(Dernière mise à jour : 26/07/2003)
Les personnes atteintes d’une maladie de l’amiante peuvent
agir en justice.
Deux voies de recours leur sont ouvertes : l’action civile (I) et l’action pénale (II).
I. L'ACTION CIVILE |
Avec la première voie, nous trouvons deux possibilités:
Ces deux actions permettent d’obtenir une indemnisation de la part des juridictions.
La faute inexcusable est ouverte à la victime exposée dans le cadre de son activité professionnelle et à ses ayants - droit dès lors que la victime est décédée.
La seconde est ouverte à toute personne qui subi un préjudice du fait d’une exposition à l’amiante mais qui n’est pas liée par un contrat de travail ou qui n’est pas considérée comme ayant – droit au sens des textes en vigueur.
Cette action est offerte au salarié qui a été exposé à l’amiante dans le cadre de son activité professionnelle et dont la maladie a été reconnue par les services de la sécurité sociale. Mais elle peut aussi être engagée par ses ayants – droit. Le demandeur saisit alors le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.
La victime engage ce recours pour que la responsabilité
de son employeur soit établie et pour que l’indemnisation offerte
par la sécurité sociale soit majorée.
De cette manière, l’employeur déclaré juridiquement
responsable participe directement à l’indemnisation des victimes
de maladies professionnelles.
Les décisions de justice sont favorables aux victimes dés lors que celles – ci démontrent l’existence d’une faute inexcusable. Différents critères doivent être réunis pour que les juges répondent positivement.
En effet, il ne suffit pas que la pathologie ait été reconnue par la caisse primaire d’assurance maladie pour que l’action aboutisse. De même, le fait que l’employeur ait produit ou utilisé de l’amiante n’implique automatiquement pas la reconnaissance de sa responsabilité.
Cependant, dés lors que les critères de la faute inexcusable sont réunis (1), la victime obtient une indemnisation revalorisée (2).
Il n’existe pas de définition légale de la faute inexcusable. Par conséquent, les magistrats ont comblé cette lacune par une définition jurisprudentielle.
Les critères sont énoncés par la Cour de Cassation en 1941 (a) puis ils sont assouplis par cette même Cour qui se prononce en chambre plénière en 2002 (b).
La Cour de Cassation (chambres réunies) expose les critères de la faute inexcusable dans un arrêt en date du 15 juillet 1941. La faute inexcusable « doit s’entendre d’une faute d’une exceptionnelle gravité, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative, et se distinguant par le défaut d’un élément intentionnel de la faute intentionnelle ».
Jusqu’en 2002, les critères de la faute sont cumulatifs et non pas alternatifs : l’absence de l’un de ces critères disqualifie la faute inexcusable.
Les critères importants ressortent :
- Une faute d’une gravité exceptionnelle
Le décret du 17 août 1977 définit « les mesures d’hygiène particulières applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l’action des poussières d’amiante »
- fixation d’une valeur limite d’exposition (02 fibres par cm3)
- adoption de principes de protection : (information écrite du personnel
concernant les risques et les moyens de précaution, examen médical
préalable renouvelable une fois par an, inscription de la nature et de
l’exposition dans le dossier médical.
Outre ce décret, des mesures de protections sont prévues dans
le code du travail et dans le code pénal. Par conséquent la faute
de l’employeur est d’une exceptionnelle gravité lorsqu’
il a exposé ses salariés sans leur donner les moyens de protections
nécessaires (absence de mise à disposition de dispositifs de sécurité
individuels ou collectifs pour les travailleurs en contact direct avec l’amiante
: TASS du Havre 30.01.1995).
Commet également une faute d’une gravité exceptionnelle
l’employeur qui ne met pas en place les systèmes d’aspiration
de poussières ou qui n’a pas réalisé les analyses
de poussières alors que le décret de 1977 imposait de telles mesures.
- Un acte ou une omission volontaire
L’attitude négative de l’employeur (absence d’information sur les risques de l’amiante, absence de moyens de protection) ou positive (mise à disposition de matelas d’amiante contre les brûlures malgré la connaissance de la composition et celle du danger de l’amiante) est un élément constitutif de la faute inexcusable de l’employeur dès lors qu’il connaissait les risques de ce matériau.
- La conscience du danger par l’employeur
La conscience du danger s’apprécie en raison des circonstances, de la formation et de l’expérience professionnelle, des habitudes de la profession et de la réglementation.
Après 1977, le dispositif spécifique à l’amiante est opposable à l’employeur qui est réputé connaître la nocivité des fibres d’amiante par le biais des décrets et arrêtés en vigueur. Ainsi « l’amiante est un produit notoirement connu pour sa dangerosité »…l’employeur ne peut « l’ignorer dans la mesure ou ce produit fait l’objet d’une réglementation spécifique depuis 1977 » (TASS du Havre, 30.01.1995).
Vis à vis des expositions antérieures à 1977, la jurisprudence
est mitigée.
Dans l’arrêt Besse c/SNCF du 03 décembre 1992, la Cour de
Cassation admet la faute inexcusable bien que l’exposition ait eu lieu
de 1950 à 1958 car l’amiante est inscrit au tableau des maladies
professionnelles depuis 1950.
Mais le chambre sociale rejette l’existence de cette faute le 19 mai 1994 (cf. Air Liquide c/ Huteau) au motif que « l’employeur avait pu, en l’état de la législation alors en vigueur et des connaissances scientifiques de l’époque, ne pas avoir conscience du risque couru par le salarié ».
- L’absence de cause justificative et d’intention de provoquer le dommage
Pour qu’il y ait faute inexcusable, la faute commise ne doit pas être justifiée par des situations exigeant une intervention immédiate sans se préoccuper des règles de sécurité. En outre, le dommage ne doit pas avoir été voulu sinon il tombe dans la sphère de la faute intentionnelle.
Les critères de la faute inexcusable sont très stricts avant 2002 puis ils sont assouplis par les arrêts amiante du 28 février 2002, facilitant la reconnaissance de la faute inexcusable des employeurs.
b-La définition de la faute inexcusable après les arrêts du 28 février 2002
Par ses arrêts rendus le 28 février 2002, la Cour de Cassation fait une véritable révolution.
Elle assoupli les critères de reconnaissance de la faute inexcusable et elle affirme l’existence d’une obligation de sécurité de résultat.
-l’assouplissement des critères de la faute inexcusable
La Cour de cassation affirme que l’employeur commet une faute inexcusable :
« Lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».
Dans cette définition, la Cour de cassation abandonne les critères d’exceptionnelle gravité et de cause déterminante. Néanmoins, le salarié doit toujours rapporter la preuve de la faute inexcusable de l’employeur.
Les magistrats apprécient la conscience du danger mais ils ne s’attachent pas seulement à savoir si l’employeur avait conscience des risques auxquels il exposait ses salariés. Les juges examinent si, compte tenu de ses compétences et de son expérience, l’employeur aurait dû avoir conscience du danger.
- l’existence d’une obligation de sécurité de résultat à la charge de l’employeur
La Cour de cassation affirme :
« En vertu du contrat de travail le liant à son salarié,
l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité
de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles
contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués
ou utilisés par cette entreprise.
Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du code de sécurité sociale ».
La reconnaissance de la faute inexcusable par les tribunaux a deux conséquences : la majoration de la rente de maladie professionnelle versée par la caisse primaire d’assurance maladie et le versement d’indemnités pour les préjudices extra – patrimoniaux. Ces effets sont prévus par le code de la sécurité sociale.
a - La majoration de la rente de maladie professionnelle (Article L.452-2)
Dés lors que le caractère professionnel de la maladie est reconnu par la caisse de sécurité sociale, la victime obtient une rente. Mais cette indemnisation est forfaitaire et elle ne couvre pas l’ensemble des préjudices subis par la victime. Le mécanisme de la faute inexcusable permet alors de majorer la rente déjà accordée.
Celle – ci est majorée en fonction de la gravité de la
faute commise par l’employeur et non en fonction du préjudice subi.
En outre, « lorsqu’une rente a été attribuée
à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte
que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder,
soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction
de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité
totale » (article L.452-2 alinéa 3).
b- L’indemnisation des préjudices extra – patrimoniaux.(Article L.452-3)
La victime peut demander, outre la majoration de la rente, la réparation de la souffrance physique et morale (pretium doloris), du préjudice esthétique et d’agrément (atteintes à la vie de famille, aux activités de loisirs devenues impraticables) ainsi que le préjudice de perte ou de diminution des possibilités de promotion professionnelle (article L.452-3 alinéa 1).
Lorsque la victime a un taux d’incapacité permanente partielle de 100%, il lui est alloué une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimal pour le calcul des rentes
En cas de décès de la victime directe, ses ayants - droit peuvent
exercer un recours en invoquant un préjudice moral.
L’action se prescrit par deux ans à compter de la reconnaissance
mais l’article 40 de la Loi du 23 décembre 1998 de financement
de la sécurité sociale modifié par l’article 35 de
la Loi du 29 décembre 1999 énonce que :les dossiers peuvent être
rouverts jusqu’au 27 décembre 2001 pourvu que la première
constatation médicale se situe entre le 01 janvier 1947 et le 29 décembre
1998.
Pour les victimes environnementales ou pour les personnes qui ne sont pas considérés
comme ayant – droit, une action au civil est ouverte.
Les victimes environnementales sont les personnes qui ont été
exposées à l’inhalation de fibres d’amiante dans un
contexte extra – professionnel.
Sur la base de l’article 1382 du code civil « tout fait quelconque
de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute
duquel il est arrivé à le réparer ».
L’article 1382 du Code Civil énonce trois éléments
: la faute, le préjudice, le lien de causalité.
Dans le cas de l’amiante, les industriels et les distributeurs ont une obligation d’information sur le danger du matériau vis à vis des transporteurs et des consommateurs. En effet, ils connaissent les effets que peut engendrer une exposition à l’amiante par l’intermédiaire des études scientifiques et des enquêtes établies dès 1950. De plus des textes sont intervenus en 1977 pour obliger les industriels à informer du danger.
L’élément matériel est établi dès
lors que les textes en vigueur n’ont pas été respectés.
L’élément moral ressort dès lors que la victime prouve
l’imprudence ou la négligence des sociétés productrices.
Par conséquent, le fait de ne pas avoir respecté leur obligation d’information constitue une faute à l’égard des personnes exposées.
La personne doit avoir subi un préjudice pour être indemnisée (soufrance physique et morale notamment).
Le préjudice subi par la victime est liée à la faute commise.
Lorsqu’une personne a été exposée aux poussières d’amiante, elle peut invoquer l’article 1384 du Code Civil.
L’article 1384 du code civil dispose dans son premier alinéa que
l’on est responsable des choses que l’on a sous sa garde.
Ainsi l’article établit une présomption de responsabilité
à l’encontre de celui qui a la garde d’une chose inanimée.
L’employeur a la qualité de gardien de la chose. Par conséquent
la faute de l’auteur de l’auteur du dommage est présumée
sauf existence d’un cas d’exonération (force majeure, fait
de la victime ou d’un tiers).
Il permet ainsi aux épouses de travailleurs ayant été exposées à l’amiante par l’intermédiaire des bleus de travail d’obtenir une réparation pour le préjudice direct subi, sans avoir à prouver l’existence d’une faute.
On peut citer la responsabilité sans faute de l’administration en cas d’exposition d’agents publics aux risques de l’amiante (agents de l’Education Nationale, les professeurs de l’Université de Jussieu). L’administration est responsable vis à vis de ses fonctionnaires qui sont exposés au danger de l’amiante lors de leur service.
Ce type action est engagé devant le Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel se trouve le domicile de la victime.
II. L'ACTION PÉNALE |
Ce type d’action a pour but de condamner pénalement l’auteur d’un crime ou d’un délit. Les victimes peuvent obtenir une indemnisation en se portant partie civile mais l’objet premier de ce type de recours est la condamnation pénale de l’auteur de l’infraction.
Nous retrouvons des plaintes pour atteintes involontaires à la vie (A) ainsi que le délit de mise en danger d’autrui (B).
Le fait de causer, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende (article 221-6 du nouveau code pénal).
« En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75000 euros d’amende.
Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat
de mort ou de blessures graves de nature à entraîner une mutilation
ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée
d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence
est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.