement des procédures de reconnaissance en maladie professionnelle (MP).

  1. Les données officielles des maladies reconnues à Nantes : éléments d’information sur le site de recherche.
  2. Avant de fournir nos propres résultats statistiques, nous avons jugé utile de présenter les statistiques existantes concernant le nombre de maladies professionnelles reconnues à Nantes pour les années 1984 à 1997. Il s’agit de données officielles puisqu’elles nous ont été fournies par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Par ailleurs, les statistiques concernant les déclarations en MP n’étant pas établies, il nous a été impossible d’évaluer le nombre de rejet effectué par la caisse de Nantes, et son évolution.

    NANTES Maladies Professionnelles reconnues, Source CNAM Tableaux 30 et 30 bis

     

    30A

    30B

    30C

    30D

    30E

    30bis

    1984

    11

    1

     

    5

       

    1985

    10

    2

     

    5

       

    1986

    6

    2

     

    8

       

    1987

    9

    5

     

    1

       

    1988

    8

    6

     

    7

       

    1989

    36

    9

           

    1990

    17

    25

     

    3

       

    1991

    31

    62

     

    7

    2

    1

    1992

    20

    81

     

    6

    1

    5

    1993

    16

    93

     

    9

     

    1

    1994

    19

    121

         

    4

    1995

    11

    110

    2

    13

    6

    9

    1996

    6

    116

    4

    12

    6

    7

    1997

    8

    75

    3

    9

    7

    0

    30 A = asbestose

    30 B = lésions pleurales bénignes

    30 C = dégénérescence maligne broncho-pulmonaire compliquant les lésions bénignes

    30 D = mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine ou du péricarde

    30 E = autres tumeurs pleurales primitives

    30 bis = cancer broncho-pulmonaire par inhalation de poussières d’amiante

    Les données fournies par la CNAM ne nous ont pas permis de savoir si les cases vides correspondaient à des données manquantes ou à des chiffres zéro.

    Aujourd’hui, la grande majorité des affections reconnues appartiennent à la catégorie 30b. C’est également ce que nous avons constaté sur la base de notre échantillon. Concernant les autres types d’affection en 1997, aucune ne franchit la barre des 10 cas reconnus, ce qui questionne les conditions de la déclaration et de la reconnaissance en maladie professionnelle. En effet, le nombre élevé de cas d’atteintes pleurales peut laisser supposer que les autres pathologies sont elles-mêmes très sous-estimées.

     

  3. Résultats de l’étude.

Les statistiques établies ci-dessous concernent les cas recensés par l’étude au regard des caractéristiques suivantes : le délai de traitement des dossiers, l’âge moyen au décès pour les personnes décédées, l’activité professionnelle.

II. 1. Délai écoulé entre la déclaration et la première notification de la C.P.A.M. d’attribution d’un taux d’IPP.

Sur 108 cas étudiés, 45 (histogramme 1, tableau 1) ont obtenu une reconnaissance moins de 6 mois après leur déclaration, 31 entre 6 mois et un an, 24 entre 1 an et 2 ans, et 8 personnes n’avaient pas obtenu de reconnaissance deux ans après leur déclaration.

Cependant il faut se garder d’interpréter ces chiffres au-delà de ce qu’ils signifient. Ils ne rendent pas compte à proprement parler des délais de traitement des dossiers par l’administration. Comme nous le verrons, beaucoup ont fait l’objet d’un rejet préalable et ce n’est qu’après avoir exploité une ou plusieurs voies de recours (ou même après un certificat en aggravation) qu’ils ont été reconnus en maladie professionnelle. Un autre angle d’approche aurait pu nous amener à considérer que beaucoup de dossiers avaient été traité avec empressement dans la mesure où les lettres de contestation préalable de la CPAM ne se sont guère fait attendre. Nous aurions par ailleurs obtenu un nombre de rejets considérable.

Nous avons choisi de faire porter nos statistiques sur ce que nous considérons comme une reconnaissance effective c’est à dire la notification d’attribution d’un taux d’IPP correspondant à une indemnisation. Cette approche aboutit à des délais plus importants. En revanche, cette prise en compte de la durée permet de constater que peu de dossiers ont fait l’objet d’un rejet définitif. Les procédures de reconnaissance en MP sont dans une majorité de cas extrêmement longues et complexes puisque seulement 41,7% de notre cohorte avait en main un document concernant le montant de leur réparation (nul ou positif) moins de 6 mois après la déclaration.

Cette reconnaissance dans les six mois suivant la déclaration ne signifie pas que 41,7% de l’échantillon a obtenu satisfaction puisque certaines personnes ont constaté une sous-évaluation de leur préjudice et ont dû poursuivre des démarche pour obtenir une revalorisation de leur taux d’IPP (via une procédure de contestation).

La faiblesse des rejets définitifs tient au fait que l’ensemble de notre population a adhéré à une ou deux associations de soutien aux victimes. Ce biais de recrutement explique que ces personnes aient persévéré dans leur volonté d’obtenir gain de cause alors que l’on sait que pour l’ensemble de la population ayant fait une déclaration en maladie professionnelle, le recours à toute contestation est minoritaire. Lorsque nous parlons de persévérance, il s’agit presque d’une boutade car bien des cas sont résolus par l’absurde. Ainsi certaines personnes sont par exemple reconnues en maladie professionnelle après une aggravation de leur affection voire même après leur décès.

Les chiffres obtenus montrent finalement moins la lenteur de traitement des dossiers qu’une pratique restrictive de reconnaissance en MP conduisant à un rallongement considérable des procédures.

Pour ceux qui n’ont pas le courage de se battre pour leurs droits et qui n’ont pu être aidé dans leur démarche, leurs droits resteront bien souvent lettre morte.

Parmi les 108 personnes de notre cohorte, 7 n’étaient toujours pas reconnues lorsque nous avons arrêté notre collecte de données. Ces 7 personnes s’étaient vues notifier un rejet mais certaines étaient engagé dans des procédures de recours.

 

 

Histogramme n°1 : moyenne des délais entre déclaration et notification avec un taux d’IPP

 

 

Tableau n°1: moyenne des délais entre déclaration et notification avec un taux d’IPP

Catégories

(en abscisse de l’histogramme)

Délai

Fréquence

(n=108)

Pourcentage

%

1

2

3

4

0 à 6 mois

6 mois à 1 an

1 an à 2 ans

plus de deux ans

45

31

24

8

41,7%

28,7

22,2

7,4

 

 

Parmi les 101 personnes reconnues, 79 ont obtenu un taux d’IPP inférieur ou égal à 5%, ce qui bien sûr correspond à la sur-représentation des cas de 30b. Vingt personnes ont été reconnues sans être indemnisées puisqu’il leur a été attribué un taux de 0%. Seulement six personnes ont obtenu un taux compris entre 70 et 100% alors que neuf personnes de notre échantillon sont décédées.

 

 

 

II.2. Analyse de l’âge moyen au décès au sein de l’échantillon.

Les neuf personnes décédées étaient des hommes. L’âge moyen de ces décès est de 62,4 ans. Ce chiffre est seulement indicatif dans la mesure où notre échantillon est trop faible pour prétendre à une quelconque généralisation. Cependant il n’en demeure pas moins indicatif d’une tendance à une mortalité précoce chez les travailleurs de l’amiante présentant une affection spécifique à l’inhalation de poussières d’amiante. Le chiffre de 62, 4 est nettement inférieur à l’espérance de vie moyenne de la population masculine française (74,2 ans) , il est également inférieur à celui de l’âge moyen au décès des ouvriers.

 

Tableau n°2 :L’espérance de vie à 35 ans (en années) pour la population masculine ouvrière nous est ainsi donnée par l’INSEE :

 

1960-1969

1980-1989

Ouvriers qualifiés

37,0

39,6

Manœuvres

34,2

35,8

Dans notre échantillon, (tableau n°3) une seule personne est décédée à un âge supérieur à la moyenne nationale (83 ans). Rappelons que tous ces hommes sont vraisemblablement décédés des suites d’une maladie liée à l’inhalation de poussières d’amiante, même si certains de leurs ayants droit n’ont pu obtenir que soit reconnu le lien entre leur décès et la maladie professionnelles pour des raisons que nous avons mis à jour dans notre analyse qualitative.

 

Tableau n°3 : Age moyen du décès au sein de l’échantillon

 

 

Date de naissance

Date de décès

Age de décès

(en année révolues)

31/03/1939

09/03/1935

01/01/1939

24/05/1933

01/12/1944

01/05/1916

31/07/1928

24/05/1932

02/02/1932

17/10/1996

16/03/1997

24/09/1983

14/03/1999

22/07/1998

04/04/1999

11/06/1996

15/08/1997

01/10/1995

57 ans

62

44

66

54

83

68

65

63

Age moyen de décès : 62,4 ans

8,3% de décès sur l’échantillon (9 décès pour n=108)

 

 

II.3. Activité professionnelle au sein de l’échantillon.

Nous avons également voulu connaître la répartition de l’échantillon en matière d’activités professionnelles (tableau n°4, histogramme n°1).

Nous avons réalisé nos statistiques en fonction du métier principal déclaré par les victimes. La réalité du travail, notamment dans la construction navale, qui constitue une partie importante des activités recensées, est extrêmement complexe. De nombreuses personnes semblent avoir été polyvalentes. Certaines personnes ont réalisé des travaux variés au cours d’un même emploi. Certaines victimes, par exemple, déclarent avoir effectué durant la même période, des travaux de plomberie, de chaudronnerie, de serrurerie et de soudures. Notre découpage peut à cet égard paraître contenir une part d’arbitraire. Cependant, nous l’avons réalisé avec le plus grand soin possible pour qu’il corresponde à l’activité principale effective des personnes intéressées par cette enquête. Tous les ouvriers des chantiers navals ont évidemment en commun d’avoir travaillé dans un environnement de poussières d’amiante. Ils sont nombreux à témoigner que celle-ci était visible dans les halos de lumière.

 

 

Tableau n°4 : Activités professionnelles exposantes au sein de l’échantillon (fréquence)

 

METIERS

FREQUENCE %

Chaudronnier

Ajusteur

Calorifugeur

Menuisier

Soudeur

Tuyauteur

Mécanicien

Peintre

Plombier

Charpentier

Electricien

Opérateur polyvalent

Tourneur

Tôlier

Maganisier

Métreur

Mécanicien automobile

Monteur

Plâtrier

Photographe

Contrôleur technique

Agent technique

Matelot

Pointeur ajusteur

16.5

12.1

12.1

11

8.8

6.6

4.4

4.4

4.4

2.2

2.2

2.2

1.1

1.1

1.1

1.1

1.1

1.1

1.1

1.1

1.1

1.1

1.1

1.1

 

Camembert n°1 : Activités professionnelles exposantes au sein de l’échantillon (fréquence)

 

 

 

La profession la plus représentée de notre échantillon est celle de chaudronnier (code INSEE

6221). L’INSEE les définit comme des ouvriers qualifiés travaillant, d’après des schémas ou des plans, le métal en feuille pour obtenir toutes formes à l’aide d’outils à main ou de machines (plieuse, guillotine, rouleuse, etc.). Ils procèdent à l’assemblage en atelier ou au montage sur chantier des pièces obtenues. Les ouvriers appartenant à notre cohorte ont été exposés à l’amiante dans la construction navale.

Les ajusteurs arrivent en deuxième position dans notre échantillon (12,1%). Ils sont répertoriés sous le code INSEE 6231. Ce sont des ouvriers qualifiés réalisant le montage d’ensembles mécaniques (gros moteurs, machines-outils, etc.). Ils procèdent souvent à l’ajustage et à la finition des éléments à monter. Ils en effectuent le réglage et en contrôlent la conformité et le bon fonctionnement. Dans les chantiers navals, les ajusteurs travaillaient au montage de chaudières. Avant certains travaux, ils procédaient au retrait de l’amiante.

Les calorifugeurs arrivent en deuxième position avec les ajusteurs. Si le pourcentage le plus important de personnes affectées par une MP 30 ou 30bis dans notre étude ont exercé le métier de chaudronnier, il semblerait que ce soit le calorifugeage en tant que procédé qui soit le principal facteur d’exposition.

11% de l’échantillon est constitué par des menuisiers (code 6292). Pour L’INSEE, ce sont des ouvriers qualifiés qui, généralement à l’aide de machines et en grandes séries, façonnent des pièces en bois, ou les assemblent pour fabriquer des meubles et objets analogues, dans le cadre d’une production industrielle. Les menuisiers de notre échantillon ont effectué ce travail dans l’aménagement naval (tableau n°5). Ils découpaient et perçaient des panneaux de marignite destinés au cloisonnement à bord des navires. Ils étaient également amenés à percer des plafonds coupe-feu.

Ils signalent avoir inhalé des poussières de ciment à base d’amiante lors de la fabrication des sols. De plus ces ouvriers travaillaient au côté des tuyauteurs et des calorifugeurs qui posaient de l’amiante pour isoler les tuyaux.

Les soudeurs constituent 8,8 % de l’échantillon (code 6223). Ce sont des ouvriers qualifiés exécutant, d’après des plans, l’assemblage soudé, par tout procédé (soudure oxy-acétylénique, soudure à l’arc, etc.), des pièces métalliques. En général, d’après les résultats officiels de l’INSEE), ils choisissent eux-mêmes le mode opératoire le mieux adapté.

Les soudeurs de notre étude ont tous signalé des soudures à l’arc. Ils disent avoir inhalé des poussières d’amiante dans les compartiments machines et chaufferies où " était déposées de grosses concentrations d’amiante ". Ils étaient en contact permanent avec ce matériau car ils travaillaient de concert avec les calorifugeurs. L’un témoigne : " à chaque mouvement, nous déplacions des nuages de ce poison. Les échafaudages en étaient couverts. Nous étions des dizaines à travailler, chaudronniers, soudeurs, ajusteurs, échafaudeurs, calorifugeurs, électriciens. Ils se déplaçaient sur les échafaudages, faisaient tomber l’amiante qui volait dans l’air. Les poussières étaient visibles dans les rayons lumineux ".

Les tuyauteurs représentent 6,6% de l’échantillon (code 6222). Selon la définition de l’INSEE, ce sont des ouvriers qualifiés travaillant, d’après des plans ou des schémas à la mise en forme, à l’assemblage, au montage de tuyauteries industrielles alimentant différents équipements industriels. Les tuyauteurs concernés par cette étude ont travaillé dans des navires en réparation et en construction. Ils ont utilisé de la toile d’amiante pour protéger les divers appareils, voire même pour se protéger eux même. Ils déclarent avoir travaillé à proximité des calorifugeurs quand ils n’ont pas eux même rempli des fonctions de calorifugeur.

Les mécaniciens sont également représentés parmi les victimes d’une maladie professionnelle liée aux poussières d’amiante (4,4% de l’échantillon). On les trouve dans les chantiers navals, les centrales électriques, et la marine marchande.

Un mécanicien en marine marchande évoque la " manipulation de conduites calorifugées avec de l’amiante " Comme beaucoup de victimes concernées par cette enquête, il raconte avoir travaillé en compagnie de calorifugeurs.

Les électriciens de notre cohorte appartiennent au secteur des chantiers navals (cf. tableau n°5) et à celui du bâtiment. Leur travail consistait à faire de l’entretien et du dépannage. Un électricien des chantiers dit avoir fait des " recuits de soudures par résistances électriques isolées par de la toile d’amiante ". Il effectuait lui-même le retrait de cette toile d’amiante à la fin du recuit.

Un autre électricien évoque le travail " de pose de fluo " sur des plafonds floqués à l’amiante.

Il était régulièrement amené à faire passer des câbles dans ces faux-plafonds.

C’est par le biais de nombreuses professions que les personnes composant notre échantillon ont été exposées à l’amiante. Certaines victimes sont seules à représenter leur métier. Elles ont pu être tourneur, tôlier, magasinier, métreur, mécanicien automobile, monteur, plâtrier, photographe, contrôleur technique, matelot, pointeur. Dans cette catégorie, il faut distinguer les professions des chantiers navals -qui pour être isolées en tant que telles n’en sont pas moins proches dans les tâches qu’elles comportent et dans l’environnement de travail qu’elle supposent d’autres professions précitées- et les professions relevant de secteurs différents.

Les métiers de monteur, pointeur, tôlier sont évidemment à rapprocher des premiers décrits (calorifugeur, chaudronnier…). D’autres métiers non ouvriers tels que contrôleur technique ont également exposé à l’amiante puisque les personnes qui l’exerçaient se rendaient régulièrement sur les chantiers pour suivre l’avancement des travaux. Le travail de bureau n’était pas non plus une garantie de non-exposition puisque certains bureaux sur les chantiers étaient installés dans les ateliers de montage. Le photographe de notre échantillon n’a pas non plus véritablement travaillé au contact direct de l’amiante mais il partageait avec les ouvriers un environnement de travail que certains décrivent comme " saturé d’amiante ".

Quant au magasinier, il manipulait plusieurs types d’amiante stockés dans le magasin du chantier. Le mécanicien automobile réalisait le dépoussiérage de garniture de freins en enceinte sous pression.

La quasi totalité des dossiers consultés contenaient des éléments sur une exposition à l’amiante.

Tableau n°5 : Exposition par secteur d’activité professionnelle.

Secteur

Fréquence

(n=108)

Pourcentage

%

Fabrication et réparation automobile

B.T.P (Bâtiments et travaux publics)

Chantiers navals

Autre

Données manquantes

1

10

64

19

14

1%

9

60

17

13

 

Ces quelques résultats statistiques permettent d’approcher :

-la diversité des métiers exposant à l’amiante dans un nombre restreint de secteurs d’activité

-la durée des procédures de reconnaissance (avant le décret d’avril 1999 modifiant les délais d’instruction par les caisses).

L’étude des conditions de reconnaissance elle-même supposait une étude qualitative.


 

Deuxième partie : analyse qualitative

I Analyse des procédures de reconnaissance

En France, la grande majorité des maladies d’origine professionnelle dues à l’inhalation de poussières d’amiante -cancers et fibroses- ne sont ni reconnues ni indemnisées : la charge morale et financière est dans ce cas reportée d’abord sur les victimes et ensuite sur la collectivité (Assurance maladie, Mutualités, contribuables). Cet état de fait a eu des conséquences dramatiques en terme d’alerte et de mise en place de la prévention. Par ailleurs, les conséquences ont été et sont encore aujourd’hui très lourdes en termes humains et financiers pour les victimes et leurs familles. Beaucoup de maladies d’origine professionnelle ne sont tout simplement pas déclarées. Notre étude ne recense que des cas déclarés, dont certains ont abouti à des rejets dans des conditions qui constituent l’objet même de notre réflexion.

La CPAM ou l’organisme de Sécurité Sociale équivalent doit vérifier si la maladie déclarée répond aux conditions du tableau, c’est-à-dire :

-à la désignation de la maladie

-au délai de prise en charge

-à la durée d’exposition

-aux travaux énumérés dans les listes indicatives et limitatives

Si toutes les conditions du tableau sont remplies, la nouvelle législation prévoit que le dossier sera transmis à un Médecin Agréé en matière de pneumoconiose (M.A.P) ou, dans les cas considérés comme médicalement complexes et difficiles (cancers, décès de la victime) à un Collège de trois médecins. Ce sont eux qui sont chargés d’examiner la victime et de caractériser médicalement la maladie.

Rappelons que nous avons obtenu nos dossiers par l’intermédiaire de l’ANDEVA et de la FNATH, deux associations ayant pour vocation de défendre les victimes. Nous pouvons faire l’hypothèse que ce sont les victimes ayant eu le plus de difficultés qui se sont le plus volontiers adressées à ces deux associations. De même, on peut penser que des personnes soutenues dans leur démarche de reconnaissance en MP ont à terme plus de chances d’être reconnues. Par le biais de l’association, les victimes sont mieux orientées dans leurs actions, et sont peut-être plus persévérantes.

L’analyse de contenu des dossiers nous a permis d’établir : une typologie des différentes situations rencontrées. Ces dernières sont présentées ci-dessous à l’aide d’études de cas.

I.1.Un exemple de dossier simple

Le cas de Mr Bolet

Nous avons quelques dossiers qui apparemment ne posent pas de problèmes particuliers. Cependant, nous savons qu’il faudrait réaliser une enquête plus approfondie sur chaque cas (avec notamment tous les éléments médicaux : EFR…) pour affirmer qu’ils ont été traités dans le respect du droit des victimes. Notons que les dysfonctionnements que nous avons repérés ne sont pas l’exception et apparaissent même comme structurels. Parmi les dossiers pour lesquels nous n’avons pas mis en évidence de difficultés particulières, nous avons toutefois presque toujours retrouvé la lettre de contestation préalable qui affranchissait la caisse des délais normalement observables.

 

BOLET Jean-Claude né en 1940

 

Histoire de la maladie

 

Exposition professionnelle

Procédure de reconnaissance en maladie professionnelle

 

CMI : certifie être atteint d’asbestose (plaques calcifiées bilatérales antérieures symétriques).

Déclaration : asbestose

Expert : tableau n°30 sous forme de lésions pleurales bénignes à savoir des plaques pleurales plus ou moins calcifiées bilatérales, pariétales, sans retentissement fonctionnel respiratoire.

M. Bolet décrit une dyspnée d’effort à la marche rapide, il n’a pas de trouble bronchitique, ni de douleurs thoraciques habituelles.

Spirométrie : résultats normaux

Médecin conseil :

Tableau n°30.

Adhérent : 01/11/1959 au 03/02/1975

Société SEDEM

Exposition à l’amiante en montant des commandes d’ouverture à bord des bateaux (chantiers de St Nazaire, Toulon, Brest, Lorient).

Certificat de travail SEDEM :

01/11/1959 au 03/02/1975

Enquête :01/11/1959 au 03/02/1975

Magasinier-monteur

Installation des commandes de ventilateur. Lors de la pose des gaines, dégarnissait les panneaux et le calorifuge en amiante. Travail en présence des calorifugeurs, des chaudronniers, des menuisiers qui manipulaient des cordons, des coquilles, des matelas, ou des panneaux d’amiante.

 

CMI : 05/04/1995

Déclaration : 16/06/1995

Lettre de réserve :21/06/1995

Enquête :20/07/1995

Reconnaissance :08/12/1995

Rapport médical AIP : 23/02/1996 (3%)

Notification : 19/01/1996

3% au 05/04/1995

Faute inexcusable : 12/11/1997

Contestation faite : pas d’éléments.

Le dossier apparaît très simple avec un diagnostic médical clair et des délais d’exposition en accord avec la législation concernant la reconnaissance en maladie professionnelle. Pourtant à dater de cinq jours après la déclaration, la victime reçoit une lettre de réserve. Il semble que comme cela a déjà été identifié dans d’autres études, pour ne pas se voir opposer le délai de soixante jours à l’issue duquel elle est réputée reconnaître tacitement la MP, la CPAM conteste la déclaration. Cela n’a pas eu de conséquences réelles dans le traitement de ce dossier dans la mesure où M. Bolet a été reconnu un peu moins de six mois après la déclaration, ce qui le classe parmi les plus " chanceux ".

Il a reçu un taux d’IPP de 3 % ; les experts considèrent que sa pathologie ne s’accompagne pas d’un retentissement fonctionnel respiratoire. Pourtant la victime décrit une dyspnée d’effort. Même si les médecins considèrent qu’il n’y a pas lieu de parler de troubles fonctionnels respiratoires en présence d’examens spirométriques " normaux ", on peut s’interroger sur le fait qu’ils ne lui aient pas attribué le taux de 5%. En effet d’après le barème d’invalidité du 8 juin 1989 aux plaques pleurales sans atteinte fonctionnelle doit correspondre un taux d’IPP compris entre 1 et 5%. Attribuer un taux de 5% aurait été un moyen de reconnaître les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne par cette victime. Même dans les dossiers où nous n’avons pas affaire à d’importants problèmes de procédure, une logique restrictive d’évaluation du préjudice se fait sentir.

 

 

 

 

I.2. Dossiers rejetés initialement

 

Nous avons vu que pour ne pas se voir opposer le délai de 60 jours à l’issue duquel elle est réputée reconnaître tacitement la MP, la CPAM conteste très souvent la déclaration. C’est une disposition que la CPAM appelle une " contestation préalable ". Cette pratique ayant été presque systématisée, nous nous sommes davantage intéressé aux dossiers qui ont fait l’objet d’un refus initial (et parfois définitif) faute de pouvoir répondre (selon l’organisme de sécurité sociale) aux conditions prévues par le tableau.

 

I.2.a. Non reconnaissance liée au délai de prise en charge ou à l’exposition

Les cas de Messieurs Damel, Nabet, Dupommier.

A chaque affection inscrite dans le tableau est associé un " délai de prise en charge ". Ce délai représente, d’un point de vue réglementaire, le " temps maximum qui peut s’écouler entre la fin de l’exposition aux agents nocifs et la constatation de l’affection ". La cessation de l’exposition au risque d’inhaler de l’amiante marque donc le début du délai de prise en charge. La fin de l’exposition peut résulter, par exemple, d’une modification du poste de travail, d’un changement d’emploi, d’un licenciement ou d’un départ en retraite.

Pour la prise en charge des affections figurant dans les tableaux 30 et 30bis, une durée minimum d’exposition à l’inhalation de fibres d’amiante est exigée. Elle est aujourd’hui de 5 ans pour toutes les affections prises en compte par le tableau n°30 et de 10 ans pour le cancer broncho-pulmonaire qui figure au tableau n°30 bis. Il faut savoir que toute maladie professionnelle due à une exposition à un agent toxique implique -pour qu’il y ait reconnaissance- d’apporter la preuve de cette exposition. Les enquêtes en ce sens sont normalement menées par la CPAM auprès des employeurs et de la victime de MP. Les premiers peuvent nier toute exposition. En effet l’enquête se limite le plus souvent à prendre note du discours de l’employeur. Selon les travaux d’Iwatsu-Brochard, les procédures administratives de recherche de l’exposition ne sont pas à l’échelle des difficultés qui existent pour retracer les expositions. Dans le cas de l’amiante, les expositions remontent fréquemment à une trentaine d’années auparavant et, complication supplémentaire, on constate alors soit la disparition des entreprises, soit la disparition des installations et des conditions de travail de l’époque. Il est ainsi très difficile pour la victime d’apporter la preuve de son exposition habituelle à l’amiante. Ainsi, il lui est recommandé par l’ANDEVA, lorsque cela est possible, de recueillir auprès d’anciens collègues de travail, des témoignages écrits qui font état, de la manière la plus détaillée possible, de cette exposition.

De nombreux problèmes semblent lier à la non prise en compte des ressources offertes par la législation parmi lesquelles l’article L.461-4 du code la sécurité sociale. Il spécifie que " tout employeur qui utilise des procédés de travail susceptibles de provoquer des maladies professionnelles mentionnées à l’article L.461-2 est tenu […] d’en faire la déclaration à la caisse d’assurance maladie et à l’inspecteur du travail […]. Le défaut de déclaration peut être constaté par l’inspecteur du travail qui doit en informer la caisse primaire ".

Le respect de cet article aurait dû permettre de recueillir de nombreuses données sur les entreprises utilisatrices d’amiante et aurait dû faciliter les enquêtes sur l’exposition. Mais cet article est resté le plus souvent lettre morte, obligeant chaque victime à apporter la preuve de son exposition. Dans la grande majorité des cas, les enquêtes auraient pu être simplifiées, tout en apportant des éléments sûrs.

De nombreuses notifications effectuées par les caisses primaires sont ainsi notifiées " le rapport d’enquête indique que M. X a pu être exposé (dates) ", " considérant cependant que M. X n’apporte pas la preuve qu’il a été effectivement exposé au risque pendant les périodes précitées, décide de maintenir le refus de prise en charge ". Ce M. X peut avoir exercé la profession de tuyauteur-calorifugeur dans une raffinerie de pétrole dans les années 60. Or toutes les études relatives aux relations entre profession et incidence des maladies dues à l’amiante s’accordent pour considérer que les calorifugeurs ont représenté l’un des métiers les plus exposés à l’amiante. Dans les années 60-70, il était impossible d’échapper à l’exposition à l’amiante quand on exerçait ce métier, à fortiori dans les raffineries de pétrole. En effet, dans les rapports concernant les expositions à l’amiante, deux secteurs d’activité ont fait l’objet d’une conclusion d’exposition " à priori ". On y relève deux secteurs :

-isolation, avant 1996.

-raffinerie, pétrochimie 1996

 

Nous allons présenter trois exemples de dossiers ayant essuyé un refus initial au motif que les conditions relatives à la durée d’exposition au risque prévues par le tableau n’ont pas été remplies.

DAMEL René né le 28 mai 1928

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

CMI : 10/03/1997

Plaques pleurales

Reconnaissance : 12/07/1999 en 30b

 

Adhérent :

15/11/1949 au 03/03/1952

Chantiers de la Loire St-Nazaire

Menuisier à bord des bateaux

Travail à proximité du flocage des plafonds.

05/03/1952 au 29/05/1953

Piermon et Cie St-Maur des Fossés

Menuisier-ébéniste à bord des bateaux.

01/06/1953 au 05/07/1953

Mars Simon et Cie Paris

Menuisier-ébéniste à bord des bateaux.

(pellicule d’amiante dans l’air du bord).

Dernier employeur : société de construction mécanique Huard.

Retraite : 01/06/1988

CMI : 10/03/1997

Déclaration : 10/03/1997

Collège des trois médecins : 22/12/1998

Dossier soumis par la CPAM au CRRMP :26/03/1999

Lettre de réserve : 22/06/1999 (les éléments réunis à ce jour ne permettent pas à cet organisme de se prononcer sur la prise en charge de la maladie professionnelle).

Avis CRRMP :23/06/1999

Le comité constate qu’il y a un lien direct entre la pathologie que vous présentez et votre travail habituel.

Le comité vous reconnaît le bénéfice de la MP n°30 paragraphe B.

Recours CRA : 08/07/1999

Reconnaissance :12/07/1999

Annulation recours CRA : 22/07/1999

 

Les cinq années d’exposition n’ayant pu être prouvées, ce dossier a été renvoyé au CRRMP ce qui a considérablement retardé la reconnaissance.

Notons que dans les cas d’expositions inférieures à cinq ans, jusqu’en 1996, les caisses pouvaient demander au collège des trois médecins de lever la clause des cinq ans. En revanche, depuis la circulaire d’août 1996, l’instruction finale du dossier est aiguillée sur le système complémentaire avec perte de la présomption d’origine.

NABET Françoise pour NABET Jean né le 31/03/1936.

Date de cessation de travail le 31/05/1992. Décédé le 17/10/1996

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Première constatation médicale : 16/01/1996

CM : 05/06/1996 a été exposé à l’amiante. A un cancer bronchique primitif (lavage alvéolaire en cours).

Employeur Dassault Electronique

13/08/1996

" aucune activité d’usinage de pièces comportant de l’amiante n’a été exécutée à l’atelier mécanique "

07/10/1996

" à notre connaissance, l’environnement de travail de monsieur Nabet n’a jamais présenté d’exposition au risque ".

Madame Veuve Nabet, lors de l’enquête légale évoque un contact avec l’amiante se présentant sous forme de plaques d’un mètre de long sur cinquante centimètres de large.

Deux certificats de travail :

-Société des grands travaux d’électrification et de canalisations.

Manœuvre

Du 09/04/1956 au 11/08/1956

-Dassault Electronique

30/10/1961 au 31/05/1992

Technicien de mécanique

Première constatation médicale : 16/01/1996

CM : le 05/06/1996

Déclaration : 12/06/1996

Lettre de réserve : 28/06/1996

Enquête : 16/12/1996

Rejet : le 10/02/1997

Recours CRA : 03/04/1997

Contestation de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie notifiée le 10/02/1997 qui refuse la prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l’affection dont était atteint son mari.

Procès verbal CRA : 10/06/1997

Confirme le bien-fondé de la décision de refus de prise en charge de la maladie professionnelle du service administratif spécialisé et rejette la requête formulée par Madame Nabet.(demande d’indemnisation).

Recours devant le TASS : 28/06/1997

Demande de reconnaissance de la maladie professionnelle dont son époux est décédé.

Réponse TASS : 09/04/1999

Impossibilité de fixer le recours à une audience ( absence d’argument et de pièce à l’appui)

 

Ce dossier présente un certain nombre d’anomalies. Après une lettre de réserve, le reconnaissance de la maladie professionnelle a été rejetée. Un recours effectué devant le CRA a confirmé la première décision. Pourtant le certificat médical initial assure que M. Nabet était atteint d’un cancer bronchique primitif.

Quant à l’exposition professionnelle à l’amiante, elle apparaît plus que probable. M. Nabet a travaillé 4 mois à des travaux d’électrification et de canalisations. Il a ensuite travaillé 29 ans chez Dassault Electronique en tant que technicien de mécanique. L’employeur ne reconnaît aucune exposition à l’amiante dans les ateliers de mécanique en vertu de quoi son exposition n’a jamais été reconnue. Le recours devant le TASS formé par l’épouse de M. Nabet après son décès est resté lettre morte faute d’arguments et de pièces à l’appui.

A qui revient ici le bénéfice du doute? La victime et sa famille ne sont pas parvenues à faire la preuve de dix ans d’exposition à l’inhalation de poussières d’amiante. Les travaux effectués par M. Nabet ne figurent pas sur la liste limitative, l’employeur affirmant qu’il n’y a pas eu usinage de pièces comportant de l’amiante dans son atelier de mécanique. N’y a-t-il eu également aucun travail de découpe, de ponçage de matériaux contenant de l’amiante ? N’y a-t-il eu aucune fabrication de matériels de friction contenant de l’amiante ? N’y a-t-il eu aucune activité d’entretien ou de maintenance effectuée sur des équipements contenant des matériaux à base d’amiante ? Ce dossier nécessiterait une enquête approfondie avec des témoignages de collègues de M. Nabet.

DUPOMMIER Michel né le 13/12/1952, décédé le 22/07/1998

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Déclaration : 16/12/1997

Cancer de la plèvre

Médecin (service de pneumologie) :

Le 19/11/1997

Le 24/11/1997

Le 15/12/1997

Antécédents : -tabagisme 14 PA arrêté 15 j auparavant.

-exposition à l’amiante pendant cinq ans.

-antécédents familiaux de cancer bronchique.

C’est l’apparition il y a 15 j, d’une douleur latérothoracique gauche, associée à une dyspnée d’effort qui a motivé la réalisation d’une radiographie pulmonaire objectivant un épanchement pleural gauche. Le patient a été hospitalisé en Pneumologie où le diagnostic de mésothéliome de forme épithéliale a été effectué sur des biopsies.

Le scanner thoracique objective un épanchement pleural gauche abondant avec un épaississement multinodulaire de la plèvre sur pratiquement toute sa hauteur. Il existe par ailleurs un syndrome de masse hétérogène en avant du péricarde, compatible avec un envahissement de la chaîne thoracique interne gauche. Par ailleurs, il existe une atélectasie sub-totale du lobe inférieur gauche avec une petite infiltration au niveau de la lingula.

Au total épanchement pleural depuis fin 1987

Diagnostic de mésothéliome

Médecin CHU (oncologie médicale thoracique et digestive) :

24/07/1998

certifie que M. Dupommier est décédé le 22 juillet 1998 d’une maladie contractée suite à une exposition à l’amiante.

 

Adhérent :

Dubigeon Normandie

03/12/1973 au 13/10/1978

Menuisier (sciage des panneaux)

+ 5 mois en 1972-1973.

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

01/01/1972 au 01/01/1975

Médecin CHU : 1972-1977

Certificat de travail :

Ateliers Normand

-du 01/10/1966 au 30/05/1969

en qualité d’apprenti

-du 01/10/1969 au 09/07/1971

-du 31/07/1972 au 08/06/1973

en qualité d’ouvrier

Dubigeon-Normandie S.A

-du 03/12/1973 au 28/02/1974

-du 01/03/1974 au 31/03/1976

-du 01/04/1976 au 13/10/1978

en qualité de menuisier

Note : lors de l’année 1972-1973, pendant une durée de cinq mois, les Ateliers Normand ont prêté du personnel au Chantier Dubigeon. M. Dupommier faisait partie de ce personnel.

P.S : a fini sa carrière comme agent technique dans un CAT

Déclaration : 16/12/1997

Lettre de réserve : 30/12/1997

Saisine CRRMP : 08/03/1999

Les conditions relatives à la durée d’exposition au risque prévues à ce tableau ne sont pas remplies (exposition au risque du 01/01/1972 au 01/01/1975).

 

La maladie de M. Dupommier a été nettement caractérisée. Le diagnostic de mésothéliome de forme épithéliale a été effectué sur des biopsies. Le mésothéliome est reconnu comme le cancer de l’amiante. S’il peut exister d’autres causes au mésothéliome, ce sont des cas (d’après la littérature scientifique) peu fréquents. Dans le cas qui nous concerne, où le patient a été exposé à l’amiante, aucun doute sérieux ne justifie d’entraver le processus de reconnaissance en maladie professionnelle. Le dossier a été rejeté au motif que les conditions relatives à la durée d’exposition au risque prévues au tableau n’ont pas été remplies. La durée d’exposition prévue est de cinq ans. La caisse a comptabilisé pour cette victime 3 ans du 01/01/1972 au 01/01/1975. Ces dates apparaissent comme arbitraires et ne correspondent à aucun poste précis occupé par la victime ni même à aucun contrat de travail. A la date du 1er janvier 1972, M. Dupommier travaillait aux Ateliers Normand en qualité d’apprenti depuis plus de deux ans. La date du 1e janvier ne correspond à rien de précis concernant sa carrière, pas plus qu’elle ne correspond à l’arrivée de ce matériau aux Ateliers Normand. Selon toute vraisemblance M. Dupommier a été exposé bien avant le 1er janvier 1972. Quant à la date de fin d’exposition qui répond elle aussi à un découpage très net en année civile, rien ne prouve qu’elle correspond réellement à l’abandon du matériau ou à la mise en place d’un système de protection individuel ou collectif efficace. Dans les faits (cf le tableau ci-dessus), la victime comptabilise plus de cinq années d’exposition. Quand bien même sa famille ne pourrait pas le prouver, le diagnostic de mésothéliome aurait dû suffire pour que justice soit faite c’est-à-dire pour que soient reconnus la maladie professionnelle et ensuite le lien entre le décès de M. Dupommier et cette dernière. L’enjeu est important puisqu’il s’agit de l’attribution ou non d’une rente d’ayant droit à la veuve de la victime. Nous voyons que lorsque la reconnaissance en maladie professionnelle se fait attendre dans le cas de pathologies graves, le décès intervient avant même que la caisse ait statué. Ensuite la reconnaissance du lien entre le décès et la maladie professionnelle est d’autant plus difficile à obtenir.

C’est pour ces raisons que l’ANDEVA réclame un assouplissement des exigences concernant les preuves d’exposition et propose, par exemple, une liste de professions valant preuve d’exposition pour les mésothéliomes. Rappelons que le mésothéliome est un cancer spécifique de l’amiante. Il arrive qu’il n’entraîne aucune réparation alors même que l’on sait que la victime a été exposée de par sa profession. Cependant, dans le cas étudié, dans le cadre de la législation actuellement en vigueur, le lien de causalité entre l’exposition à l’amiante et le décès aurait pu être établi sans aucune difficulté s’il n’y avait eu cette volonté évidente de chercher des arguments en faveur de la non-réparation. Les employeurs ont tout intérêt à sous-déclarer l’exposition au risque de leur employé et l’enquête administrative se contente d’entériner leurs propos. Le recours au CRRMP n’a pas débloqué cette situation d’injustice. Ce dossier met donc aussi en cause le fonctionnement du système complémentaire.

 

1.2.b. Non reconnaissance de la relation entre le décès et la maladie professionnelle

Les cas de messieurs Legal, Thevenet, Castel.

Nous l’avons vu, le lien entre le décès et la maladie professionnelle peut être lié à une non reconnaissance initiale du caractère professionnel de la maladie. Mais nous avons également été confronté à des dossiers pour lesquels la MP était reconnue avec une série d’aggravations et dont le décès n’a pas été reconnu en rapport avec la MP. Il s’agit de cas de décès survenus à la suite d’une série d’aggravation qui selon toute vraisemblance était bien en rapport avec la MP.

Nous présentons ici deux dossiers illustrant ces cas de figure. Nous en avons inséré un troisième qui a été reconnu. Cette mise en perspective illustre le fait qu’il n’y a pas toujours de raisons objectives, à tout le moins évidentes, dans les différences de traitement que l’on peut trouver entre deux dossiers.

LEGAL André, décédé le 11/06/1996

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Collège des trois médecins : 10/10/1992

Lésions pleurales bénignes, à savoir plaques pleurales calcifiées bilatérales diaphragmatiques et pariétales. A noter l’existence d’une opacité du lobe inférieur gauche, en cours d’exploration. Retentissement fonctionnel respiratoire. (10%)

Intervention médicale : 08/12/1992

Lobectomie inférieure gauche.

Collège des trois médecins :19/06/1993

Il s’agit d’un cancer broncho-pulmonaire primitif périphérique, d’une lésion maligne dont la relation avec l’amiante est médicalement caractérisée dans la mesure où il existe un taux de 62 360 CA/g (étude sur le parenchyme pulmonaire). (70%)

Révision : 29/06/1995

Lésions malignes dont la relation avec l’amiante est médicalement caractérisée.

Rapport médical de révision d’incapacité permanente : 13/02/1997

Aggravation de la MP sous la forme de métastases osseuses diagnostiquées sur une scintigraphie osseuse réalisée le 30/05/1996

Le décès n’est pas imputable à la MP.

 

Pas de données

Déclaration : 07/03/1992

Collège des trois médecins : 10/10/1992 (10%)

Collège des trois médecins 19/06/1993 (70% à compter du 10/10/1992 date de la constatation de l’opacité lobaire inférieure gauche)

Aggravation : 01/06/1996

Rapport médical de révision d’incapacité permanente : 13/02/1997 (100%)

Lettre Caisse Primaire d’Assurance Maladie : 19/03/1997 concernant la rente de conjoint survivant.

Il apparaît que son décès n’est pas en rapport avec la maladie. Pas de possibilité d’attribution d’une rente de conjoint survivant.

 

En 1992, M. Legal est reconnu pour des plaques pleurales avec retentissement fonctionnel respiratoire indemnisées sur la base d’un taux d’IPP de 10%. Dès cette époque est signalée une opacité du lobe inférieur gauche. Il lui faudra attendre le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire pour être indemnisé sur la base d’un taux d’IPP de 70% (à compter de la date de la constatation de l’opacité lobaire).

Il est reconnu à 100% après son décès. En revanche alors que le rapport médical de révision d’incapacité permanente a bien reconnu l’aggravation de la MP sous forme de métastases osseuses. Le décès qui s’en est suivi est dit non imputable à la MP. En 1997, la veuve de M. Legal a reçu une lettre l’informant que le décès de son mari n’était pas en rapport avec l’amiante.

THEVENET né le 24/05/1932, décédé le 15/08/1997

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

CPAM : 04/12/1989

Lésions radiologiques pleurales évoquant une asbestose. Résumé des séquelles : asbestose professionnelle nettement caractérisée non indemnisable.

Scanner thoracique, scanner abdominal : 12/02/1997

Epanchement pleural droit, cloisonné++, à caractère pseudo-tumoral, toujours suspect dans ce contexte de plaques pleurales calcifiées d’allure asbestosique.

Nodule de la base droite, éventuellement à caractère scissural. Ces modifications méritent la poursuite du bilan (recherche d’arguments en faveur d’un mésothéliome).

Ponction thoracique scanoguidée :17/02/1997

Institut d’Histo Pathologie : 17/03/1997

Processus tumoral malin épithélial

glandulo papillaire ayant plus d’éléments morphologiques en faveur de son caractère secondaire.

Une des hypothèses à envisager est celle d’une lésion secondaire à une tumeur pulmonaire.

Institut d’Histo Pathologie :

24/03/1997

La notion de lésions diffuses bilatérales avec aspects de plaques calcifiées dans un contexte d’asbestose repose le problème d’un mésothéliome épithélial.

Institut d’Histo Pathologie : 24/04/1997

La relecture par le panel des mésothéliomes exclut à l’unanimité ce diagnostic.

Il faut donc retenir la première proposition diagnostique de tumeur épithéliale maligne (carcinome).

Pneumologue : 25/07/1997

L’examen du dossier de M. T n’apporte aucun élément formel en faveur d’une tumeur pulmonaire primitive. Le cliché du 22 juillet montre un épanchement pleural gauche avec un poumon partiellement décollé probablement après ponction, à droite, il existe des opacités pulmonaires d’étiologie indéterminée, diffuses, et une opacité pariétale. Le scanner du 17 février

retrouve un épaississement pleural irrégulier bilatéral, et un nodule de la base droite d’origine soit pleurale soit parenchymateuse.

Médecin-conseil :22/09/1997

Lésions pleurales bénignes à type de plaques pleurales bilatérales. Par ailleurs, ce patient est porteur d’une pathologie pleurale métastatique (cf compte-rendu anatomopathologique du 20/02/1997) et si au départ il existait un doute quant à un éventuel mésothéliome, ce doute a été levé par le panel des anatomopathologistes qui a exclu à l’unanimité ce diagnostic. La pathologie présentée n’est pas en rapport avec la MP n°30 B.

CPAM :17/10/1997

Les lésions reconnues en 1989 justifient en application du barème actuellement recommandé par le Haut Comité Médical de la Sécurité Sociale un taux d’IPP de 3%.

Adhérent : de 1965 à 1987

Chantiers de l’Atlantique Mécanique Montoir.

Chaudronnier

Calorifugeage des moteurs de locomotive SNCF et moteurs des navires de chantiers navals de St Nazaire à l’amiante.

Mise en place et fabrication de joints en amiante.

Certificat de travail ALSTHOM Division Mécanique :

-en qualité de Jeune Ouvrier

du 25.10.1949 au 31.05.1950

-en qualité d’Aide Professionnel OS1

du 01.06.1950 au 22.06.1952

-en qualité de Manœuvre Gros Travaux M2

du 23.06.1952 au 12.08.1952

-en qualité d’Aide Professionnel OS1

du 13.08.1952 au 28.04.1954

-en qualité de Manœuvre Gros Travaux M2

du 29.04.1954 au 30.09.1954

-en qualité d’Aide professionnel OS1

du 01.10.1954 au 31.03.1955

-en qualité de mâteur 0S2

du 01.04.1955 au 14.11.1960

-en qualité de chaudronnier OP1

du 15.11.1960 au 31.12.1961

-en qualité de chaudronnier OP2

du 01.01.1962 au 30.04.1964

-en qualité de chaudronnier OP3

du 01.05.1964 au 31.12.1974

-en qualité de chaudronnier coef.218

du 01.01.1975 au 30.06.1975

-en qualité de chaudronnier coef. 240

du 01.07.1975 au 31.05.1987

 

Déclaration : 19/04/1989

Reconnaissance : 15/11/1989

Notification CPAM :04/12/1989

0% au 19/04/1989.

Médecin-conseil :22/09/1997 (3%).

Notification CPAM : 17/10/1997

3% au 03/03/1997

Recours devant le TCI : 13/12/1997

contre la décision de la CPAM

portant de 0% à 3% à la date de révision pour aggravation (03/03/1997) le taux d’IPP.

Collège des 3 médecins : 24/10/1998 : taux de 3% confirmé.

Rejet TCI : 30/02/1999.

Ce dossier illustre les difficultés auxquelles sont confrontées trop souvent les victimes et leurs familles : attitude très restrictive des organismes de Sécurité sociale, recherche de preuves irréfutables de la part de leurs responsables administratifs et des " experts " médicaux (collège des trois médecins).

Monsieur Thévenet a été reconnu en maladie professionnelle dans des délais tout à fait classiques. Cependant cette reconnaissance ne s’est accompagnée d’aucune réparation financière pour le préjudice subi. En effet, " ses lésions pleurales évoquant une asbestose " ont été jugées non indemnisables. Or nous savons qu’une maladie ainsi caractérisée devrait bénéficier d’un taux d’IPP de 1 à 5%. Monsieur Thévenet a dû attendre huit ans avant de se voir attribuer un taux de 3% après la révision en aggravation. Nous considérons que l’aggravation n’a pas été reconnue en tant que telle mais qu’à la suite de cette démarche, il a obtenu le taux qui aurait dû lui être octroyé dès la première notification. La CPAM le signale elle-même : " les lésions reconnues en 1989 justifient en application du barème actuellement recommandé par le Haut Comité Médical de la Sécurité Sociale un taux d’IPP de 3% ". La victime a obtenu en 1997 ce à quoi elle avait droit dès 1989 car le taux de O% après reconnaissance n’a jamais existé que dans une pratique inscrite dans une logique restrictive. Notons que si le taux de 3% pouvait s’expliquer en 1989, il apparaît en 1997 comme une grave sous-estimation de l’affection. En effet à cette date, on a déjà repéré chez M. Thévenet un processus tumoral à la suite duquel il est décédé. La famille a reçu la notification avec taux d’IPP de 3% deux mois après le décès de leur proche. L’ironie du " sort " veut qu’une personne décédée soit considérée comme atteinte de plaques pleurales bénignes sans atteinte fonctionnelle. Il a été exposé au risque asbestosique pendant plus de vingt ans sans aucune contestation possible. Il n’a fait l’objet d’aucun diagnostic précis mais la tumeur concernait la plèvre et/ou le poumon (tableau 30C ou 30D). Le bénéfice du doute n’aurait-il pas dû jouer en sa faveur comme le spécifie la loi ? De nombreux éléments repérés dans le dossier de la victime montrent comment une incertitude sur un diagnostic a été présentée comme un argument au service d’une pratique restrictive de reconnaissance en maladie professionnelle. Nous allons voir comment des médecins ont préféré mettre en œuvre une politique du soupçon pour éviter de reconnaître abusivement une MP, risque qui ici semblait tout à fait négligeable. Les experts médicaux ont agi comme s’il était beaucoup plus grave de reconnaître abusivement une MP que de ne pas la reconnaître. N’y a t’il pas pourtant une grande responsabilité sociale à refuser une réparation à des personnes que la loi avait prévu de protéger ? Dans le cas étudié ici, il apparaît évident qu’accorder un taux de 3% à une personne exposée à l’amiante et décédée après un processus tumoral (" survenu dans un contexte de plaques pleurales calcifiées d’allure asbestosique " ) signifie prendre le risque d’une injustice beaucoup plus grande que d’établir un lien entre le cancer et l’exposition professionnelle avec un risque d’erreur mineur.

 

Certains acteurs de ce dossier témoignent du refus de la logique en vigueur, malheureusement il s’agit rarement de personnes ayant eu un pouvoir réel de décision dans le processus de reconnaissance en maladie professionnelle. Nous avons relevé dans le dossier des témoignages susceptibles d’éclairer notre propos. Nous allons retracer l’histoire d’une controverse concernant la caractérisation d’une maladie, élément clef de la reconnaissance en MP. Si ici la maladie professionnelle a été reconnue, elle n’a pas reçu de caractérisation tenant compte de son aggravation, c’est pourquoi le lien entre le décès et la MP n’a pu être établi.

Le chirurgien ayant opéré M.Thévenet, appelé au téléphone le 26/02/1998 par le fils de la victime, se dit " convaincu que la tumeur doit être considérée comme un mésothéliome ". Il a dit-il " été très surpris par le résultat anapath ". Il pense que ces diagnostics histologiques sont de plus en plus verrouillés à la baisse pour éviter des reconnaissances de MP. Il a d’ailleurs eu l’occasion d’en parler avec l’histopathologiste et regrette que celui-ci " ne soit pas allé au bout de ses convictions ". Il a écrit un courrier à Mme Thévenet dans lequel il redit sa conviction quant au diagnostic clinique et macro-anatomique (pièce opératoire de mésothéliome). Ce chirurgien rappelle que lorsqu’il y a doute, et s’il n’y a pas d’autre diagnostic probable, ce doute doit bénéficier à la victime. L’examen anatomo-pathologique l’a donc emporté sur les convictions du chirurgien, qui sur le plan macroscopique reconnaissait les caractéristiques d’un mésothéliome (cf. tableau 1 en annexe).

Selon le témoignage du fils de la victime, le docteur B. pourrait apporter des informations permettant de dire que son père n’est pas décédé d’un mésothéliome mais d’un cancer broncho-pulmonaire. En effet, et toujours selon les allégations du fils, le docteur B. a eu pour mission de déterminer si son père était porteur d’un mésothéliome. Il ne lui a jamais été demandé de dire s’il pouvait y avoir une affection différente d’un mésothéliome, à savoir un cancer broncho primitif. La logique de ce médecin aurait dû être, dans le respect de l’esprit de l’expertise, de tenter de caractériser la maladie. Au lieu de cela, il a seulement recherché les éléments qui pourraient infirmer le diagnostic de mésothéliome et a écarté cette caractérisation de maladie compatible avec une prise en charge en MP. En revanche, il n’a pas exploré les autres diagnostics possibles comme celui de cancer broncho-pulmonaire.

Un des médecins du collège des trois médecins à la date du 21 juin 1997 a déclaré à M. Thévenet que la maladie dont il était atteint n’était pas lié à l’amiante. M.Thévenet a répliqué : " c’est quoi alors ? ". La réponse du docteur a été " on ne sait pas ". Or pour le Dr B. avec lequel le fils de la victime est rentré en contact, cette réponse n’est pas justifiée. " Que cela ne soit pas un mésothéliome, c’est d’accord, les analyses le prouvent. Mais que l’amiante ne soit pas en cause, le collège des trois médecins ne peut l’affirmer car il n’y a aucune preuve que l’amiante ne soit pas en cause. Au vu du dossier, un cancer broncho-pulmonaire est la solution à retenir " (cette maladie fait partie du tableau de MP n°30, lorsqu’elle est associée, comme c’est ici le cas, à une asbestose).

M. Thévenet aurait pu être reconnu avec cette caractérisation de maladie. Pourtant le doute concernant son diagnostic n’a pas été porté à son bénéfice. Les trésors de rigueur déployés pour trouver des éléments susceptibles d’écarter un diagnostic semble avoir été oubliés quand il s’est agi de déclarer que la maladie n’était pas liée à l’amiante. Or dans le cas de M. Thévenet personne n’a pu en faire la preuve. D’ailleurs personne n’avait à en faire la preuve dans un système qui a institué une présomption d’imputabilité entre certaines affections et certains travaux.

L’expert ayant déclaré que l’amiante n’était pas en cause a ensuite affirmé qu’  " il faudrait faire des biopsies pour préciser le diagnostic ". Cette affirmation n’était en rien une proposition car à cette date l’état de la victime rendait impossible tout acte invasif. D’après sa famille, il aurait été dit directement à leur proche avec un manque de psychologie qui confine à l’inhumanité que seule l’autopsie permettrait de clarifier le diagnostic. Pourtant rien n’a été fait pour faciliter cette autopsie.

Nous allons à présent retracer l’histoire de cette autopsie qui n’aura finalement jamais eu lieu.

Le 4 août 1997, après réflexion avec le médecin traitant et le pneumologue, la famille décide de s’informer des possibilités et modalités d’une autopsie. Les deux médecins n’ont aucune expérience antérieure de l’autopsie concernant leurs propres patients. Le médecin traitant prend contact avec le médecin-conseil de la CPAM qui indique que si l’autopsie est demandée, via la CPAM, le délai d’autorisation est de quinze jours minimum. Il indique également qu’une décision en référé serait la solution incontournable et que l’hôpital ne pourrait aller contre. M. Thévenet est hospitalisé à la clinique mutualiste. Son épouse et sa fille font une démarche auprès du service funéraire de l’hôpital de St-Nazaire pour obtenir les informations sur la réalisation d’une autopsie et savoir si celle-ci est possible à l’hôpital (demande verbale). Il leur est répondu que la décision dépend du directeur de l’hôpital et que celui-ci ne veut pas que l’autopsie ait lieu dans son établissement pour ne pas mettre en question la parole d’un expert (en effet un des médecins de l’hôpital de St Nazaire a participé au collège des trois médecins ayant statué sur la demande de M.Thevenet). Le fils de la victime va alors voir le Dr G pour lui préciser le refus de l’hôpital. Le Dr G lui conseille d’aller au tribunal de St-Nazaire pour demander s’il est possible d’engager une procédure en référé pour la réalisation de l’autopsie.

Au tribunal, le fils rencontre le procureur du palais de justice de St-Nazaire. A sa grande surprise, il apprend que ce dernier était déjà au courant du dossier de son père par l’intermédiaire de l’hôpital qui avait voulu savoir si la famille d’un patient avait le droit de demander une autopsie dans le cadre d’une procédure de reconnaissance en MP. Le procureur avait répondu à l’hôpital que cette demande était légale. Suite à cette réponse, l’hôpital a téléphoné à la fille de M. Thévenet pour lui préciser que le directeur de l’hôpital refusait de procéder à l’autopsie pour les raisons évoquées ci-dessus, à savoir qu’il ne voulait pas mettre en question l’expertise du Dr P. Le fils demande alors au Dr V de réclamer à l’hôpital une réponse écrite. Le Dr V répond que c’est impossible puisque la demande n’a pas été faite par écrit.

M. Thévenet décède le 15 août. Le Dr V rencontre la famille et l’interroge au sujet de l’autopsie. Compte tenu du refus de l’hôpital et de l’absence totale d’informations sur les modalités possibles de réalisation de l’autopsie, la famille décide de renoncer. Il faut savoir que si l’autopsie ne pouvait avoir lieu à St-Nazaire, elle ne pouvait également avoir lieu à Nantes puisque l’un des deux autres médecins du collège des 3 médecins du 21 juin y travaillait. L’autopsie aurait éventuellement pu être pratiquée à Rennes. Mais les informations verbales obtenues par la famille étaient peu engageantes et aucun renseignement écrit n’ayant été obtenu, une telle décision était difficile à prendre. (En effet le tribunal n’a pas répondu à lettre du fils Thévenet contenant les deux questions :- est-ce que l’hôpital est en droit de refuser à la famille de pratiquer une autopsie ?- celle-ci peut-elle être demandée et autorisée dans le cadre d’une procédure en référé ?).

Le Dr V indique qu’il ne peut rédiger le certificat de décès avec une ouverture comme le recommandait le médecin traitant (absent au moment du décès), car le doute ainsi évoqué, concernant la cause du décès, entraîne une suspension du permis d’inhumer tant que l’autopsie n’a pas été réalisée. Or comme nous l’avons vu, celle-ci avait été rendue impossible. Le Dr V rédige donc le certificat de décès dont la famille n’a pas eu copie. Elle n’a pas non plus eu la possibilité de le lire puisqu’il a été cacheté. Le Dr V déclare avoir porté la mention : " décès des suites d’un cancer chez un patient porteur d’une asbestose reconnue en MP ".

L’inhumation de M. Thévenet a eu lieu sans que la famille puisse savoir si le cancer dont il souffrait était oui ou non primitif, c’est-à-dire s’il s’agissait d’une tumeur primaire du poumon ou de la plèvre.

Dans ce dossier, le problème premier n’est pas le taux d’IPP mais la caractérisation de la maladie qui débouche sur une reconnaissance à 3% d’un malade atteint d’un cancer. Le diagnostic de mésothéliome a été éliminé mais l’on a jamais pu savoir si la tumeur pleurale à type d’adénocarcinome était bien primitive ? Doit-on laisser les malades porteurs de plaques pleurales et ayant une localisation pleurale d’apparence secondaire d’un adénocarcinome (sans localisation primitive reconnue) dans une telle impasse ?

Faut-il aller jusqu’à l’autopsie qui outre le côté traumatisant pour la famille peut semble-t-il méconnaître une micro tumeur pulmonaire primitive ? Face au refus d’accorder à leur proche le bénéfice du doute, la famille n’avait d’autre recours que de demander l’autopsie. Celle-ci a en été dissuadée alors qu’il s’agissait d’un droit. Il est dommage que l’on n’ait pas dans la prise en charge de ce dossier retenu la suggestion du médecin conseil de la CPAM, car il suffisait de faire immédiatement une demande auprès de la CPAM pour que celle-ci déclenche la procédure d’autopsie en application de l’article L. 442-4 du Code de la Sécurité Sociale.

La logique de restriction à l’œuvre dans tout le parcours de reconnaissance en maladie professionnelle peut apparaître à la victime comme une hostilité affichée à son encontre. Peut-on d’ailleurs dans pareil cas encore parler de logique restrictive ? Ce dossier particulièrement douloureux n’est pas représentatif de l’ensemble mais il ne peut pas non plus être considéré comme une exception.

Nous avons également trouvé des dossiers traités avec plus de déontologie professionnelle. Nous avons choisi de présenter ici un autre cas de cancer ayant abouti à une reconnaissance

Il est intéressant de repérer que des dossiers présentant beaucoup de similitudes et susceptibles de connaître le même traitement aboutissent à des résultats opposés. Le travail de standardisation des procédures de reconnaissance en MP nécessaire à une meilleure équité dans la prise en charge semble loin d’être achevé.

CASTEL Claude né en 1939 et décédé le 24/09/1983

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Collège des trois médecins : 22/03/1975

Asbestose nettement caractérisée

IPP 10%

Collège des trois médecins : 08/07/1978

IPP 30%

Collège des trois médecins :19/03/1983

50%

Médecin traitant : 03/10/1983

M. Castel décédé le 24/09/1983 d’un choc infectieux au CHU où il avait été hospitalisé pour un processus métastatique envahissant à partir d’une tumeur hilaire droite avec participation parenchymateuse et atteinte pleurale s’étendant aux zones hépatique et surrénalienne. Le sujet porteur d’une asbestose décelée en 74 confirmée avec décision d’aggravation en 1982, par le collège des trois médecins (1983) est décédé selon toute vraisemblance de l’évolution d’un mésothéliome secondaire à son asbestose et qui doit permettre à sa famille de bénéficier des avantages de la législation en vigueur concernant les MP.

C3M : 14/01/1984

Le collège constate que M. Castel est décédé d’une affection maligne à point de départ pleural qui, selon toute vraisemblance, est un mésothéliome. Le fait que M. Castel ait été antérieurement reconnu atteint d’une asbestose pleurale confirme la nature mésothéliomateuse entraînant un taux d’incapacité permanente de 100%. Le décès de M. Castel est imputable à cette complication et donc à la MP " asbestose ".

 

Pas de données

Déclaration : 26/03/1974

C3M : 22/03/1975

10% au 26/03/1974

C3M : 08/07/1978

30%

C3M : 19/03/1983

50%

C3M : 14/01/1984

100% au 01/08/1983

M. Castel est décédé selon toute vraisemblance de l’évolution d’un mésothéliome secondaire à son asbestose, ce qui a permis à sa famille de bénéficier des avantages de la législation en vigueur. Ce dossier a été traité différemment de celui de M.Thévenet. Les raisons en sont la présence d’un diagnostic considéré comme sans ambiguïté, même si peut persister une part de doute. Notons que le compte-rendu d’expertise parle " d’une affection maligne à point de départ pleural ". Nous ne savons pas si cela signifie que les experts détiennent la preuve d’une tumeur primitive de la plèvre ou si ici le doute a bénéficié à la victime dans la mesure où celle-ci est décédée " selon toute vraisemblance d’un mésothéliome secondaire à son asbestose ".

Ici, le terme asbestose connaît un usage abusif car il ne s’agit pas d’une fibrose pulmonaire mais de plaques pleurales.

I.3. Types d’estimation des taux d’IPP relevées dans les dossiers

Selon la législation, le taux d’IPP est établi en référence à " la perte de capacité de gain ".

Par lettre interministérielle du 8 juin 1989 il a été institué un barème indicatif d’invalidité qui, en particulier dans les cas de pneumoconioses, permet d’évaluer les séquelles laissées par une maladie professionnelle. Ce barème a été déclaré indicatif pour lui permettre d’évoluer, mais cela ne s’est pas produit dans un sens favorable aux victimes. Il n’est devenu officiel qu’en avril 1999 et ce n’est par conséquent qu’à cette date qu’il a pu être " opposable ". Les praticiens ne l’ont pas systématiquement utilisé car il est resté semble-t-il quelque peu confidentiel. Nous appuyons notre réflexion sur ce barème sachant que jusqu’en 1999, il n’était pas un outil obligatoire de l’évaluation de l’IPP.

I.3.a. Respect du barème (reconnaissance à minima)

Cas de messieurs Durand, Hacha, Justin, Baudil.

Nos résultats montrent que beaucoup de taux d’IPP relèvent de la partie basse des fourchettes indiquées dans le barème, pour les affections sans trouble fonctionnel, et de la partie haute en présence d’une atteinte fonctionnelle mais sans les majorations prévues en pareil cas.

Il est prévu par exemple pour les épaississements pleuraux un taux d’IPP compris entre 1 et 10% hors atteinte fonctionnelle. Quatre critères permettent d’affiner l’évaluation : la Capacité Pulmonaire Totale (CPT en % de la valeur théorique), la VEMS (en % de la valeur théorique), la PaO2 (oxygène dans le sang), et le retentissement ventriculaire droit. Les troubles fonctionnels entraînés par la fibrose sont classés en 5 catégories (de troubles légers à sévères) avec des taux d’IPP croissants.

 

Nous présentons plusieurs dossiers présentant des taux d’IPP en coïncidence avec la caractérisation de la maladie mais ne correspondant pas à ce que représenterait une évaluation rigoureuse de la perte de capacité de gain.

DURAND Henri né le 07/10/1922, retraité depuis le 07/10/1987.

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

CMI : 12/05/1993

Calcifications pleurales bilatérales compatibles avec une asbestose non compliquée à prendre en charge selon le tableau 30 des MP.

Rapport médical d’attribution d’incapacité permanente : 11/08/1993

Lésions pleurales bénignes (épaississements pleuraux axillaires bilatéraux et calcification diaphragmatique). Faible retentissement respiratoire.

Charpentier-Menuisier

Adhérent : 29/09/1936 au 30/12/1939

AFO St Nazaire.

07/02/1955 au 14/10/1970

Geffray aménagement St Nazaire

09/05/1978 au 08/11/1978

Sarl La Poupe La baule

26/12/1978 au 03/07/1981

Crit Interim Nantes

10/08/1981 au 28/05/1982

Sarl Prestas

travaillait dans les bords et côtoyait journellement les tuyauteurs et les calorifugeurs.

Rapport d’enquête :

L’employeur M. G confirme que M. Durand était poseur monteur dans son entreprise à bord des bateaux de décembre 1955 à octobre 1977. Il utilisait des panneaux anti-incendie comportant de l’amiante.

Rapport médical d’attribution d’IPP : 25 ans d’exposition à l’amiante.

Nombreux certificats de travail et témoignages de collègues dans le dossier.

 

CMI : 12/05/1993

Déclaration : 21/05/1993

Enquête administrative : 14/06/1993

Expert : 19/07/1993

Reconnaissance : 06/08/1993

Rapport médical AIP : 11/08/1993 (5%)

Notification : 06/10/1993

5% le 12/05/1993

Notification : 18/01/1999

15% le 29/10/1998

Demande d’aggravation : le 18/01/1999

Résultat : 15%

Faute inexcusable : le 12/06/1999

Le délai de reconnaissance de ce dossier est de moins de trois mois. Quant à la notification, elle a été reçue moins de cinq moins après la déclaration. La prise en charge semble, elle aussi, en coïncidence avec les critères en vigueur. M. Durand a été reconnu avec un taux d’IPP de 5% pour des calcifications bilatérales non compliquées. Après demande en aggravation, il s’est vu notifié un taux de 15% correspondant à des épaississements pleuraux axillaires bilatéraux et calcification diaphragmatique avec un faible retentissement respiratoire. Le retentissement respiratoire fait l’objet d’appréciations différentes. Selon les experts et la victime, mais aussi entre les experts –que signifie en termes de " perte de capacité de gain " le mot " faible " ?

 

HACHA Michel né le 26/07/1937 et décédé le 13/10/1993

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Collège des 3 médecins : 10/12/1994

M. Hacha est bien atteint d’une affection professionnelle consécutive à l’inhalation de poussières d’amiante se manifestant par des lésions pleurales bénignes, à savoir plaques pleurales calcifiées bilatérales et d'autre part qu’il existe un cancer broncho pulmonaire primitif (cf examen anatomopathologique du 13/10/1993).

Le collège émet l’avis que M. Hacha est reconnu atteint d’une asbestose nettement caractérisée à compter du 13/10/1993 (date du document anatomo-pathologique). Le taux d’IPP est de 70%

Décès : 13/10/1993

 

Pas de données

(Métreur)

Déclaration : 30/03/1994

Collège des 3 médecins :10/12/1994

70%

Notification relative à une incapacité permanente : 19/06/1995

70% au 14/10/1993

Lettre de réserve relative à la prise en charge après décès :

01/07/1998

Lettre d’acceptation de prise en charge : 27/07/1998

Notification relative à la rente d’ayant droit :18/09/1998

50% au 06/11/1998

 

La déclaration en MP a lieu seulement après le décès ce qui témoigne du manque d’information donnée aux victimes de MP concernant les droits de réparation. Pour comprendre les éléments du dossier, il faut distinguer

-la déclaration (qui donnera lieu à reconnaissance avec IPP de 70%).

-la rente d’ayant-droit après décès.

Malgrè la gravité de l’atteinte et le décès rapide, le taux d’IPP ne sera pas de 100% mais de 70%. Comment a été mesurée ici la " perte de capacité de gain " ?

Notons également que Mme Hacha a reçu une lettre de réserve relative à la prise en charge après décès avant de se voir notifier l’acceptation. Alors que la victime avait été reconnue en MP d’une extrême gravité (cancer broncho-pulmonaire primitif).

JUSTIN Joseph né février 1934.

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Expertise : M. Justin présente une exposition prolongée aux poussières d’amiante, des signes radiologiques limités d’une asbestose pleurale et d’une asbestose pulmonaire débutante bien que la diffusion soit normale, il existe une discrète hypoxie et une discrète hypocapnie et surtout un important syndrome restrictif . M. Justin est atteint d’une asbestose nettement caractérisée.

Expertise / contestation : Au terme de son examen, le professeur avait fixé à 30% le taux d’IPP pour l’asbestose. Le malade avait été vu alors qu’il n’y avait pas de dyspnée. Aujourd’hui nous constatons l’existence d’une crise d’asthme authentique indépendante de l’asbestose. Le taux de 30% correspondait bien aux séquelles constatées.

 

Calorifugeur

Notification relative à l’incapacité permanente : 16/03/1983

30% au 21/12/1981

Recours formé le 27/04/1983

Lettre DRASS, commission régionale d’incapacité permanente : 29/07/1983

Le taux de 30% correspond bien aux séquelles constatées.

Le taux d’IPP obtenu par la victime est de 30% pour des " signes radiologiques limités d’une asbestose pleurale et d’une asbestose pulmonaire débutante ; discrète hypoxie et hypocapnie et important syndrome restrictif ".

Le rapport d’expertise faisant suite au recours de la victime signale " une crise d’asthme débutante indépendante de l’asbestose ". On peut s’interroger sur les fondements médicaux d’une hypothèse de crise d’asthme évoquée dans l’expertise. Le taux de 30% est maintenu.

L’évocation d’une " crise d’asthme " laisse supposer une perturbation respiratoire importante ici attribuée à une autre pathologie que l’asbestose.

Quel préjudice " répare " un taux d’IPP de 30% ?

 

BAUDIL Maurice.

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Notification :20/09/1996

Affection professionnelle consécutive à l’inhalation de poussières d’amiante sous forme de lésions pleurales bénignes à type d’épaississements pleuraux axillaires bilatéraux, peut-être associés à une pleurésie exsudative débutante. Ces lésions entraînent actuellement un retentissement sur la fonction respiratoire sous forme d’un syndrome restrictif modéré.

Notification :04/11/1997

Aggravation du syndrome restrictif lié à la fibrose.

Médecin traitant : 09/12/1997

L’état de santé de M. Baudil nécessite un suivi médical régulier. Pour faire valoir ce que de droit.

 

Récapitulation de carrière par l’adhérent :

-12/10/1954 au 08/02/1958

Fonderie Pontchardon (Paris)

-01/06/1958 au 16/10/1958

Sté du Domaine d’Orval (Camembert)

-01/05/1959 au 30/06/1960

Service militaire

-01/07/1960 au 31/08/1961

Expoitation agricole (Gace. Orne)

-02/09/1961 au 20/11/1961

Apy (Marseille)

-29/11/1961 au 30/01/1962

Lassarat Peinture (Le Havre)

-04/02/1962 au 08/02/1963

-09/03/1963 au 08/04/1963

Apy

-09/04/1963 au 29/03/1965

Bolcioni et Cie (St Nazaire)

-30/03/1965 au 30/11/1965

-01/12/1965 au 16/03/1967

Apy

-20/03/1967 au 01/10/1968

-02/10/1968 au 17/01/1969

Hoffmann, Le Bihen Peinture (St Nazaire)

-20/01/1969 au 20/05/1972

Sotramarin (La Baule)

-24/05/1972 au 07/05/1980

Chantiers de l’Atlantique (St Nazaire)

Accident de travail :01/03/1974

 

Déclaration : 16/02/1996

Notification : 20/09/1996

10% au 16/02/1996

Certificat médical appuyant la demande d’aggravation :03/12/1996

Notification : 04/11/1997

30% au 03/12/1996

Recours : 08/12/1997 formé contre la décision de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE portant de 10% à 30%, à la date de la demande de révision pour aggravation le taux d’IPP.

Notification duTribunal du contentieux de l’incapacité : 01/03/1998

Le tribunal décide en dernier ressort de surseoir à statuer et de demander l’avis du collège des trois médecins autrement composé.

Pas d’autres informations

Faute inexcusable : 23/02/1999 (recours formé le)

 

M. Baudil a été reconnu avec un taux d’IPP de 10%. Un an après et après une demande d’aggravation, il reçoit un taux d’IPP de 30%. Nous ne savons pas si M. Baudil a été reconnu en deçà de son affection réelle lors de sa première notification ou si son état de santé s’est subitement dégradé (en moins d’un an).

M. Baudil a formé un recours contre la dernière décision de la caisse qui selon lui ne correspond pas au préjudice réel. Nous sommes sans nouvelle du résultat du TCI.

Remarque 1 : M. Baudil a eu un accident du travail en 1974. Les professions exposées à l’amiante exposaient également à des risques d’accidents corporels. Certains dossiers consultés à la FNATH, les personnes ont été reconnues en invalidité à la fois pour maladie professionnelle et accident du travail.

Remarque 2 : M. Baudil a eu au moins neuf employeurs.

Remarque 3 : le médecin traitant signale que M. Baudil a besoin d’un suivi médical régulier. Il faut savoir qu’actuellement, seules les personnes ayant été exposées mais non reconnues en MP ont droit au suivi médical post-professionnel. Cela représente une lacune importante des dispositions légales sur le suivi post-professionnel.

I.3.b. Sous-estimation du préjudice subi et non-respect du barème de 1989.

Le cas de messieurs Galot, Fournier, Bruno, Derbaud, Grelot, Dalloz, Topa.

Nous avons constaté que le barème restait le plus souvent peu appliqué. Le plus fréquent est l’attribution de taux de 0 à 5% pour atteintes pleurales sans prise en compte du retentissement fonctionnel de ces pathologies et des effets éventuels sur la vie personnelle et professionnelle des malades.

Pour les personnes souffrant de ces atteintes, les préjudices subis sont sous-estimés et ceci peut être confirmé en se référant aux critères du barème.

 

GALOT Jean-Pierre, né le 02/02/1932 le décédé le 01/10/1995

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Médecin spécialiste des bronches et des poumons : le 20/12/1977

(correspondant avec le médecin du travail).

M. Galot fait depuis une quinzaine d’années des accès de rhinite spasmodique apériodique. Depuis plusieurs années, accès de toux sèche. Il signale avoir depuis deux ans des épisodes bronchiques de courte durée.

En scopie télévisée, petites calcifications qui ne paraissent ni pleurales, ni parenchymateuses, ces calcifications pouvant correspondre à un début de calcification des cartilages chondro-costaux.

CMI : présente une suspicion de maladie professionnelle asbestosique sans symptomatologie fonctionnelle respiratoire. On a observé sur les radios pulmonaires : A droite : une petite opacité au niveau de l’arc antérieur de la 4è côte, en oblique antérieur droit au niveau de la ligne postérieure. L’épaississement pleural pouvant correspondre à une plaque fibro-hyaline.

A gauche : deux calcifications de la plèvre diaphragmatique visible de face, et en oblique antérieur gauche, on observe un épaississement de la plèvre, de densité non homogène avec certaines zones calcifiées.

Expert : 06/05/1985

L’auscultation pulmonaire est normale.

Radiographies pulmonaires : sur le cliché de face on note à droite des opacités pleurales, se projetant dans la région axillaire moyenne, à gauche un net épaississement pleural de la région axillaire moyenne. Il n’y a pas d’anomalie diaphragmatique ni parenchymateuse. La silhouette cardiaque est normale. Sur les radiographies prises en oblique à 45°, on retrouve nettement un épaississement pleural axillaire bilatéral. L’aspect de ces épaississements, leur caractère bilatéral, sont caractéristiques d’une asbestose pleurale.

La fonction respiratoire est tout à fait normale.

Certificat médical du médecin traitant : 30/07/1988 M. . Galot continue à inhaler des poussières d’amiante. Il présente depuis 1985 une aggravation de son état avec toux quotidienne, expectoration grisâtre fréquente et abondante, gêne respiratoire et difficultés à chanter dans sa chorale. A la radio faite le 15/07/1988, on peut noter une concentration des opacités pleurales de la région moyenne gauche et au niveau des coupoles diaphragmatiques. La spirographie montre une petite diminution de la capacité vitale. M. . Galot ne devrait donc plus travailler dans un milieu pollué par l’amiante. A valoir ce que de droit.

Expert 01/10/1988

Toux d’irritation, une expectoration muqueuse de plus en plus nette. Il aurait des difficultés à chanter, avec une sensation d’irritation laryngée sans dyspnée nette. (il dit qu’au cours de son travail, les poussières, les vapeurs d’essence, constituent un irritant).

L’auscultation thoracique perçoit quelques rares râles sous-crépitants.

Radiographie thoracique de face : il existe des opacités pleurales axillaires moyennes bilatérales, sans modification sensible par rapport à l’aspect de 1985.

Pas de perturbation fonctionnelle respiratoire significative.(0%).

Médecin 11/01/1989

Conseille une contre-expertise

Certificat médical du médecin

traitant (généraliste) :25/01/1989

Il est souhaitable que M. . Galot ne reste pas exposé aux poussières d’amiante. A valoir ce que de droit.

Certificat médical du médecin traitant (généraliste) : 21/08/1995

Aggravation. A valoir ce que de droit.

Certificat médical du médecin traitant (pneumo-phtisiologue) : 28/08/1995

M. . Galot présente une complication caractérisée de la MP 30 pour laquelle il est reconnu, justifiant une aggravation avec réévaluation des indemnités.

Certificat médical du médecin traitant (pneumo-phtisiologue) :

23/11/1995

M. . Galot est décédé des suites d’un mésothéliome pleural, confirmé histologiquement, complication d’une asbestose reconnue.

Collège des 3 médecins : 27/04/1996

Le collège constate que ce patient qui était reconnu comme atteint d’un MP n°30, a présenté de surcroît en 1995 un mésothéliome pleural malin confirmé histologiquement (compte-rendu anatomopathologique du 02/08/1995 (100%)

Le décès est imputable à la maladie professionnelle.

 

Expert :

M. . Galot a eu une exposition professionnelle à l’amiante indiscutable de 1974 à 1982. Cependant le temps de latence, ie le délai entre l’apparition des signes radiologiques et le début de l’exposition à l’amiante apparaît ici extrêmement court, tout à fait inhabituel. Le temps de latence dans les asbestoses pleurales, est habituellement de l’ordre de 20 ans. On peut se demander si M. . Galot n’a pas été exposé aux poussières d’amiante, pendant les années 1947 à 1950, lorsqu’il était apprenti-mécanicien automobile.

Epouse :

Exposition de 1974 à 1989

Certificat de travail

Provost-Fillaud

Atelier de réparation des pièces de frein et d’embrayage : 14/12/1982

A plusieurs reprises, il avait demandé à changer de poste de travail mais sans résultats (certificats 30/07/1988 et 23/01/1989).

CMI : 18/11/1982

Déclaration : 18/11/1982

Lettre de réserve : 01/12/1982

Rapport d’enquête : 04/02/1983

Rapport d’expertise : 06/05/1985

Reconnaissant la MP, asbestose pleurale mais sans indemnité.

Reconnaissance : 10/06/1985

Certificat médical 30/07/1988 demandant un nouvel examen.

Notification de décision relative au rejet d’une demande de révision :

14/12/1988.

Le taux de 0% demeure fixé au 31/10/1988

Lettre de réserve (relative à la reconnaissance d’une relation de cause à effet entre le décès et l’asbestose professionnelle) :

17/11/1995

Collège des 3 médecins :27/04/1996

(100%).

Le décès est imputable à la maladie professionnelle.

Rapport médical de révision de rente d’incapacité permanente : 03/06/1996 (100%).

 

 

Nous avons affaire à un autre cas de reconnaissance à taux 0, reconnaissance qui a été précédée d’une contestation préalable de la caisse. Les délais de traitement de ce dossier sont extrêmement importants. Il aura fallu environ deux ans et demi pour que M. Galot se voit reconnu. Sa demande de révision a vu le taux d’IPP de 0% confirmé (plus de six ans après la déclaration de MP).

Pourtant, il présente un épaississement pleural et des difficultés respiratoires qui demeurent ignorés par les experts.

Atteint d’un mésothéliome, M. Galot présente des radios pulmonaires évoquant une " MP asbestosique ". Quant à la première expertise, elle signale des opacités et épaississements pleuraux. M. Galot est décédé le 01/10/1995. Sa veuve a reçu une lettre de réserve concernant la reconnaissance d’une relation de cause à effet entre le décès et l’asbestose professionnelle. M. Galot est passé d’un taux d’IPP de 0% à un taux de 100%, quatorze ans après sa déclaration en MP. Il aura fallu son décès pour que la caisse le considère atteint d’une MP nécessitant une réparation.

En 1982 (cf. tableau 2 en annexe), le médecin du travail rédigeait le CMI, en évoquant une " suspicion d’asbestose pleurale " alors sans symptôme fonctionnel respiratoire, ce qui sera confirmé par l’expertise médicale effectuée en 1985.

A l’occasion du premier certificat d’aggravation apparaissent des dissonances entre les différents médecins amenés à évaluer l’état clinique et radiologique de M. Galot. En juillet 1988, le médecin traitant consigne dans un certificat d’aggravation l’évolution symptomatologique de M. Galot. Sur le plan clinique il évoque en particulier " l’apparition d’une toux quotidienne, des expectorations grisâtres fréquentes et abondantes ", " une gêne respiratoire (dyspnée) ", et en mentionne également le retentissement dans la vie courante de la victime en signalant des " difficultés à chanter dans sa chorale habituelle ". Sur le plan radiologique, le médecin note l’évolution du cliché thoracique avec " accentuation des opacités ", et relève la diminution de la capacité vitale aux EFR (88% en 1988 contre 100% en 1985, les chiffres restant cependant toujours dans les limites des normes usuellement admises). Il précise enfin, qu’au regard de son atteinte pleurale, M. Galot " ne devrait plus travailler en zone amiantée ".

Le pneumologue appelé à évaluer l’aggravation en octobre de la même année, modulera très nettement le constat du médecin traitant. La toux quotidienne avec expectorations mentionnée par le médecin traitant deviendra une " toux d’irritation ", les " expectorations muqueuses nettes " seront cependant mentionnées, distinctes de la toux. Il ne verra " pas de dyspnée nette " mais " une irritation laryngée ". Il notera l’absence " de modifications de l’aspect radiologique ", à l’encontre des constatations effectuées par le médecin traitant. Sur le plan des explorations fonctionnelles respiratoires, il ne tiendra pas compte de l’évolution des chiffres de la capacité vitale, il est vrai toujours dans les limites de la normale, et résumera les résultats des EFR en notant l’absence de " perturbations significatives ". Pour finir, il attribuera un taux d’IPP de 0%.

La CPAM validera administrativement les résultats de l’expertise, l’examen du médecin traitant ainsi que ses conclusions n’ont donc joué aucun rôle dans le processus de reconnaissance en aggravation.

Cet adhérent avait à plusieurs reprises demandé à changer de poste, demande appuyée de certificats circonstanciés du médecin traitant en 1988 et 1989, mais il n’a pas obtenu satisfaction et est resté exposé à l’amiante après sa reconnaissance en MP. Cela met à jour un problème au niveau de la médecine du travail. Nous faisons l’hypothèse que celle-ci n’a pas bénéficié de suffisamment d’indépendance par rapport à l’employeur pour jouer son rôle en terme d’alarme et de prévention.

FOURNIER Henri né le 01/05/1916, décédé le 04/04/1999

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Collège des trois médecins : 01/12/1990

Existence de plaques pleurales diaphragmatiques typiques droites et gauches, des calcifications de la plèvre costale pleuro péricardique et une opacité pleurale en kyste de la base gauche accompagnée d’une image parenchymateuse en regard compatible avec une atélectasie par enroulement . Il existe un syndrome restrictif peu important. IPP 40%

MAP : 19/12/1991

M. Fournier ne présente pas depuis décembre 1990, d’aggravation clinique, radiologique et fonctionnelle significative. Taux maintenu à 40%.

Des paramètres non négligeables doivent être pris en considération dans l’appréciation de ce dossier : l’excès pondéral et l’état cardio-circulatoire, ce dernier au plan radiologique au moins s’étant dégradé en un an et justifiant un nouvel avis spécialisé.

MAP : 25/06/1998

M. Fournier présente une aggravation clinique (dyspnée de grade 4), radiologique (discret épanchement bilatéral, mais sans doute secondaire à son insuffisance cardiaque gauche) et fonctionnel respiratoire (diminution de la capacité vitale, discrète diminution de la capacité pulmonaire totale). IPP 50%

 

Rapport médical révision IPP : 23/07/1998

Asbestose pleurale nettement caractérisée. IPP=50%

 

Pas de données.

CMI : 26/02/1990

Déclaration : 13/04/1990

Collège des 3 M : 01/12/1990

Rapport médico administratif d’IP :

09/01/1991

Notification : 31/07/1991

40% au 26/02/1990

MAP : 19/12/1991

Pas d’aggravation. Le taux doit être maintenu à 40%

Demande de révision en aggravation par certificat du 27/03/1998

Rapport médical révision IPP : 23/07/1998 (50%)

Notification : 02/09/1998

50% au 27/03/1998

Ici, la procédure semble s’être déroulée dans des conditions normales. Pourtant en regardant de plus près les éléments du dossier médical, nous avons constaté la non-application du barème de 1989 relatif à l’attribution du taux d’IPP. Dans le dossier de M. Fournier, nous avons trouvé l’analyse d’un médecin de L’ANDEVA. Nous avons décidé de restituer ci-dessous sa réflexion :

la Capacité Pulmonaire Totale est de 51% de la valeur théorique, ce qui correspond à la limite inférieure de l’insuffisance respiratoire chronique moyenne (IPP 40 à 67%). La capacité vitale est de 36,4% de la théorique, le VEMS à 49% et le rapport de Tiffeneau est conservé. L’expert conclut lui-même à l’absence d’atteinte obstructive : la chute de VEMS est attribuable à la diminution des volumes. Selon le barème, les valeurs d’altération respiratoire relevées aux épreuves fonctionnelles respiratoires correspondent à une insuffisance respiratoire chronique grave. L’IPP aurait donc dû être évaluée à 67%.

Ce dossier qui en apparence n’illustre aucun dysfonctionnement grave de la prise en charge des MP relève, toutefois, dans son traitement de la logique restrictive à l’œuvre de façon quasi générale dans les procédures étudiées.

BRUNO Michel né le 05/12/1947

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Radio : 16/01/1995

Scanner : 09/02/1995

Plaques pleurales au niveau de la plèvre costale antéro-supérieure des deux côtés, ainsi qu’au niveau des diaphragmes. Il existe de plus, au niveau des deux gouttières paravertébrales, des épaississements pleuraux beaucoup plus étendus, avec des images de bandes parenchymateuses et d’atélectasie par enroulement signant l’existence d’une fibrose de la plèvre viscérale entourant le poumon.

Fibroscopie bronchique : 02/1995

Bacilles pyocyaniques dans les sécrétions bronchiques.

Echographie rénale : 13/06/1997

épanchement pleural droit. (vu dans le bas du poumon droit)

Médecin conseil : le 06/06/1995

Plaques pleurales bilatérales. Retentissement discret sur la fonction respiratoire (5%).

Discret syndrome restrictif CV 77% partiellement en rapport avec la MP n°30.

Expert : 06/04/1999

MP n°30 sous forme de lésions pleurales bénignes.

Scanner : 23/08/1999

Exploration dite comparable à celle de 1995. Recul de la responsable en radiologie. (peur des inspecteurs)

 

Adhérent : 20/07/1966 à 1999 (en instance de licenciement, liquidation judiciaire de l’entreprise).

Entreprise Chouteau

Tuyauteur dans les navires en réparations et en constructions.

Protection à base d’amiante, calorifugeurs à proximité. Utilisation de la toile d’amiante pour protéger les appareils divers.

Plafond du vestiaire construit en 1977, à base d’amiante.

A travaillé de 1968 à 1977 aux chantiers de l’Atlantique puis aux chantiers Dubigeon-Normandie, mais l’amiante a été interdite dans ce dernier chantier en 1975. De septembre 1978 à décembre 1979 à la DCN de Lorient comme sous-traitant. Il y a démonté des tuyauteries ayant été enrobées d’amiante 20 ans auparavant. (protection du type " nez de cochon "). A partir de 1979, retour chez Chouteau et n’a plus eu de contact avec l’amiante. Il effectue actuellement du soudage par points avec une pince à souder.

CMI : 24/01/1995

Déclaration : 12/02/1995

Expert : 10/05/1995

Médecin conseil : 06/06/1995

Rapport médical AIP : 03/07/1995

Notification Caisse Primaire d'Assurance Maladie : 20/12/1995

5% au 24/01/1995

Expertise révision : 10/09/1998

Notification Caisse Primaire d’Assurance Maladie : 19/01/1999

5% au 10/09/1998

Demande d’aggravation : 21/06/1999

A demandé un certificat en aggravation . A la demande du juge d’instruction, a passé une expertise à Clichy avec le Pr. Pariente.

Dans son rapport, celui-ci dit que depuis 1995, il aurait dû avoir un taux de15% alors que l’expert de la caisse lui a donné 5%.

M. Bruno a reçu sa première notification 10 mois et 8 jours après sa déclaration. Il a été reconnu au taux de 5% alors que le compte-rendu de scanner signale chez la victime " des épaississements pleuraux, des images de bandes parenchymateuses et d’atélectasie par enroulement signant l’existence d’une fibrose viscérale entourant le poumon ". La deuxième notification faisant suite à la révision confirme le taux d’IPP de 5%.

La victime a fait une demande en aggravation. Un expert indépendant consulté signale que M. Bruno aurait dû, au regard du barème, bénéficier d’un taux d’au moins 15%, en outre les atteintes parenchymateuses ont ici été classées du côté des lésions pleurales et non de l’asbestose qui, elle, ouvre droit à la cessation anticipée d’activité.

DERBAUD René né le 23 novembre 1938

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Médecin du travail :04/03/1994

Radio montrant peut-être une petite anomalie à type d’épaississements pleuraux, apparemment sans aucun signe de gravité.

Radiologue : 16/03/1994

Radiographie de thorax de face. Il n’y a pas d’opacité pleuro-parenchymateuse d’aspect évolutif. Il n’apparaît aucune image d’épaississement pleural ni calcification pouvant être éventuellement rapportée à des lésions d’asbestose.

Radiologue :03/05/1995

Epaississement pleural axillaire droit stable par rapport au cliché du 16/03/1994 ; petites opacités para-hilaires gauches.

Déclaration : 28/09/1995

Calcification pleurale évoquant une asbestose non compliquée.

Pneumologue : 16/09/1995

Toux matinale. La radio de thorax montre des épaississements pleuraux et une calcification diaphragmatique, une petite image lobaire supérieure gauche para-hilaire.

Mise en évidence d’une opacité hilaire gauche.

Examen tomodensitométrique poumons-médiastin : 19/09/1995

Epaississement pariétal antérieur gauche.

Expertise médicale :28/02/1996

Examen clinique : Pas de toux. Il signale une expectoration épisodique et se plaint de vagues douleurs thoraciques antérieures. Pas de dyspnée d’effort. Par contre, le patient signale quelques épisodes de dyspnée paroxystiques au cours desquels il perçoit des sifflements, ce qui est évocateur d’un asthme éventuel.

Exploration radiologique : épaississements pleuraux axillaires bilatéraux associés à des irrégularités des coupoles diaphragmatiques au niveau desquelles il existe des ébauches de calcification

Exploration fonctionnelle : syndrome obstructif modéré en rapport avec l’asthme du patient. Par contre, il n’y a pas d’atteinte restrictive , la capacité pulmonaire étant à 90% de la valeur théorique standard.

Médecin conseil : 29/03/1996

Lésions pleurales bénignes à type d’épaississements pleuraux en partie calcifiés associés à des irrégularités des coupoles diaphragmatiques.

Pneumologue : 11/03/1996

Lésions asbestosiques stables. S’y associent quelques petits symptômes bronchiques avec une toux matinale, avec une petite diminution du VEMS et des petites voies aériennes, élévation des résistances.

Pneumologue :15/02/1997

Normalisation de la capacité vitale et du VEMS. On retrouve une petite obstruction des voies aériennes à 65% avec une élévation des résistances.

Du 19/11/1956 au 15/02/1968

Entreprise Wanner

Isotherme

Nantaise Maritime

Nouvelle Isolation

En Métallurgie Ets Sambron du 15/02/1968 au 31/12/1987

En intérim à E.N.M pour SITAF (puis embauché à SITAF) du 01/06/1988 au 23/10/1995. Licencié pour fermeture de l’entreprise. Puis repris toujours en intérim pour IPS, pour l’entreprise Prézioso du 01/11/1995 au 23/08/1996.

A travaillé comme tôlier-calorifugeur-monteur pour faire de l’isolation industrielle.

A travaillé sur les paquebots pour les Chantiers de L’Atlantique avec ces entreprises sous-traitantes

 

 

 

 

 

Service médical GIMT :10/04./1995

Tôlier-calorifugeur. Apte

Cessation de toute activité professionnelle : 23/08/1996

CMI :22/09/1995

Déclaration : 28/09/1995

Médecin conseil : 29/03/1996

Reconnaissance : 10/04/1996

Notification CPAM :03/05/1996

2% au 22/09/1995

Action en faute inexcusable

Sur le plan médical on peut relever que M. Derbaud (Cf. Tableau n°3 en annexe) n’a jamais fumé et n’a jamais eu de problèmes respiratoires auparavant. Il n’a en particulier jamais été mentionné aucune notion d’asthme dans ses antécédents. Cet élément se révèle être d’importance à l’occasion de l’expertise menée en 1996 à la suite de la demande de reconnaissance en maladie professionnelle faite en 1995. En effet au cours de cette expertise, le pneumologue évoque des épisodes de " dyspnée paroxystique avec sifflement évoquant un asthme éventuel non traité ". L’asthme n’est alors évoqué que sous l’angle probabiliste. Il deviendra cependant certitude pour l’expert lors du commentaire des EFR qui mentionne " un syndrome obstructif modéré sur la courbe débit volume en rapport avec l’asthme du patient ", asthme dont on rappelle encore qu’il n’a jamais existé dans les antécédents du patient. L’expert semble ignorer par ailleurs l’existence du syndrome obstructif modéré dans les cas d’asbestose débutante, expliqué par la destruction du parenchyme pulmonaire directement sous-pleural. D’autres cas similaires ont été mentionnés au sein de l’échantillon étudié.

M. Derbaud a lui aussi reçu une lettre de réserve. Il a ensuite été reconnu avec un taux de 2%.

Ce taux n’est pas en rapport avec les atteintes fonctionnelles respiratoires ressenties par M. D, le premier bilan faisant état d’une atteinte fonctionnelle obstructive chez un non-fumeur.

- Le syndrome obstructif est attribué un peu rapidement à de l’asthme dont on a aucune preuve dans ce dossier et qui n’existait pas auparavant.

- Le scanner n’a pas été pratiqué selon la technique recommandée par la conférence de consensus de 1999 (coupes de 5 à 10mm, injection de produit de contraste) et l’interprétation ne donne aucun élément concernant d’éventuelles lésions de fibrose parenchymateuse.

Il faudrait demander au pneumologue de déterminer si oui ou non il existe un asthme. Si celui-ci n’est pas authentifié, M. Derbaud devrait voir son syndrome obstructif attribué à l’asbestose et son taux d’IPP devrait être fixé en conséquence.

GRELOT Marcel né le 29/01/1920

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

MAP : 28/05/1990

Signes radiologiques d’asbestose pleurale nettement caractérisée. Aucun retentissement sur la fonction respiratoire. Non indemnisable et sans complication.

Radiographies thoraciques :

De face, à droite, épaississement pleural axillaire, de nombreuses calcifications pleurales se projetant sur le champ pulmonaire dans la région moyenne, de nettes calcifications diaphragmatiques.

A gauche, minime épaississement pleural axillaire, discrètes calcifications linéaires diaphragmatiques. Sur la radiographie de profil gauche, on retrouve nettement des calcifications pleurales rétro-sternales, ainsi que des calcifications des coupoles diaphragmatiques particulièrement nettes à droite.

Collège des trois médecins : 19/06/1991

asbestose pleurale nettement caractérisée, mais actuellement non indemnisable et sans complication.

Pneumologue : 18/03/1997

Calcifications pleurales caractéristiques de lésions liées à l’inhalation de poussières d’amiante. Les images radiologiques sont stables. Les explorations fonctionnelles respiratoires, supérieures à la normale en 1990 montre actuellement un léger syndrome restrictif .

Collège des 3 médecins : de 1952 à 1980

Expert : de 1933 à 1980 de façon plus ou moins continue, et avec une particulière intensité à certaines périodes.

De février 1933 à mai 1940, il a eu une activité de chaudronnier, aux chantiers de France –Dunkerque.

Exposition intense : travail d’isolation d’habillage de chaudières de bateaux, par des matelas et des plaques d’amiante.

De juin 1941 à mai 1945, il a travaillé aux Chantiers de l’Atlantique de St Nazaire, sans contact direct avec l’amiante, mais travaillant dans un environnement où il pouvait y avoir des poussières d’amiante.

De juin 1946 à juillet 1954, il a travaillé aux Ateliers Chantiers de Bretagne de Nantes. Pendant cette période l’exposition aux poussières d’amiante, a été particulièrement intense, puisqu’il effectuait des travaux de réparation de chaudières de navire après la guerre, ayant à enlever des calorifugeages et à en reposer d’autres.

De 1952 à 1980, l’exposition aux risques a été très épisodique, et ponctuelle à l’occasion de travaux sur des chaudières.

 

CMI : 29/11/1988

Déclaration : 16/12/1988

Reconnaissance : 07/09/1990

Collège des trois médecins : 19/06/1991 (0%)

Rapport médico-administratif d’IPP : 12/09/1990 (0%)

Contestation : 05/12/1990

Aggravation : 08/06/1993

Notification : 23/07/1993

3% au 08/06/1993

Rapport médical de révision IP : 17/06/1993 (3%)

M. Grelot a attendu presque 21 mois pour être reconnu en MP, reconnaissance toute symbolique car sa maladie a été jugée non indemnisable. Il semblerait que pour certains experts une asbestose pleurale nettement caractérisée ne pouvait être jugée indemnisable s’ils ne décelaient pas de retentissement sur la fonction respiratoire. A l’occasion de l’expertise menée en 1991 suite à la contestation du taux d’IPP, 19 ans d’exposition n’ont pas été pris en compte. Cette minimisation de la durée d’exposition ne porte pas à conséquence dans le cas de M. Grelot, puisque celui-ci même sans ces 19 années totalisait 28 années de travail en zone amiantée. Cependant elle illustre la logique dans laquelle se placent les experts, logique d’évaluation restrictive des faits tant sur l’exposition que sur la pathologie

Depuis 1989, le barème ne prévoit pas de taux 0. Il s’agit là d’une pratique qui s’est imposée sans qu’aucun texte ne la justifie.

Notons que cette logique a été acceptée non seulement par la caisse primaire mais aussi par le CRRMP qui a confirmé ce taux après contestation de la victime.

M. Grelot a dû attendre le 23/07/1993 après une demande en aggravation pour obtenir une indemnisation sur la base d’un taux de 3% soit quatre ans et sept mois après sa déclaration en MP. Ce taux supérieur à 0 proposé par l’expertise semble justifié par un " discret " retentissement sur la capacité respiratoire et une amputation modérée de la capacité vitale.

Rappelons que le barème indicatif d’invalidité du 8 juin 1989 prévoit de 1 à 5% pour des plaques pleurales sans atteinte fonctionnelle.

Notons enfin que les explorations fonctionnelles étaient supérieures à la normale dès 1990 date de la toute première expertise. Il faut rappeler que l’épidémiologie met constamment en évidence le " healthy worker effect ", c’est-à-dire le meilleur état de santé de travailleurs, du fait des logiques de sélection par la santé en vigueur dans les politiques d’embauche des entreprises. Ceci conduit à s’interroger sur les " normes " utilisées dans l’évaluation du retentissement respiratoire des atteintes liées à l’amiante. N’y aurait-il pas lieu de faire porter cette évaluation avant tout sur l’évolution plus que sur la comparaison aux normes ? En 1997, M. Grelot aura un léger syndrome restrictif.

Remarque :

Le rapport d’expertise retrace la carrière professionnelle de M. Grelot avec une évaluation détaillée de l’intensité de l’exposition. Or il apparaît dans les textes que les médecins des caisses n’ont pas à tenir compte de ces données, ni quantitativement ni qualitativement.

En effet la mission du MAP et du collège des 3 médecins consiste, après avoir examiné la victime et les radiographies et autres éléments médicaux utiles à caractériser la maladie et voir si elle est compatible avec le tableau des MP. Ils n’ont pas de prérogative en matière d’enquête sur les expositions professionnelles.

DALLOZ Hubert né le 15/04/1935. Retraite invalidité depuis le 01/05/1995

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Collège des 3 médecins : 18/03/1989

D’après les épreuves fonctionnelles respiratoires pratiquées le 07/03/1989

Signes radiologiques d’une asbestose nettement caractérisée.

Absence de trouble fonctionnel.

Médecin-conseil : 28/11/1989

Signes radiologiques d’une asbestose nettement caractérisée, mais absence de troubles fonctionnels.

Médecin-conseil : 25/02/1994

Asbestose caractérisée. Aggravation de l’état respiratoire dont une petite part est susceptible de revenir à l’asbestose.

Pneumo-phtisiologue agréé :

22/02/1994

Ne présente pas de signe d’aggravation radiologique spécifique, la dégradation fonctionnelle respiratoire ne pouvant être directement imputable à l’asbestose. Le taux d’IPP doit être fixé à 2%.

Rapport MAP : 09/08/1994

Aucune aggravation des signes radiologiques d’atteinte pleurale, ni aucune amputation des volumes pulmonaires.

Rapport collège des 3 M :18/03/1989

Période d’exposition au risque

-de 1957 à 1975

Adhérent :

-de 1952 à 1956

Raffinerie 44

Entretien des machines à charbon. Calorifuge amiante.

-de 1957 à 1975

Vallée 44

Monteur-soudeur à l’arc

Couvertures fibro-ciment. Soudure avec gants et veste amiante sur les chantiers navals de St Nazaire dans les gaines de passage de cables.

-du 06/1975 au 02/1976

Centrale 44

Nettoyage chaudières. Montage de tuyauterie.

Certificat de travail et témoignages de collègues dans le dossier.

 

CMI : 19/02/1987

Déclaration : 19/02/1987

Collège des 3 médecins :

18/03/1989 (non indemnisable)

Rapport médico-administratif AIP : 28/11/1989 (0%)

Notification : 04/01/1990

0% au 19/02/1987

Rapport médico-administratif AIP :

25/02/1994 (2%)

Notification : 23/03/1994

2% au 22/02/1994

Recours TASS : 16/04/1994

Contestation de la décision du 24/03/1994.

Notification TASS : 21/10/1994

La commission a décidé qu’il y avait lieu de confirmer le taux d’IPP de 2%.

Demande d’aggravation : en cours

M. Dalloz a attendu presque trois ans pour se voir notifier un taux d’IPP de 0%, taux symbolique pour un préjudice reconnu bien réel puisque le collège des trois médecins comme le médecin conseil affirme que M. Dalloz présente des signes radiologiques d’une asbestose nettement caractérisée. Ce n’est que plus de 7 ans après sa déclaration, qu’il accède à un taux positif de 2% alors qu’il souffre déjà d’une aggravation de son état respiratoire. Or comme nous l’avons vu, selon le barème, les taux <5 ne sont valables que dans les cas d’absence de retentissement de l’affection sur la fonction respiratoire. Le médecin conseil parle " d’une aggravation de l’état respiratoire dont une petite part est susceptible de revenir à l’asbestose ". Rappelons que dans la reconnaissance de MP, la présomption d’imputabilité est déjà soumise à une logique restrictive préalable dans la détermination du tableau. Elle devrait donc, selon la loi, s’appliquer sans restriction dès lors que les termes du tableau ont été adoptés.

Lorsqu’il y a " asbestose nettement caractérisée ", le rôle des experts ou du médecin conseil est-il de découper en tranche l’aggravation de l’état respiratoire pour supputer au final que seule une petite part est susceptible de revenir à l’asbestose ?

TOPA Jérôme né le 06/07/1937

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Médecin du travail : 16/03/1984

(Ateliers Français de l’Ouest )

Pas de contre-indication au travail de l’amiante.

Médecin du travail : 09/08/1988

Apte bords, sauf gros navires et exposition à l’amiante.

Médecin du travail : 09/08/1989

Apte bords sauf gros navires. Pas d’exposition à l’amiante.

Déclaration : 14/08/1988

Asbestose

MAP : 10/01/1989

Radiographie thoracique : net épaississement pleural axillaire bilatéral, grossièrement symétrique. A droite, en dedans de cet épaississement pleural, dans la région axillaire moyenne, il existe des petites opacités témoignant de calcifications pleurales. Les coupoles sont le siège de petites irrégularités qui peuvent témoigner de la présence de discrètes plaques fibro-hyalines. Il n’y a pas d’aspect de fibrose pulmonaire associée. La silhouette cardiaque est discrètement augmenté de volume.

Rapport médical. Révision de rente IPP : 21/07/1997

Lésions pleurales bénignes, à savoir des épaississements pleuraux, des plaques pleurales calcifiées bilatérales pariétales et diaphragmatiques sans aggravation dans le temps et sans retentissement fonctionnel respiratoire. Le taux d’IPP doit être maintenu à 3%.

 

Enquête :

De 1975 à fin 1984, contact avec l’amiante alors qu’il travaillait pour les AFO (réparation de freins de treuils de bateaux).

Les férodos étaient faits avec de l’amiante compressée. Il fallait découper et percer ces bandes, le meulage dégageait de la poussière d’amiante. Il y avait un aspirateur qui n’évacuait pas grand chose. J’utilisais aussi des toiles d’amiante quand il y avait des pièces à recuire, cela arrivait assez souvent. Elles étaient utilisées plusieurs fois et dégageaient de la poussière. Depuis la fin de 1984, je n’ai plus été exposé au risque.

Témoignage d’un collègue.

J’ai travaillé avec M. Topa de 1964 à 1970. Nous faisions des traitements thermiques à la raffinerie deTopa. Nous placions des résistances sur les tuyaux que l’on maintenait avec de la laine de verre entourée de bandage d’amiante. Ces toiles étaient utilisées plusieurs fois, elles se consumaient en faisant de la poussière que l’on respirait.

MAP : mêmes éléments

Certificats de travail.

-du 17/08/1955 au 14/09/1955

Chantier Penhoët

Montage Bords

Ajusteur

-du 31/01/1956 au 11/07/1956

Chantiers de l’Atlantique

Montage Bords

Ajusteur

-du 07/11/1960 au 03/07/1964

Tôlerie de St-Nazaire

Ouvrier professionnel

Ajusteur

-du 04/07/1964 au 11/10/1971

Friedlander

Tuyauteur

-du 22/05/1957 au 20/12/1959

-du 28/02/1972 au 06/09/1993

Arno St Nazaire

Mécanicien-ajusteur

 

CMI : 08/08/1988

Déclaration : 14/08/1988

Enquête administrative : 18/11/1988

Notification : 25/03/1992

3% au 07/06/1991

Notification: 02/02/1998

3% au 11/04/1997

Recours TASS : 06/03/1999

Faute inexcusable : 26/02/1999

M. Topa a attendu trois ans et demi avant d’obtenir une indemnisation sur la base d’un taux d’IPP de 3%.

Après demande de révision en aggravation, ce taux est maintenu. D’après le certificat du pneumologue, M. Topa se plaint de ses problèmes fonctionnels avec mauvaise tolérance à l’effort et hypersudation au moindre effort. Le taux d’IPP ne tient pas compte de l’aggravation de l’état de santé ressenti par la victime et mis en évidence par une épreuve d’effort faite chez le pneumologue. Les médecins de la caisse se sont arrêtés aux éléments de base. En effet l’examen fonctionnel au repos est strictement normal en référence aux valeurs théoriques. Hors il pourrait y avoir altération par rapport aux valeurs antérieures, ce que suggèrent d’ailleurs les problèmes fonctionnels de ce patient. Il n’y a pas eu exploration d’autres éléments objectivant la perte de capacité et qui auraient pu entraîner une meilleure réparation.

Dans tous les cas présentés dans le point I.3.b., aucune référence explicite n’est faite au barème de la part des experts, les pratiques de ces derniers tendent à minorer les symptômes ressentis par les malades et le plus souvent médicalement attestés par les médecins traitants.

I.3.c. Problèmes concernant la date de départ de l’attribution du taux d’IPP

Le cas de Monsieur Tour

TOUR René né le 28/10/1921.

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Expertise : 12/12/1995

M. Tour est bien atteint d’une MP n°30 se manifestant sous la forme de lésions pleurales bénignes, à savoir plaques pleurales plus ou moins calcifiées bilatérales, et une pleurésie exsudative droite. Il y a de plus altération de la fonction respiratoire.

Rapport médical d’attribution d’incapacité permanente :30/01/1996 (20%)

Scanner et I. R. M de l’Atlantique :

13/05/1996

L’examen met en évidence :

-un petit épanchement pleural enkysté de la base pulmonaire droite de siège postérieur.

-une plèvre qui est épaissie de chaque côté. Ces épaississements sont plus importants du côté droit, avec simplement quelques calcifications visibles notamment au niveau de la base droite. Ces épaississements atteignent cependant pratiquement 1 cm.

Mise en évidence d’une petite image hypodense de l’isthme de la thyroïde à préciser par un examen échographique.

Témoignage :11/09/1996

" j’ai toujours eu une bonne santé et été très actif. Cependant en février 1995, j’ai eu une toux continuelle pendant un bon mois. Les médecins me disaient que c’était une bronchite, à la fin j’ai demandé à passer la radio qui a découvert sur le poumon droit une plaie de chaque côté de 5 cm sur 2 cm. A la suite, on m’a hospitalisé en clinique à plusieurs reprises avec de nombreux examens, ponctions, tubages, fibroscopie…

J’ai toujours eu une hygiène de vie, sans alcool, sans tabac. Par contre depuis, je manque de souffle. Si je m’accroupis, il me faut un sérieux appui pour me redresser. J’éprouve une grande difficulté pour lacer mes chaussures. Concernant cette maladie professionnelle, je n’ai aucun soins particuliers. Le docteur m’a signalé que je risquais d’avoir le mésothéliome. Je m’efforce de faire de la marche. Ma possibilité est uniquement sur le plat doucement avec de nombreux arrêts. Ce matin, ayant une petite défaillance cardiaque, j'’ai passé une échographie.

Mon docteur pneumologue a fait un certificat vu mon état s’aggravant pour une revalorisation.

Je vous demanderai s’il y a quelque chose à faire pour enrayer cette maladie. "

M. T.

 

Adhérent :

Usine de pétrole à Donges puis dans une raffinerie près de Rennes.

Opérateur polyvalent

Déclaration : 20/03/1995

Rapport médical d’attribution d’incapacité permanente : 30/01/1996 (20%)

Demande de révision en aggravation  par certificat du 24/05/1996.

Accusé de réception de la contestation : 03/06/1996 (réclamation transmise au secrétariat du Tribunal du contentieux de l’incapacité).

Notification : 19/03/1997

20% au 04/02/1997

Action engagée en faute inexcusable : 22/05/1997

Procès –verbal de non-conciliation :16/05/1997

Le point de départ du taux d’incapacité est fixé au 4 février 1997. Or la demande de révision en aggravation a été effectuée avec un certificat médical daté du 24 mai 1996. Le point de départ retenu pour son taux d’incapacité aurait dû être celui porté sur ce certificat médical. Nous ne disposons pas des EFR et ne pouvons par conséquent juger du bien-fondé du taux d’IPP attribué. Le certificat en aggravation du pneumologue n’a pas permis à M. Tour d’obtenir une revalorisation de ses indemnités. Autrement dit l’aggravation constatée par ce dernier n’a pas été reconnue par la caisse.

I.4. Taux d’IPP fixé sur la base d’épreuves d’explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) réalisées dans de mauvaises conditions

Le cas de Mr. Della.

DELLA Claude né le 05/07/1939, retraité le 05/07/1999

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Expertise : 29/05/1992

Dyspnée stade 2.

Tension artérielle élevée : 20/10

Documents radiographiques :

Sur les clichés en notre possession, nous retrouvons des épaississements axillaires bilatéraux, ainsi que des calcifications diaphragmatiques indiscutables caractéristiques des épaississements et des calcifications liés à l’inhalation de poussières d’amiante.

Une thorascoscopie avait permis d’affirmer l’existence de plaques hyalines diffuses sans aucun signe de malignité.

Les biopsies pleurales faites sous thorascoscopie permettent d’affirmer l’existence de plaques asbestosiques.

Remarque à propos des épreuves fonctionnelles respiratoires : l’étude pléthysmographique et l’étude de la diffusion n’ont pas été possible du fait d’une absence de coopération totale.

Les épreuves fonctionnelles respiratoires n’ont pas été réalisées dans des conditions optimales, et d’autre part, ces épreuves fonctionnelles doivent tenir compte de la surcharge pondérale (17 kg).

Lors d’une hospitalisation, taux élevé de gamma GT –intoxication exogène.

Taux d’IPP doit être fixé à 15% du fait de l’altération des épreuves fonctionnelles respiratoires.

 

Adhérent :

30/01/1961-1976

SOFRADI

Calorifugeur

Pose matelats d’amiante

Expert :

M. Della a été exposé à l’amiante plus particulièrement lorsque M. Della travaillait en qualité de monteur thermique isolation sur une période allant de 1961 à 1988. Durant cette période, il a travaillé pour les Chantiers Navals.

L’exposition à l’amiante est formelle.

Depuis 1988, M. Della a quitté l’entreprise SOFRADI à la suite d’un licenciement économique.

CMI : 11/10/1991

Déclaration : 10/10/1991

Expert : 29./05/1992

Notification relative à une incapacité permanente : 23/09/1992

15% au 11/10/1991.

Notification : 24/08/1994

30% au 06/07/1994

Dans ce dossier le délai séparant la déclaration de la notification relative à l’incapacité permanente est de 11 mois et 13 jours.

Le passage devant l’expert semble avoir été problématique. L’expert parle d’absence de coopération totale et d’épreuves fonctionnelles respiratoires qui n’ont pas pu être réalisées.

La relation médecin-malade est ici entachée d’un sentiment d’appartenir à deux camps et non pas à un même front contre la maladie.

L’expert dans son rapport met en évidence une surcharge pondérale et une intoxication exogène à l’amiante, jetant de nouveau le doute sur ce qui -dans l’altération respiratoire- relèverait de l’une ou de l’autre et remettant ainsi en cause la présomption d’imputabilité.

I.5. Importance des délais d’instruction

Le cas de messieurs Gautier, Michon, Neel.

Nous avons constaté qu’en dépit d’une réglementation sur les délais dont dispose la caisse pour statuer, des lenteurs et des difficultés d’instruction des dossiers demeurent. Cela constitue un important préjudice pour les victimes notamment dans le cas des pathologies graves comme le mésothéliome et le cancer du poumon.

Selon l’article R441-10 du Code de la Sécurité Sociale, si, dans un délai de 60 jours, la Caisse primaire n’avait pas adressé de réponse à la victime ayant déclaré une MP, celle-ci était reconnue de droit. Tous les dossiers étudiés relèvent de cette législation antérieure au délai d’Avril 1999.

Pour éviter d’avoir à statuer dans le cadre de ce délai, les caisses adressent à la victime ou à ses ayants droit une lettre dite de contestation préalable ou de réserve de principe, indiquant que le caractère professionnel de la pathologie doit faire l’objet d’une enquête.

Cette contestation préalable n’a pas de statut dans la réglementation et permet aux caisses de ne plus être tenues par aucun délai légal ou réglementaire. Ceci signifie des durées de procédure allant de quelques mois à plusieurs années. C’est la raison pour laquelle de très nombreuses victimes, atteintes de cancers professionnels, décèdent avant d’avoir reçu une réponse à leur demande de reconnaissance en maladie professionnelle.

 Remarquons que si les caisses parviennent à déjouer les obligations de la législation et finissent par disposer de délais très importants pour statuer, les victimes ne disposent que d’un délai de deux mois pour contester les décisions de la Sécurité Sociale.

Suite aux demandes expresses de l’ANDEVA, cette pratique a été remise en cause par le décret no 99-323 du 27 avril 1999, instituant un délai de trois mois étendu à six moyennant courrier motivé de la CPAM à la victime. Dans l’enquête, nous avons observé les cas relevant de la pratique dite de contestation préalable.

GAUTIER Henri né le 21/05/1934 et décédé le 09/04/1997

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

CMI : 19/11/1996

Mésothéliome pleural droit prouvé histologiquement. Exposition professionnelle à l’amiante.

Médecin traitant : 10/12/1996

présente un mésothéliome de la plèvre droite. Ce diagnostic a été confirmé histologiquement . M. Gautier va subir très prochainement une pleuro-pneumonectomie droite.

Déclaration : 14/12/1996

Mésothéliome pleural droit.

Compte-rendu opératoire : 18/12/1996 :

Pleuro-pneumonectomie droite élargie au péricarde et au diaphragme pour un mésothéliome pleural uni-latéral droit.

Remplacement péricardique par une plaque de vicryl tissé et remplacement de la coupole diaphragmatique droite par une plaque de vicryl tissé.

Médecin traitant : 27/05/1997

Certifie que M. Gautier est décédé le 09/04/1997 des suites d’une intervention chirurgicale pratiquée le 18/12/1996 pour un mésothéliome pleural diagnostiqué en novembre 1996.

 

Adhérent :

-11/09/1951 au 28/02/1980

Chantiers de l’Atlantique

St Nazaire

CMI :19/11/1996

Déclaration : 14/12/1996

Certificat de décès : 09/04/1997

Notification relative à une incapacité permanente: 04/05/1998

100% au 19/11/1996

Notification relative à une rente d’ayant droit : 03/06/1998

Rente d’ayant droit à partir du 01/05/1997

Action engagée en faute inexcusable de l’employeur.

La déclaration se produit après le diagnostic de mésothéliome le 14/12/1996.

A notre connaissance, la victime n’a donc pas connu de dégradation progressive de son état de santé. La survenue du mésothéliome n’a pas été précédée d’une maladie bénigne liée à l’inhalation de poussières d’amiante. L’exposition à l’amiante est attestée dans les chantiers navals de St Nazaire par les très nombreuses maladies professionnelles reconnues. Pourquoi la caisse a-t-elle eu besoin de quinze mois pour reconnaître la MP de M. Gautier ?

La victime est décédée le 09/04/1997 avant de toucher sa première indemnité. La notification relative à une incapacité permanente (100%) est datée du 04/05/1998. Le délai séparant la déclaration de la notification s’élève à 15 mois et demi.

La notification relative à la rente d’ayant droit parvient 14 mois après le décès.

 

MICHON René né le 27/07/1932, retraité depuis août 1992.

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

CMI : 20/11/1986

Il présente une fine calcification diaphragmatique droite

Déclaration : 29/11/1986

Asbestose (fine calcification diaphragmatique droite).

Collège des 3 médecins : 04/11/1988

M. Michon présente les signes radiologiques d’une asbestose. Existence de troubles fonctionnels discrets et limites de type restricitif. (10%)

Collège des 3 médecins : 03/12/1988

-de 1958 à 1975

Adhérent :

-de 1955 à 1958

J’ai travaillé comme ajusteur au Montage Bord Appareils Propulsifs (compartiments Machine et Chaufferie). Sur des navires construits par les Chantiers de l’Atlantique. A cet époque, en fin d’achèvement du navire, le travail s’effectuait pendant que les calorifugeurs procédaient à l’isolation thermique des tuyauteries à côté et au-dessous de nous. Pour cette isolation, ils utilisaient de l’amiante et de la toile d’amiante dont la poussière était visible dans la lumière et se déposait sur nos vêtements de travail. Nous ne disposions d’aucune protection tant individuelle que collective.

-de 1958 à 1969

J’ai travaillé aux Montages Extérieurs (Montage chaudières terrestres). J’allais sur les chantiers de Montage pour suivre l’avancement des travaux (l’amiante était utilisée sans aucune protection).

-de 1969 à 1978

J’étais au service Montage Chaudières ( en Atelier et à Bord), chaudières sur lesquelles on a utilisé de l’amiante jusqu’en 1974. Bien qu’étant au bureau (celui-ci était installé dans l’atelier de montage), je respirais le même air que les ouvriers qui travaillaient sur ces chaudières.

Certificat de travail :

Alsthom Chantiers de l’Atlantique

-du 01>/12/1947 au 31/12/1967

Babcock-Atlantique

-01/01/1968 au 31/05/1973

-Alsthom Chantiers de l’Atlantique

-01/06/1973 au 31/07/1987

Agent des méthodes

CMI : 20/11/1986

Déclaration : 29/11/1986

 

Collège des 3 M : 03/12/1988

(10% au 20/11/1986).

A engagé une action en faute inexcusable de l’employeur.

M. Michon a attendu plus de deux ans avant de passer devant le collège des trois médecins. Or rien dans ce dossier ne justifie une telle lenteur d’instruction.

NEEL Léon né le 12/09/1912, retraité depuis le 23/02/1973.

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

CMI : 02/04/1986

Il présente des manifestations pleurales évoquant une asbestose à prendre en charge selon le tableau 30 des MP.

Déclaration :07/04/1986

Asbestose

Notification : 24/01/1989

asbestose nettement caractérisée

 

Adhérent :

-du 13/01/1933 au 21/10/1933

-du 08/10/1934 au 17/04/1944

-du 17/05/1950 au 23/02/1973

Chantiers de l’Atlantique. St Nazaire.

Plombier.

A bord des bateaux en construction et réparation + ateliers. Manipulation amiante pour protection des tuyaux dans endroits pas ventilés.

ALSTHOM, Chantiers de l’Atlantique :

Il apparaît qu’en tant que chaudronnier puis plombier dans les bords, M. Neel a été exposé aux poussières d’amiante de façon habituelle d’abord intensivement entre1928 et 1942 puis plus modérément entre 1943 et 1957.

A partir de 1957 et jusqu’au 23 février 1973 date de son départ en pré-retraite, M. Neel n’a plus été exposé qu’occasionnellement au moment où, en atelier, il devait enrober des soudures sur acier avec de l’amiante ou bien, dans les bords, au moment où il se trouvait à proximité des poseurs d’isolation essentiellement dans les locaux décorés.

Certificat de travail :

Chantiers de l’Atlantique

-du 07/09/1925 au 19/05/1932

-du 13/01/1933 au 21/10/1933

-du 08/10/1934 au 17/04/1944

-du 17/05/1950 au 23/02/1973

Depuis le 01/07/1969 jusqu’à la date de son départ, l’intéressé exerçait la profession de plombier OP.3.

 

CMI : 02/04/1986

Déclaration : 07/04/1986

Collège des trois médecins : 08/10/1988

Reconnaissance : 07/11/1988

Notification : 24/01/1989

10% au 02/04/1986

Faute inexcusable, recours : 22/02/1999

 

M. Neel a attendu deux et demi pour être reconnu en MP alors que son dossier ne présentait à priori aucune complexité. En effet, son exposition à l’amiante ne faisait aucun doute et sa maladie était médicalement attestée comme relevant du tableau de MP n°30.

I.6. Problème de reconnaissance de l’asbestose 30A

Le cas de Mr Goupil.

L’asbestose est une fibrose interstitielle, donc une atteinte du parenchyme pulmonaire consécutive à l’inhalation de poussières d’amiante. Elle est reconnue en 30A dans le tableau 30.

Notons que le terme " asbestose " a été utilisé jusqu’à une date récente pour signifier toute maladie liée à l’inhalation de poussières d’amiante. Sur le plan administratif, ce terme a donc longtemps connu un usage extensif et s’est vu attribué une valeur générique entraînant un certain nombre de confusions notamment chez les victimes. Il faut savoir que la reconnaissance en 30A ouvre des droits spécifiques (notamment en matière de retraite anticipée) et que par conséquent ces confusions peuvent amener chez les victimes des attentes suivies de frustrations.

Si le terme asbestose est extrêmement fréquent dans les documents médico-légaux, la reconnaissance effective en 30A est, elle, relativement rare. Les experts qui, nous l’avons vu, semblent inscrire leur pratique dans une logique restrictive avec un souci permanent des retombées économiques de leur travail ne reconnaissent pas facilement en 30A au risque de classer en 30B des fibroses pulmonaires, cela prive ainsi les malades d’un droit légitime d’arrêt de leur activité professionnelle en réparation du préjudice subi du fait de la maladie liée à l’amiante.

 

GOUPIL Raymond né le 13/12/1917

 

Histoire de la maladie

Exposition professionnelle

Procédures de reconnaissance en MP

 

Adhérent : asbestose

Médecin traitant :16/10/1992

asbestose pleurale et vraisemblablement pulmonaire (râles secs). (30b)

Aucun changement au niveau des importantes lésions pleurales asbestosiques axillaires moyennes et basses bilatérales y compris pleuro-diaphragmatiques, d’autre part, même distension du tronc artériel pulmonaire droit qui paraît nettement expansif sous ampli, quant à la silhouette cardiaque, elle a globalement diminué de volume.

Adhérent :

J’ai travaillé à St-Denis turbines-Chantiers de la Loire et chantiers de St-Nazaire de 1934 à 1964 en qualité d’ajusteur et pointeur (machines, tuyauteries importantes, turbines et calorifuges).

Licenciement économique le 31/07/1964

Date de déclaration : 20/03/1993

Collège des trois médecins : 16/07/1993

Reconnaissance : 27/07/1993

15%

Ici le délai écoulé entre la déclaration de MP et la reconnaissance est particulièrement important. Il s’élève à quatre ans et quatre mois.

Il a été reconnu à 15% pour une asbestose dite " pleurale et vraisemblablement pulmonaire ".

Le bilan du médecin traitant datée de 1992 est déjà relativement inquiétant. Quant à son exposition professionnelle, elle apparaît également difficilement contestable.

Il lui aura fallu attendre 1997 pour être reconnu.

Dans le cas de M. Goupil, l’expert parle d’asbestose pleurale et vraisemblablement pulmonaire. Comme nous l’avons vu " l’asbestose pleurale " prête à discussion comme désignation des atteintes pleurales dues à l’amiante. L’expert a voulu parler de plaques pleurales (et non d’une fibrose) lesquelles sont classées en 30B. En revanche lorsqu’il parle d’une asbestose vraisemblablement pulmonaire, il considère que le malade a toutes les chances d’avoir également une fibrose pulmonaire liée à l’inhalation de poussières d’amiante. Les deux diagnostics peuvent en effet coexister. En effet l’asbestose est souvent associée à d’autres manifestations pleuro-pulmonaires de l’exposition à l’amiante, plaques calcifiées surtout, mais aussi atteintes du parenchyme pulmonaire. Ce patient aurait dû " vraisemblablement " être reconnu en 30A !

 

I.7. Conclusion

Nous avons choisi de réaliser cette typologie pour clarifier les différents problèmes posés par les procédures de reconnaissance en maladie professionnelle. Mais cette méthodologie a ses limites car elle ne rend pas compte de l’enchevêtrement des difficultés rencontrées souvent par une seule et même victime. En effet, une sous-évaluation d’un taux d’IPP concourt à la longueur et à la pénibilité des démarches. Des cas d’atteintes pleurales bénignes (en particulier les épaississements pleuraux et atélectasies par enroulement) entraînent des conséquences sur la fonction respiratoire (gêne, essoufflement, douleur) et ces atteintes sont peu prises en compte par la CPAM lors de la fixation du premier taux d’IPP. Les victimes si elles ne sont pas découragées, démotivées ou démunies face à la décision font dans le meilleur des cas une contestation ce qui bien sûr prolonge et complexifie la procédure.

En cas de refus de la Sécurité Sociale de reconnaître la maladie comme étant de nature professionnelle, la victime ou ses ayants droit peuvent, soit demander l’organisation d’une expertise médicale si la nature du rejet est d’ordre médical, soit contester devant la Commission de Recours Amiable si le rejet est d’ordre administratif (par exemple : exposition au risque insuffisamment prouvée). Il ne s’agit pas ici de remettre en cause des voies de recours qui sont bien sûr des éléments en faveur de plus de justice, mais il est dommage que certains dossiers à priori simples encombrent des instances qui devraient être réservées aux cas réellement problématiques.

Nous le voyons, cette typologie a été un outil au service de l’analyse, elle nous a permis de sérier les différents problèmes et ainsi de dégager les principaux dysfonctionnements des procédures de reconnaissance en maladie professionnelle. En revanche, elle ne permet pas toujours de rendre compte de la complexité de chaque cas.

Une autre limite de notre étude relève de son objet même. En effet, nous avons réalisé une enquête exploratoire portant sur un seul département. Nous avons donc obtenu des résultats qui ne permettent pas de conclure sur l’ensemble du système français des procédures de reconnaissance en maladie professionnelle. Toutefois nous ne pouvons en aucun cas conclure à une spécificité de la Loire-Atlantique sur les résultats obtenus. En effet ces derniers sont cohérents avec les évaluations qui se répètent soit administratives (rapports de commission), soit scientifiques (INSERM) soit associatifs (FNATH).

L’heure semble donc à la prise en compte de ces résultats et à la résolution des problèmes les plus graves et les plus urgents parmi lesquels :

-la reconnaissance des mésothéliome et des cancers broncho-pulmonaires.

-l’analyse des conséquences sociales de la non détermination de l’asbestose (qui ouvre droit à la cessation anticipée d’activité).

Le système actuel de réparation est le fruit d’un compromis où les travailleurs ont échangé le droit de poursuivre un employeur en justice au civil, en lui réclamant des dommages et intérêts, contre une réparation forfaitaire. Les dysfonctionnements repérés ne révèlent pas seulement des problèmes d’ordre technique qu’il faudrait résoudre, il interroge le système lui-même. En effet le compromis est-il respecté si la réparation forfaitaire est pour partie vidée de son contenu, la reconnaissance des maladies étant très difficile à obtenir et les compensations financières très faibles voire parfois symboliques ? Un système doit-il se protéger des risques d’abus au risque d’imposer à tous des restrictions susceptibles d’en modifier le sens (comme le montre cette étude à la suite d’autres évaluations critiques relevant, depuis quinze ans, les mêmes logiques restrictives) ?

II. Eléments de compréhension de l’expertise en maladie professionnelle

II.1. Objectifs.

Dans la procédure de reconnaissance en MP, le rôle théorique de l’expert est de déterminer si la pathologie présentée par la victime à expertiser correspond à une ou plusieurs des pathologies inscrites dans le tableau de maladie professionnelle. Ils ne leur incombent donc pas de déterminer la validité du lien entre le travail et la pathologie observée mais de confirmer la conformité de ce qu’ils observent (cliniquement et dans le dossier) avec les descriptions consignées dans les tableaux. C’est ce qui permet au travailleur qui a fait sa demande de reconnaissance en MP de bénéficier de la présomption d’imputabilité, c’est à dire présomption de la relation entre la pathologie et l’exposition au risque.

Dans cette étude, notre objectif a été de chercher à comprendre sur quelles bases (formation, outils d’expertise) s’appuient les experts pour prendre leur décision, à savoir :

Comment les experts appréhendent la notion de présomption d’origine ? Comment se passe la dissociation entre une activité de clinicien usuelle -où il apparaît important pour établir un diagnostic de prendre en compte la dimension étiologique de ce qui est observé- et la pratique de l’expertise, où il est demandé à des médecins spécialistes d’exercer leur sens clinique, en le tronquant en partie d’un élément fondamental qui permet d’orienter le diagnostic : l’interrogatoire, qui permet de lier les faits observés à un élément causal. Nous cherchions à déterminer l’ampleur de la latitude décisionnelle laissée aux experts, à l’occasion de la définition des taux d’IPP notamment. Cette partie de l’enquête devait également nous permettre de comprendre comment les experts étaient sélectionnés et formés à l’expertise.

II.2. Méthodologie

Une série de cinq entretiens semi-directifs a été menée en région Pays de Loire, qui inclut le département 44 sur lequel porte le reste de l’étude, afin de conserver une cohérence sur le choix des sites d’observation (grille d’entretien en annexe). Les cinq médecins experts interviewés exercent la pneumologie ou la cancérologie en secteur hospitalier.

L’analyse de contenu a ensuite été faite sous la forme d’une mise en perspective des discours en fonction des thèmes abordés (cf. tableaux ci-dessous).

 

II.3. Résultats et analyse

Les tableaux d’analyse restituent la parole des experts sur les différents thèmes abordés dans les entretiens. L’analyse de contenu permet de faire apparaître les points communs entre ces différents experts mais aussi la variabilité des positions adoptées.

II.3.a. La formation (Tableau n°1)

Tableau n°1 : Formation des experts.

 

Expert

 

Modalités d’accès au poste

Formation initiale

Formation continue

N°1

"Les experts sont nommés par arrêté préfectoral. La première fois mon nom a du être avancé parmi les uns et les autres, j’en sais rien, on savais que j’avais une certaine expérience. (…) pas de critères précis "

"Pas de formation organisée (…) J’étais suppléant au C3M, et ma formation s’est faite en assistant au C3M avec les autres (…) il n’y a pas de formation d’expert à proprement parler, c’est sur le tas, avec les C3M, avec les autres (…) L’expertise elle-même qui est autre chose que la connaissance théorique de la pathologie en tant que pneumologue, c’est une formation sur le tas. "

 

Formation continue au contact du C3M.

N°2

" J’avais des connaissances sur la silicose et l’asbestose, et j ‘ai été nommé expert en MAP dès mon arrivée ici, parce que mon maître (…) était président des MAP (..) C’est en fonction de la compétence connaissance reconnu par d’autres "

 

" Aucune formation particulière (…) "

" On se la fait nous- même, au fur et à mesure de la pratique "

N°3

 Tous les experts sont ceux des pneumoconioses, à partir de propositions faites par la CRAM (…) C’est lié à l’existence de pneumologues dans un endroit donné pour éviter d’avoir à déplacer les gens (…). Des critères il n’y en a pas, sinon d’être pneumologue. "

 

" Aucune formation ça c’est clair ! Il n’y a ni critère à priori ni contrôle à posteriori, aucune démarche à posteriori "

" Aucune démarche de formation.(…) complètement sur le tas (…). Les experts n’ont pas d’informations. Les textes officiels ne nous sont pas communiqués "

N°4

" Je participais au C3M comme auditeur libre avec les membres de l’ancien collège, c’était mon chef de service, (…) des pneumologues et un cardiologue "

" Ma formation a été pratique uniquement, c’est à dire que lorsque j’étais jeune chef de clinique (…) je participais comme auditeur libre au C3M. [pneumologue de formation] Je n’ai eu aucune formation théorique, (…) par contre j’ai complété moi-même "

" C’est personnel avec la société de pneumologie de langue française qui a une session une fois par an, consacré à la pathologie professionnelle qui sont des sortes de formations continues où les gens présentent des dossiers qui sortent de l’ordinaire et on fait des réunions pour essayer d’avoir des attitudes à peu près communes "

Il n’existe pas de formation initiale conduisant à une qualification d’expert en pneumoconioses validée par un diplôme et comportant l’acquisition de savoirs, savoir-faire ou compétences particulières. La sélection des experts se fait par coaptation, ratifiée par une nomination administrative. L’exercice de l’expertise ne fait pas non plus l’objet d’une formation continue particulière. La société de pneumologie organise une fois par an une session consacrée à la pathologie professionnelle. Cette session est ouverte à tous les spécialistes en pneumologie, experts ou non.

Ces résultats mettent en évidence l’absence de standardisation des pratiques d’expertise, ce qui explique en partie les dissonances entre experts en matière de " conduite à tenir ". S’il existe un panel d’experts qui se réunit à Caen une fois par mois pour la relecture d’examens anatomopathologiques concernant les mésothéliomes, ce n’est pas un lieu de discussion avec les praticiens qui effectuent le diagnostic mais une structure qui joue le rôle " d’expert des experts ". Ceci ne favorise pas la transparence sur les motifs d’acceptation ou de rejet des cas soumis à cette " expertise de l’expertise "des médecins agréés en pneumoconiose.

 

II.3.b. Présomption d’origine

La présomption d’origine veut qu’à partir du moment où la maladie correspond à une pathologie inscrite dans un tableau de MP et que la personne a été exposée au risque figurant dans le même tableau, la reconnaissance est de droit.

Nous avons confronté ici les différentes définition de la présomption d’origine.

Tableau n°2: La présomption d’origine

Expert

Définition de la présomption d’origine

N°1

" C’est très simple : à partir du moment où le patient à une maladie inscrite au tableau et une exposition à une substance décrite dans le tableau, la présomption d’origine doit jouer ".

 

N°2

" C’est exactement comme la loi qui dit qu’on est innocent jusqu’à ce qu’on fasse la preuve qu’on soit coupable. Là c’est l’inverse pour les maladies professionnelles, jusqu’à ce qu’on prouve le contraire. Quelqu’un qui a été exposé avec une affection compatible avec l’exposition, j’estime que c’est une MP. On n’a pas le droit de dire " non c’est une tumeur pleurale primitive, mais c’est plutôt secondaire… ", non il faut arrêter là. La tumeur est primitive, il a été exposé, point, terminé il est reconnu "

 

N°3

" C’est la certitude à la suite de l’enquête professionnelle bien conduite et complète que le malade a été exposé à un environnement contenant de l’amiante. Mais je le répète, ça n’est pas notre rôle. Moi je ne fais aucun effort, sinon les questions élémentaires (…) mais je crois que la définition c’est " chacun son métier. Moi je pose les questions élémentaires, avez-vous été au contact avec l’amiante oui ou non, et je l’envoie en pathologie professionnelle "

 

N°4

" Le moindre doute doit bénéficier au patient "

 

 

Tout d’abord, il faut souligner que les experts donnent une définition de la présomption d’origine (tableau n°2) par rapport à laquelle ils dérogent dans la pratique lorsqu’ils vont systématiquement faire la recherche des " corps asbestosiques " ou –à travers des épreuves fonctionnelles- celle d’une étiologie d’une autre nature. Ils sont de fait à la recherche de critères valant preuve du lien entre la maladie présentée par le patient et l’amiante. Contrairement à ce que dit l’expert n°4, dans les procédures étudiées, on peut noter que le doute sur le diagnostic et sur l’étiologie entraîne le rejet de la demande de reconnaissance en maladie professionnelle. Rappellons ici qu’un arrêt du conseil d’Etat avait annulé une décision de rejet par une caisse dans un cas de KBP pour lequel le motif invoqué était " l’absence de relation médicalement caractérisée entre la cancer et l’amiante ". Le conseil d’Etat avait estimé que ce motif était contradictoire avec le principe premier de la loi sur la réparation des maladies professionnelles, à savoir la présomption d’imputablilité. Nombre de pratiques d’experts ne relèvent-elles pas de cette logique contestée par le conseil d’Etat ? Le point sur lequel les discordances dans le discours des experts sont les plus importantes est le mode de détermination du taux d’incapacité partielle permanente.

 

II.3.c. Mode de détermination des taux d’IPP.

C’est aussi sur ce point que l’écart apparaît le plus grand entre discours et pratiques. Pour déterminer l’IPP, les experts se réfèrent à différents barèmes (tableau n°3) ou statuent en dehors de toute référence à un barème. Ils plaident pour une latitude de jugement en justifiant celle-ci par exemple, par le fait que " 95% des cancers broncho-pulmonaires sont dus au tabac. Il serait inadmissible de tous les reconnaître ". Cette hantise domine le jugement qu’ils portent sur les conséquences de la MP. Quatre sur cinq des experts interviewés ignoraient que le barème de 1989 était devenu opposable par la réglementation adoptée en avril 1999.

La subjectivité des patients est citée dans la réalisation des EFR et la décision d’attribution s’inscrit dans une relation de " confiance " (dont les experts ne mentionnent pas qu’elle met également en jeu la subjectivité de l’expert).

Des éléments d’appréciation tels que la douleur, le préjudice d’emploi ou la qualité de vie ne constituent pas des éléments systématiques d’évaluation du handicap constitué.

Plusieurs experts relèvent le caractère approximatif des critères de détermination de l’IPP et l’un d’eux exprime un certain malaise face à l’inégalité qui s’instaure dans le traitement des cas, y compris dans le cadre d’un même collège de trois médecins. En l’absence de travaux rigoureux d’évaluation des pratiques d’expertise, la suppression de cette instance ne modifiera pas le libéralisme et l’inégalité de pratiques d’expertise, jamais confrontées à d’autres et discutées en référence aux critères du barème.

L’écart entre discours et pratique, peut être signalé pour ce qui concerne le taux d’IPP concernant les cancers, pour lesquels rares sont les cas bénéficiant de 100% d’IPP -et pour les plaques pleurales- entre 80 et 90% des cas ont des taux d’IPP inférieurs à 2% alors que les experts déclarent ne jamais attribuer des taux inférieurs à 5%.

Tableau n°3 : Mode de détermination des taux d’IPP.

Expert

Barème

Autres éléments pris en compte (douleur, qualité de vie, préjudice à l’emploi)

Remarques

N°1

Suit le barème indicatif de 1988 :

- Mésothéliome : 100%

- Cancer broncho- pulmonaire opéré : 70%

- Cancer broncho- pulmonaire avec radiothérapie préopératoire : 80%

- Récidive locale où resection incomplète : 100%

 

Les EFR pour les fonctions(1) respiratoires subnormales (fonction respiratoire normale entre 80 et 100%) ""  80% vous avez droit à 6%, à 100% vous avez droit à 5 % " Problème des EFR non reproductibles, et " le problème dans les EFR c’est la participation du malade "

" Le seul problème dans les barème c’est les fonctions respiratoires normales, les troubles légers non mesurables pour lesquels on peut aller de 0 à 10% (…) ici on met systématiquement 5% "

N°2

Différents barèmes :

-" le barème national sorti dans le journal officiel auquel je me réfères de base "

-" Un vieux barème de la silicose d’autrefois, celui de Sadoul "

-" ensuite un barème de Marseille de BeckenBauer "

-" ensuite [un] sorti de Maladies respiratoires en 96, quand il y a eu une très bonne séance de la société de la Société de Pneumologie "

- " Celui de MDF, puis celui de Voisin, un sorte de décantation du journal officiel "

-" Moi je mets tout ensemble, je fais ma petite sauce "

 

 

La douleur :

" Je mets facilement entre 10 et 20 % quand les douleurs sont stables, et sont pour moi un facteur d’indemnisation important "

La notion de préjudice d’emploi :

" Je ne m’en occupe pas, je laisse faire l’administration, il faut le noter de toute façon, mais c’est prévu par l’administration dans l’analyse des faits "

" Pour moi c’est 100% toute tumeur maligne, quand même ils ont 99% de chances de mourir dans les deux ans qui viennent "

-" Ce qui m’a toujours gêné, c’est l’absence totale d’harmonisation en matière d’indemnisation.

Quand quelqu’un n’a rien du tout comme symptôme, on lui donne entre 1 et 5%. Moi j’ai fixé 5% (…) là on indemnise les gens qui ont un risque malgré tout de faire à terme une pathologie tumorale (…) Je crois qu’on indemnise aussi le stress

N°3

" C’est très pifométrique… "

-" Pour un mésothéliome c’est simple, le problème ne se pose pas, ils meurent tous, on les met à 100% "

-" pour les cancers c’est moins simples on met un taux provisoire qu’on suppute en disant s’il est métastatique d’emblée c’est 100%, s’il a été opéré et qu’il va pas trop mal (…) selon des barèmes déjà anciens "

-" Si c’est des plaques pleurales , nous on fait comme à … on met un taux forfaitaire qui change selon les jours entre 3 et 5 % "

 

- Décision d’attribution entre un cancer et les 3 à 5% :

" En gros c’est en fonction de la confiance qu’on fait au malade, c’est-à-dire ses signes fonctionnels et la confiance qu’on lui fait "

- La douleur :

" ça ne concerne que le mésothéliome, alors comme on met 100% à (nom d’une ville), on ne va pas mettre 70%, il n’y a pas de raisons "

- Préjudice à l’emploi :

"C’est plutôt les médecins du travail qui sont confrontés au problème " 

Les variations qui justifient 3 ou 5 :

-" C’est quelques francs de différence, puisqu’ils touchent une indemnité forfaitaire, (…) pourquoi pas 1 ou 6, donc on met plutôt 5 ici quand il n’y a aucune anomalie et qu’ils ne se plaignent de rien "

-" On se rend compte que dans la même séance de C3M, on a des gens à situation égale qui ont entre 30 et 70% d’IPP, c’est très désagréable, parce qu’on a pas de critères, à part les critères du barème indicatif "

N°4

- mésothéliome 100%, à partir du diagnostic histologique, donc ça ne pose pas de problème "

- Cancer bronchique : " tous les stades 1 à 3a qui ont une espérance de guérison c’est 70% au moment du diagnostic

- " (…) 3b, localisé au thorax, on part à 80% et si c’est d’emblée métastatique c’est 100% "

-" On utilise le barème (…) du haut comité de la sécurité sociale (…) sachant qu’on prend quelques digressions, mais il y a un autre barème qui avait été proposé par la société de pneumologie de langue française "

 

 

- La douleur :

" On peut la quantifier, il y a des règles d’évaluation (…) la première chose c’est la prise d’antalgique, la 2ème c’est les troubles du sommeil, troubles de l’appétit (…) on a des échelles qu’on utilise en pathologie tumorale. La douleur il faut certainement travailler "

- La qualité de vie :

" Je ne sais pas, je ne vois pas comment. "

" On ne met jamais en- dessous de 5. Toute lésion qui a modifié le corps c’est 5%, et même ça ne me dérangerait pas si c’était 10% "

" pour ces petits barèmes sans retentissement sur la fonction respiratoire, il faudrait une attitude commune en France "

N°5

Les barèmes d’IPP doivent rester indicatifs " pour laisser toute latitude aux experts. Par exemple les mésothéliomes sont pris en charge à 100%, la majorité sont acceptés, alors que vous savez que tous les mésothéliomes ne sont pas dus à l’amiante. Quant au cancers broncho- pulmonaires, 95% sont dus au tabac, il serait inadmissible de tous les reconnaître "

 

" Le problème des plaques pleurales (…) il n’y a pas de symptôme, parfois les EFR sont supérieures à la normales . L’existence de plaques pleurales sans incidence vont- elles entraîner une perte de gain ? un réel dommage ? (…) Il faut expliquer aux gens (…) certains sont rassurés et n’attendent pas forcément un taux d’IPP, ni une indemnisation.

" Le taux d’IPP dans les plaques pleurales ce n’est pas un problème médical c’est un compromis social, et cela ne relève pas de mon domaine. "

" les désavantages sociaux variables du chômeur n’existent pas pour le retraité. Et quelqu’un de reclassé professionnellement, existe-t-il toujours des désavantages sociaux pour lui ? "

.

(1)Remarque : les différents experts interrogés ont déclaré ne jamais mettre en deçà de 5%, or, l’étude quantitative met en évidence une proportion importante de 2 %. (Chiffre département 44 : ) et certains de ces experts interviennent couramment sur ce site.

 

II.3.d. Pratiques d’experts autour de deux affections liées à l’inhalation de poussières d’amiante : asbestose et mésothéliome.

Afin de mettre en évidence les différences de pratique en matière de modalités diagnostiques entre les différents experts interrogés et les discordances de ces pratiques par rapport aux données récentes de la conférence de consensus, nous avons pour finir, mis en perspectives dans les tableaux 4 et 5 les discours des experts et des extraits du texte du jury de la conférence de consensus (date et REF, 15 janvier 1999).

Asbestose

Tableau n°4 : Asbestose

 

Expert

 

Clinique

Imagerie

EFR

Biologie.

Réf.(1)

Etablit relation de qualité visant à écouter, informer, rassurer, contribuer à l’évaluation de l’exposition, habitudes tabagiques, antécédents Symptômes : rechercher dyspnée et râles crépitants.

 

TDM coupes millimétriques plus sensibles que la radiographie de face.

Eléments objectifs de l’évaluation de l’incapacité respiratoire. Spirométrie et courbe débit- volume.

Rechercher : trouble ventilatoire restrictif, obstruction des petites voies aériennes

Comptage des CA(2)

et des fibres dans les tissus ne peut être recommandé dans l’optique d’un dépistage ou d’une surveillance.(3)

 

N°1

- Dyspnée

- Cyanose

- Crépitants

Scanner, plus fiable que la radio standard, rechercher un syndrome interstitiel radiologique.

Pas évoqué directement au cours de l’entretien, mais à propos du syndrome obstructif " ça a été débattu mais c’est surtout quand il y a de la fibrose débutante ".

Recherche des CA par lavage [broncho- alvéolaire] " pas indispensable,(…)mais systématiquement fait. (…) Si vous n’en trouvez pas c’est rare que les gens aient respiré de l’amiante. "

 

N°2

" Beaucoup plus rapidement [que dans les autres pathologies pleurales bénignes ] la dyspnée d’effort puis de repos, puis les crépitants (…) téléinspiratoires (…) les plus beaux (…) pas de douleurs "

" Pas de scanner systématique (…) si on a un doute (…) bien sur qu’on va faire un scanner . " " caractéristique (…) à la [radio standard] "

" Pléthysmographie et DLCO (…) la courbe débit volume demandée par les directives de surveillance n’a aucun intérêt puisque l’obstruction n’est pas fréquente le débit- volume ne donne pas la restriction "

" Restrictif caractéristique, et le DLCO est diminué, [fait] systématiquement, ça permet d’indemniser plus finement "

 

Recherche de CA : " Presque systématiquement, dès qu’on a un gros doute sur une asbestose on le fait (…) dans les expectorations provoquées ça marche très bien (…) On ne fait jamais d’examen invasif pour une déclaration en MP "

 

N°3

Crépitants, pas de douleurs

Scanner privilégié, " c’est un élément de référence, pas un élément diagnostique mais un élément de référence évolutif

.

Utile pour " surveillance et taux d’IPP, ça sert pas à grand- chose… si pour les pathologies restrictives. "

" Les EFR simples c’est suffisant (…) [le DLCO] oui pour les fibroses mais ça n’a pas été retenu "

 

Pas de recherche de CA " parce que quand c’est négatif ça n’exclut pas (…) on ne le fais que rarement "

N°4

" Dyspnée d’effort, petits râles fins et crépitants "

" Eliminer toutes les autres étiologies de fibrose interstitielle "

Radiographie thorax : " images finement réticulées ",

Scanner :

" Coupes millimétriques, qui sont très importantes (…) Toujours le scanner ! "

" Les épreuves d’effort sont très souvent demandées (…) parce que des fois les syndromes interstitiels peuvent exister et on a du mal à révéler le syndrome obstructif, on ne va le révéler qu’à l’épreuve d’effort "

 

" on va très souvent bien sur à la biopsie pulmonaire transbronchique, le lavage alvéolaire (…) c’est pas le plus important mais (…) on le fait facilement "

(1)Conférence de consensus, 15/01/99, texte du jury

(2) Corps asbestosiques

(3) Les examens nécessitant le recours à des méthodes invasives (biopsie pleurale, bronchique et pulmonaires) n’entrent pas dans les stratégies de dépistage ou de surveillance des personnes exposées.

Sur le plan clinique les experts ont des pratiques superposables. Sur le plan de l’imagerie le scanner est l’instrument privilégié à une exception près, l’expert n°2 qui ne prescrit de scanner qu’en cas de doute diagnostique. Les autres experts le présentent soit comme indispensable élément diagnostique (expert 1 et 4), soit comme élément de référence évolutif.

Les discordances apparaissent à propos des explorations fonctionnelles respiratoires. La conférence de consensus prône la spirométrie et la courbe débit-volume. L’expert n°3 dit faire pratiquer des " EFR simples ", sans précision. Le 4ème expert demande très souvent des épreuves d’effort, non recommandées par le texte du jury, qu’il justifie en disant rechercher par ce biais une autre origine expliquant les troubles respiratoires, en particulier une bronchite chronique obstructive, souvent due au tabac, qui ne présente cependant pas les mêmes caractéristiques fonctionnelles. On peut s’interroger sur la pertinence d’une telle prescription dans le cadre de l’expertise prévue initialement pour déterminer si l’affection du malade expertisé correspond bien à la description du tableau de MP. Au regard de la misssion impartie, la recherche exhaustive d’un diagnostic différentiel nous semble outrepasser le cadre prévu de l’expertise. Le même expert estime les explorations fonctionnelles utiles pour " la surveillance et les taux d’IPP ". L’expert n°2 quant à lui conteste le bien-fondé des directives de surveillance de la conférence de consensus, et fait pratiquer systématiquement un examen de mesure de la diffusion du CO (DLCO), qui vise à caractériser l’importance de la fibrose.

La recherche et le comptage des corps asbestosiques avaient été abordés au cours de la conférence de consensus. Souvent effectués par le biais d’un examen invasif (le lavage broncho-alvéolaire), ils offraient des résultats incertains au prix d’un examen désagréable. Le jury a donc précisé que cet examen ne pouvait être recommandé ni dans le cadre d’un dépistage ni dans l’optique d’une surveillance. Cette recherche est cependant faite systématiquement par quatre experts sur les cinq interrogés, et ce pour l’ensemble des pathologies liées à l’amiante. Ces mêmes experts reconnaissent pourtant le fait que cet examen " n’est pas indispensable " (expert n°1) ou qu’il n’est " pas le plus important " (expert n°4). Un seul expert rappelle qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer de lavage broncho-alvéolaire, puisque l’expectoration provoquée donne de " très bons résultats ". Il rappelle aussi que les examens invasifs n’ont légalement pas lieu d’être faits dans le cadre d’une reconnaissance en MP. Il faut souligner que cet examen est scientifiquement non fondé à établir le diagnostic d’atteintes liées à l’amiante, les fibres ayant un délai variable de délitement en milieu biologique. Il est, en outre, contradictoire avec la loi sur les MP selon laquelle la présomption d’imputabilité se substitue à toute démarche de preuve de la causalité entre l’agent et la maladie.

 

Mésothéliome

Tableau n°5 : Mésothéliome

 

Expert

 

Clinique

Imagerie

Anapath

Biologie.

Réf.

Idem que tab.2.

Symptôme :

Douleur doit orienter vers un mésothéliome..

 

N’existe pas dans la littérature scientifique de données validant l’efficacité du TDM comme outil de détection.

.

La pleuroscopie n’est pas un outil de dépistage : sa seule indication est le diagnostic d’un mésothéliome

Pas de marqueur biologique recommandé dans le dépistage des affections respiratoires liées à l ‘exposition à l’amiante.

N°1

- Dyspnée

- Douleur

- Altération de l’état général

-Epanchements abondants

 

" Il faut une analyse histologique, il faut un diagnostic étiologique (…) problème de la différence avec les pleurésies métastatiques  (…) l’anatomo-pathologiste doit trancher. "

envoi systématique au panel.

 

 

N°2

- Douleur

- Dyspnée

- Altération de l’état général.

-Douleur thoracique

 

-Clinique + radio =mésothéliome jusqu’à preuve du contraire.

Diagnostic à la thoracoscopie ou biopsie chirurgicale.

Envoi au panel si doute.

" Recherche de corps asbestosiques pour [prouver] qu’ils ont une exposition à l’amiante "

N°3

-Douleurs inconstantes épanchements, dyspnée

-Aspect radiologique et thoracoscopie systématique.

" Il faut un diagnostic formel que la biopsie pleurale n’apporte pas et que seule la thoracoscopie apporte "

Envoi systématique au panel.

 

Pas de recherche de CA

N°4

" Le mésothéliome vraiment ne pose aucun problème pour la reconnaissance, s’il y a une exposition formelle à l’amiante, et qu’il y a une lésion clinique et radiologique compatible avec un mésothéliome, et que l’anapath nous dit " c’est un mésothéliome mais c’est peut-être aussi des métastases d’un … ", nous on franchit très facilement le pas vers le mésothéliome "

 

" L’anatomopathologie à 90% (…) pas de certitudes nous on a quelques cas, bien que le panel ne l’ait pas reconnu, il y avait une forte exposition à l’amiante, un syndrome tumoral en évolution… "

" En thoracoscopie c’est très difficile de faire la différence entre métastases pleurales et mésothéliomes "

 

 

 

Sur le plan clinique les experts décrivent la symptomatologie de manière consensuelle.

Deux experts pratiquent systématiquement la thoracoscopie, un troisième expert considère pourtant que cela n'apporte aucune certitude.

Le diagnostic est histologique pour l’ensemble des experts, avec un envoi systématique au panel des mésothéliomes de Caen pour trois d’entre eux. L’expert n°4 évoque pourtant l’absence de certitudes en matière d’anatomo-pathologie, et les difficultés à différencier un cancer primitif d’un secondaire au cours d’une thoracoscopie.

Autour de la question du mésothéliome, nous avons pu observer une confusion entre ce que les médecins effectuaient comme type d’examen dans le cadre de leur pratique hospitalière et ce qu’ils étaient amené à prescrire dans le cadre de l’expertise. Il a été difficile au cours de l’entretien de parvenir à démêler les deux types de pratique. Nous pensons que cette confusion apparaissant dans leur discours peut avoir une incidence sur la réalité de leur pratique.


 

Conclusion générale

L’étude réalisée a porté sur les 108 dossiers de reconnaissance en maladies professionnelles des personnes atteintes de maladies liées à l’amiante résidant en Loire-Atlantique et ayant demandé l’aide de l’ANDEVA. L’objectif était d’élaborer un outil de suivi des procédures et d’identifier les principaux dysfonctionnements du système de réparation des maladies professionnelles et leur évolution par rapport aux évaluations faites au cours des quinze dernières années. L’étude a été complétée par des entretiens auprès d’experts étant intervenus dans les procédures examinées.

Les résultats de l’étude montrent que les dysfonctionnements identifiés antérieurement persistent.

Les principaux sont :

-la pratique du doute sur l’exposition.

Rappelons que l’article L461-4 du code de la sécurité sociale –qui fait obligation aux employeurs de déclarer à la CPAM les produits susceptibles de provoquer des maladies professionnelles- n’est pas appliqué.

Il semblerait par ailleurs que les services AT-MP des CPAM ne profitent pas des informations disponibles (notamment issues de la recherche) et ne peuvent conduire les enquêtes dans des conditions optimales même dans les cas relativement simples. Cela explique qu’une association comme l’ANDEVA ait proposé de faire obligation aux caisses -quelle que soit l’exposition considérée- d’avoir recours à la compétence des services prévention des CRAM concernés. Elle a également proposé que toute enquête sur l’exposition à l’amiante -sauf dans les cas où les CPAM connaissent bien ces expositions- implique une interrogation d’un observatoire central détenant l’ensemble des informations disponibles sur la relation entre d’une part " emploi-travaux-entreprises " et d’autre part l’exposition probable à l’amiante. Cet observatoire aurait en particulier en charge de répertorier les données existantes, sur les matrices emploi-exposition à l’amiante, sur les matériaux ayant contenu de l’amiante et sur les entreprises où ces matériaux ont été utilisés. Ces informations auraient dû être rapidement disponibles si l’article L.461-4 avait été appliqué. Les CPAM qui mènent leurs propres enquêtes qui consistent, le plus souvent, à entériner le discours de l’employeur cautionne l’absence de déclaration des procédés de travail susceptibles de déclencher des maladies professionnelles liées à l’inhalation de poussières d’amiante. Un pays comme l’Angleterre, quant à lui, fait obligation à l’employeur d’apporter la preuve de la non exposition à l’amiante, choisissant par là-même un principe d’enquête plus favorable aux victimes.

-la pratique du doute en matière de diagnostic

Nous avons vu que dans les cas de cancer, les experts recherchaient des éléments susceptibles d’infirmer le diagnostic de mésothéliome. Concernant le cancer broncho-pulmonaire, ils s’attachaient à rendre compte des facteurs de causalité autres que celui de l’exposition à l’amiante. D’une manière générale, ils sont à la recherche de critères objectifs apportant une preuve irréfutable du type d’affection dont souffre la victime. Ils reprennent le spectre des hypothèses possibles en terme de diagnostic et rétablissent ainsi inéluctablement un doute, doute qui contrairement à ce que voudrait la loi, ne bénéficie pas à la victime. En effet, ce doute peut empêcher de poser un diagnostic et introduit un vide empêchant de statuer.

Certains experts ont soumis les malades à des examens invasifs. En effet, ils n’ont pas hésité à faire des lavages broncho-alvéolaires pour retrouver des corps asbestosiques tenus comme preuve d’exposition à l’amiante. Sur le plan clinique, nous savons que cette démarche est contestable puisque les fibres peuvent avoir été éliminées. Il est évident que la présence de corps asbestosiques signe une exposition à l’amiante. Mais leur absence, à contrario, ne constitue pas une preuve irréfutable de non-exposition. Sur le plan légal, cette démarche s’oppose au principe de présomption d’imputabilité.

-la confusion de la part des experts entre la clinique traditionnelle et leur pratique médico-légale

Les experts s’inscrivent dans une logique parfois compréhensive sur un plan strictement médical (pas toujours comme nous l’avons vu) mais elle signale une méconnaissance de leur mission en tant qu’expert. En effet, l’expertise qui appartient au champ médico-légal n’est pas une fonction strictement superposable à celle de clinicien. Elle comporte des spécificités qui n’ont pas été clairement assimilées par ceux qui en sont les acteurs.

Rappelons que le rôle de l’expert consiste, après avoir examiné la victime et les radiographies et autres éléments médicaux utiles, à établir la conformité de la maladie présentée par le malade avec celle inscrite au tableau de MP.

Il appartient au collège des 3 médecins (aujourd’hui disparu) et au médecin agréé de se prononcer sur le droit aux prestations (indemnités journalières, rente, capital, indemnité de changement d’emploi) et de fixer le taux d’incapacité permanente partielle. D’après les textes, leur avis ne s’impose pas. Dans les faits, nous avons constaté que les décisions définitives coïncidaient systématiquement avec leurs propositions.

Il est évident que la pratique de l’expertise ne se confond ni avec la science bio-médicale ni même avec la pratique classique de la médecine. A propos de la connaissance de l’expert (au sens large du terme), Philippe Roqueplo nous dit qu’elle est " une connaissance aussi objectivement fondée que possible […] il ne s’agit pas de connaissance scientifique stricto sensu, mais de l’expression d’une pensée, d’une conviction, d’une opinion transgressant les limites de la science ". Il ajoute plus loin : " le processus de transgression convoque nécessairement, qu’il en ait ou non conscience, toutes les ressources de sa subjectivité : ses croyances, ses convictions globales, son idéologie, ses solidarités, ses préjugés, sa classe sociale, son appartenance nationale… ". Si les experts exercent toujours leur fonction consciemment ou non comme les avocats d’une certaine cause, il semblerait que pour les médecins travaillant pour les caisses, la cause de l’assureur soit première.

-des voies de recours et un système complémentaire parfois détournés de leur rôle premier

Nous avons vu que la voie de recours comme la Commission de Recours Amiable ne permet pas la confrontation directe des experts pas plus qu’elle ne rend visible la part de controverse scientifique qu’elle contient et surtout la part de conflits résultant des surdéterminations normatives de son champ. Cette voie de recours se situe dans la même logique administrative de gestion du compromis économie-santé. Les dossiers comme l’évoque Annie thébaud-Mony dans son analyse des caisses y sont aussi traités " comme une juxtaposition d’informations qui adhèrent ou non à la législation ". Elle précise –et c’est ce que nous avons constaté à travers l’analyse des cas- que " cette attitude strictement légaliste de la caisse peut engendrer des erreurs au plan humain ".

En cas de maladie grave hors tableau ou lorsque les conditions autres que médicales ne sont pas réunies (délais de prise en charge, durée d’exposition notamment), les caisses disposent d’un délai de six mois au cours duquel elles peuvent saisir le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles. Celui-ci peut statuer dans les 4 ou 6 mois s’il y a nécessité d’une enquête ou d’examens complémentaires. Ce système complémentaire est nécessaire car il peut débloquer les situations d’injustice qui relève de la complexité du cas et de sa singularité. Il faudrait veiller à ce qu’il soit saisi pour des maladies graves hors tableau et non pour des affections compatibles avec l’intitulé des tableaux mais dont le caractère multifactoriel (cancer broncho-pulmonaire) a empêché dans les faits une reconnaissance immédiate. Il ne doit en aucun cas cautionner le non respect du principe de présomption d’imputabilité.

Il apparaît également dommage que le CRRMP soit saisi lorsqu’un problème lié à la matérialité de l’exposition rencontré par les caisses ne relève pas de la singularité du cas mais bien de l’incapacité dans laquelle elle demeure d’exploiter les connaissances actuelles sur les expositions.

-une sur-représentation de la reconnaissance en 30b

Nous avons en effet constaté dans l’échantillon une sur représentation de 30B. Même s’il s’agit à priori de l’affection la plus courante, rien ne nous assure que la distribution en 30A, 30B, 30C,30D et 30bis telles qu’elle nous est donnée par les chiffres de reconnaissance en maladie professionnelle corresponde aux données épidémiologiques. Il serait intéressant à l’avenir de mettre en chantier une étude permettant d’éclairer cette question. La reconnaissance en 30A tend à perdre du terrain alors même qu’elle s’accompagne d’un nouveau droit : celui à la retraite anticipée. Là encore s’agit-il d’une baisse de l’incidence des 30A ou d’un problème de détermination de cette affection liée aux caractéristiques de la pratique médico-légale ?

Nous avons vu qu’un cas pour lequel il avait été noté en expertise " asbestose pleurale et vraisemblablement pulmonaire " avait été reconnu en 30B. Nous savons que l’asbestose est souvent associée à d’autres manifestations pleuro-pulmonaires de l’exposition à l’amiante, aux plaques calcifiées notamment. L’hypothèse d’une disparition de la reconnaissance des 30A au profit des 30B mériterait d’être testée.

Par ailleurs lorsque les experts rencontrent des signes cliniques évoquant une asbestose, ils tendent à faire une recherche exhaustive des diagnostics différentiels de l’asbestose, comportement qui s’inscrit dans la même logique que celle que nous avons analysé à propos du cancer. Un expert parle " d’éliminer toutes les autres étiologies de fibroses interstitielles " et de " trouver une cause formelle ".

-sous-déclaration, sous-reconnaissance et pratiques tendant à allonger les procédures en MP

Aujourd’hui la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles liées à l’inhalation de poussières d’amiante est de notoriété publique. Un rapport commandé par Martine Aubry au Professeur Claude Got et rendu public en juillet 1998 soulignait que seulement 10% des victimes étaient indemnisées. Depuis plusieurs mesures ont été prises, notamment lors de la promulgation de la loi de financement de la Sécurité Sociale. Elles visent à simplifier les procédures de reconnaissance en MP. Une mesure importante est la suppression de la contestation préalable qui comme nous l’avons vu à travers nos dossiers a longtemps permis à la caisse de ne plus se voir opposer de délais de réponse. Aujourd’hui la Sécurité sociale doit répondre à la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle dans un délai de trois mois (renouvelable une fois). Passé ce délai, l’absence de réponse est considérée comme une réponse positive. La caisse a réagi en adressant non plus une contestation préalable mais un simple refus aux victimes. Cela tend à prouver que les causes de refus, si elles sont objectivables ne le sont pas toujours dans le sens attendu. Le motifs des refus comme nous l’avons souvent constaté dans notre travail relève moins des caractéristiques d’un dossier que des caractéristiques d’un dispositif. Les améliorations techniques apportées au système doivent s’accompagner d’une réflexion sur les différentes logiques qui le traversent afin que les améliorations techniques ne s’accompagnent pas d’effets pervers liés à une rigidification du rapport de force entre les différents acteurs du système.

Un nombre croissant de personnes, soutenues en cela par les associations, déposent des plaintes devant les juridictions pénales. Cependant, elles restent encore largement minoritaires Le contentieux est surtout porté devant le tribunal des affaires de la Sécurité sociale. Il s’agit pour les salariés de faire établir la faute inexcusable de l’employeur afin d’obtenir une majoration de la rente versée pour maladie professionnelle. L’association ADDEVA - Loire-Atlantique a semble-t-il aidé Ses adhérents dans la poursuite de ces actions en réunissant plusieurs dossiers présentant des similitudes en terme de conditions de travail. Au moment de la réalisation de cette étude, beaucoup de procédures étaient en cours car les actions en faute inexcusable ont pris leur essor dans ce département en 1999. Ces actions témoignent vraisemblablement de l’insatisfaction des victimes face à la faiblesse des réparations obtenues via le système de reconnaissance en MP. Alors que la législation des MP avait consacré le pouvoir de l’expert au détriment de celui du juge, l’heure semble à une réapparition du juge dans le champ des maladies professionnelles.


 

BIBLIOGRAPHIE

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La réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ed. Masson.

DORION, F. et al (1991)

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EWALD, F., (1986)

L’Etat Providence. Grasset. Paris

Fédération Nationale des Accidentés du travail et des handicapés, (1999)

Contentieux en matière sociale. Etat des lieux. Document FNATH

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Rapport pour le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sur La gestion du risque et des problèmes de santé publique posés par l’amiante en France.

INSERM Expertise collective (1996)

Rapport sur les Effets sur la santé des principaux types d’exposition à l’amiante.

LE DEAUT, J-Y., REVOL, H. (1998)

Rapport sur L’amiante dans l’environnement de l’homme : ses conséquences et son avenir. Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

PEZERAT, H. (1998)

Les maladies liées à l’amiante in La science au présent, 114-117.

ROQUEPLO, P., (1997)

Entre savoir et décision, l’expertise scientifique. Editions INRA. Paris.

THEBAUD-MONY, A.,(1991)

La reconnaissance des maladies professionnelles. La documentation Française. Paris


 

 

Résumé de la procédure de reconnaissance en maladie professionnelle

 

Le principe de la reconnaissance de maladies professionnelles indemnisables (M.P.I) en France est celui de la présomption d’origine (ou présomption d’imputabilité).

Procédure initiale :

La déclaration de maladie professionnelle est faite par la victime, qui fournit à sa Caisse primaire d’assurance maladie ( CPAM ) un certificat médical initial attestant la pathologie. La CPAM est chargée de l’instruction du dossier. Dans le cas de pneumoconioses et de pathologies liées à l’exposition aux poussières d’amiante, l’avis médical d’un médecin agréé en matière de pneumoconioses ou du collège des trois médecins était exigé. Parallèlement, une enquête administrative est menée pour vérifier la réalité de l’exposition.

La décision de reconnaissance est prise par la CPAM qui fixe un taux d’incapacité permanente partielle (I.P.P) ou totale (I.P.T) s’il y a lieu. En cas de litige, l’intéressé a une possibilité de recours.

Recours :

En cas de refus de la Sécurité Sociale de reconnaître la maladie comme étant de nature professionnelle, la victime ou ses ayants-droit peuvent, soit demander l’organisation d’une expertise médicale si la nature du rejet est d’ordre médical, soit contester devant la Commission de Recours Amiable (CRA), si le rejet est d’ordre administratif (par exemple : exposition au risque insuffisamment prouvée). Dans ce dernier cas, la victime dispose de deux mois pour contester la décision devant la CRA en s’appuyant sur un argumentaire écrit. Cette commission siège hors de la présence de la victime. En cas de refus de la CRA, la contestation sera portée devant les juridictions du contentieux général de la Sécurité Sociale.

En cas de maladie grave hors tableau ou lorsque les conditions autres que médicales ne sont pas réunies (délais de prise en charge, durée d’exposition notamment), les caisses disposent, quant à elles, d’un délai de six mois au cours duquel elles peuvent saisir le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP). Celui-ci peut statuer dans les 4 ou 6 mois s’il y a nécessité d’une enquête ou d’examens complémentaires. Le CRRMP appartient à ce que l’on appelle le système complémentaire.

Indemnisation :

En France, une M.P.I est le plus souvent imputable à l’entreprise dans laquelle le salarié, exposé au risque, a contracté la maladie. Le coût réel de la réparation (frais médicaux, indemnités journalières, capitaux représentatifs, etc.) entre dans le calcul du taux accidents du travail (A.T.) et maladies professionnelles des entreprises de plus de 299 salariés. Il en est de même pour les entreprises de 20 à 299 salariés dont le taux résulte d’une partie du coût réel de l’ensemble des prestations A. T. versées et d’une partie du taux national de leur profession (part déterminée selon l’effectif). Le coût des prestations versées pour les M.P.I. est un élément de calcul du taux national par profession, applicable aux entreprises de moins de 20 salariés, ainsi qu’à celles qui relèvent toujours du taux national quel que soit leur effectif. Un compte spécial M.P.I est utilisé pour l’inscription des dépenses effectuées au titre des M.P.I qui ne peuvent être imputées à un employeur déterminé (M.P.I imputable à une entreprise qui a disparu, ou qui ne relevait pas du régime général, exposition dans plusieurs entreprises avec impossibilité de déterminer laquelle a provoqué la maladie). Le total des dépenses inscrit au compte spécial est compris dans les charges générales et supporté par l’ensemble des employeurs.


 

Les maladies liées à l’amiante

Henri Pézerat La science au présent 1998

Fibroses :

Les fibroses sont –par excellence- des maladies dose-dépendantes. En d’autres termes, leur gravité est d’autant plus accusée et leur délai d’apparition d’autant plus court que la dose de poussière toxique inhalée, à l’origine de la pathologie, est plus importante. Se traduisant par un envahissement de l’organe cible par des fibres de collagène (d’où leur nom de fibroses), ces pathologies sont irréversibles mais pas obligatoirement continûment évolutives.

L’exposition à l’amiante peut entraîner une fibrose du parenchyme pulmonaire ou asbestose, et des séreuses (plèvre, péritoine, péricarde).

Les fibroses pleurales sont aisément visibles par radiographie et plus aisément encore par scanographie, du fait de la présence soit de plaques circonscrites (fibrohyalines plus ou moins calcifiées), soit d’épaississements diffus unilatéraux ou bilatéraux sur la plèvre viscérale. Le plus fréquemment, ces atteintes pleurales apparaissent plus de vingt ans après la première exposition. Leur retentissement sur la fonction respiratoire, maintenant considéré comme significatif, est plus prononcé pour les épaississements diffus que pour les plaques. Ces atteintes apparaissent même chez des sujets n’ayant subi que des expositions cumulées considérées comme faibles.

Notons par ailleurs qu’à ces atteintes pleurales il faut ajouter les pleurésies, parfois bénignes, parfois annonciatrices d’une atteinte cancéreuse.

L’asbestose est une fibrose diffuse du parenchyme pulmonaire, donc difficile à mettre en évidence radiologiquement dans ses premières étapes, d’où souvent la nécessité de recourir à une scanographie. (temps de latence entre 10 et 30 ans).

La fibrose entraîne une perte d’élasticité des poumons, un ralentissement des échanges gazeux et un trouble restrictif conduisant à l’insuffisance respiratoire. Dans les cas les plus graves, des complications cardiaques apparaissent également.

Cancers :

L’exposition à l’amiante entraîne, par ordre de fréquence décroissante, des cancers broncho-pulmonaires, des mésothéliomes et d’autres tumeurs primitives de la plèvre et, avec une moins grande certitude, des cancers gastro-intestinaux, en particulier des cancers de l’estomac.

Pour le mésothéliome, il n’y a pas de synergie démontrée entre amiante et un autre cancérogène, bien que la question se pose pour les rayonnements ionisants, les rayons X en particulier. Le cancer du poumon étant multicausal, il y a obligatoirement synergie entre amiante et d’autres cancérogènes. Les premières études de synergie amiante-fumée de cigarette avaient conclu à une synergie multiplicative. D’autres études, plus récentes, sont moins catégoriques et concluent à un effet semi-multiplicatif.

L’ " effet fibre " est évoqué en relation avec le fait que la quasi-totalité des fibres inorganiques fines, longues et durables, injectées chez l’animal dans les cavités intrapleurale ou intrapéritonéable, induisent l’apparition de tumeurs qui sont principalement des mésothéliomes. L’effet fibre est principalement une conséquence de la rétention des particules minérales dans les séreuses. En raison de leur forme, ces particules ne peuvent être normalement évacuées par la voie lymphatique. Au niveau pulmonaire, , il est probable que l’effet cancérigène lié à la forme de la particule. D’autres poussières inorganiques non fibreuses peuvent, au moins aussi aisément que l’amiante, générer des cancers bronchiques.


 

L’évaluation du taux d’IPP

Ce que prévoit le barème indicatif d’invalidité du 8 juin 1989 (lettre ministérielle) :

Pour ce classement, la Caisse doit en principe se référer à l’un des 4 critères indiqués chacun dans les colonnes du tableau ci-après. Par exemple, si la capacité pulmonaire totale de la victime est à 55% de la valeur théorique, le taux d’IPP devrait être voisin de 53%.

 

Capacité Pulmonaire Totale (CPT en % de la valeur théorique

VEMS (en % de la valeur théorique)

PaO2

(oxygène dans le sang)

Retentissement ventriculaire droit

Troubles fonctionnels légers

IPP…5 à 10%

perceptibles, mais non mesurables

perceptibles, mais non mesurables

perceptibles, mais non mesurables

NON

Insuffisance respiratoire chronique légère

IPP…10 à 40%

60 à 80%

75% ou plus

supérieure à

70 mm Hg

NON

Insuffisance respiratoire chronique moyenne

IPP…40 à 67%

50 à 60%

50 à 75%

de 60 à 70 mm Hg

OUI

Signes électro-écho-cardio ou poussées

Insuffisance respiratoire chronique grave

IPP…67 à 100%

40 à 50%

30 à 50%

De 50 à 60 mm

Hg

OUI

permanent

Insuffisance respiratoire chronique sévère

inférieure à 40%

Inférieure à 30%

Inférieure à 50 mm Hg

OUI

grave

Le décret 99-323 du 27 avril 1999 prévoit que les barèmes existants d’invalidité doivent être annexés au code de la Sécurité Sociale


 

Tableau n°30 (Régime général)

Affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante

Date de création : 3 août 1945

Dernière mise à jour : 22 mai 1996

[Décr. n°96-445 du 22 mai 1996]

 

Désignation des maladies

Délai de prise en charge

Liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer ces maladies

A.- Asbestose : fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques, qu’il y ait ou non des modifications des explorations fonctionnelles respiratoires.

Complications : insuffisance respiratoire aigüe, insuffisance ventriculaire droite.

B.- Lésions pleurales bénignes avec ou sans modification des explorations fonctionnelles respiratoires :

Pleurésie exsudative ;

Plaques pleurales plus ou moins calcifiées bilatérales, pariétales, diaphragmatiques ou médiastinales ;

Plaques péricardiques ;

Epaississements pleuraux bilatéraux, avec ou sans irrégularités diaphragmatiques.

C.- Dégénérescence maligne bronchopulmonaire compliquant les lésions parenchymateuses et pleurales bénignes ci-dessus mentionnées.

D.- Mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde.

E.- Autres tumeurs pleurales primitives

20 ans

 

 

 

 

 

 

20 ans

 

 

 

 

 

 

 

 

 

35 ans

 

 

 

40 ans

 

40 ans

Travaux exposant à l’inhalation de poussières d’amiante, notamment :

-extraction, manipulation et traitement de minerais et roches amiantifères ;

Manipulation et utilisation de l’amainte brut dans les opérations de fabrication suivantes :

-amiante-ciment ; amiante-plastique ; amiante-textile ; amiante-caoutchouc ; carton, papier et feutre d’amiante enduit ; feuilles et joints en amiante ; garnitures de friction contenant de l’amiante ; produits moulés ou en matériaux à base d’amiante et isolants.

Travaux de cardage, filage, tissage d’amiante et confection de produits contenant de l’amiante.

Application, destruction et élimination de produits à base d’amiante :

-amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits contenant de l’amiante ; démolition d’appareils et de matériaux contenant de l’amiante.

Fabrication de matériels de friction contenant de l’amiante.

Travaux d’entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d’amiante.

 

Tableau n°30 bis (Régime général)

Cancer broncho-pulmonaire provoqué par l’inhalation de poussières d’amiante

Date de création : 22 mai 1996

Dernière mise à jour : [Décr. n°96-445 du 22 mai 1996]

 

Désignation de la maladie

Délai de prise en charge

Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie

Cancer broncho-pulmonaire primitif

35 ans

(sous réserve d’une durée d’exposition de 10 ans).

Travaux directement associés à la production des matériaux contenant de l’amiante.

Travaux nécessitant l’utilisation d’amiante en vrac.

Travaux d’isolation utilisant des matériaux contenant de l’amiante.

Travaux de retrait d’amiante.

Travaux de pose et de dépose de matériaux isolants à base d’amiante.

Travaux d’usinage, de découpe et de ponçage de matériaux contenant de l’amiante.

Fabrication de matériels de friction contenant de l’amiante.

Travaux d’entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d’amiante.

 


 

Guide d’entretien

  1. Comment devient-on expert ?

  1. Qu’en est-il des éventuelles tentatives de standardisation des critères de rejet et d’acceptation au niveau de la reconnaissance en Maladie Professionnelle ?

3) Enumération des critères cliniques, biologiques, d’imagerie, éventuellement anatomopathologiques et fonctionnels permettant la reconnaissance en MP pour l’ensemble des pathologies consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante :

  1. Autres critères diagnostiques et autres types d’éléments entrant en compte dans votre jugement ?

5) Comment évaluez-vous les taux d’IPP à attribuer ?

  1. Comment l’exposition s’intègre-t-elle à l’expertise ?

  1. Déroulement du processus d’aggravation.
  2. Définition de la présomption d’imputabilité.