D’avril 1961 à mars 1963, j’étais affecté au poste de dépoussiérage à l’atelier d’Italie. Le travail de dépoussiérage s’effectuait en fosse pour le nettoyage des dessous de caisses du matériel Métro de type Sprague ou MF 67. Je faisais ce travail avec un balai de paille de riz et la poussière voltigeait dans tous les sens. La seule protection était le bleu de travail et la casquette. Il n’y avait rien d’autre. Je devais passer le balai sur toutes les timoneries et tous les organes où le balai pouvait passer. Il fallait faire tomber toutes les poussières, qu’elles soient visibles ou invisibles.
Le travail terminé, avec la figure toute noire et les yeux pochés, je ressemblais beaucoup à un bougnat, même après la douche, j’avais encore des traces. Sans compter la poussière que j’ai avalée par la bouche et le nez, et cela pendant des années.
Aux ateliers d’Italie, il y avait tous les jours 6 à 8 métros. Tous ces matériels devaient être nettoyés avec mon balai. C’était mon travail de tous les jours.
D’avril 1963 à août 1966, j’étais affecté au poste de perchiste. C’était un travail d’équipe avec le conducteur d’atelier. Il fallait reformer par éléments les rames de métro quand elles arrivaient avec des défaillances techniques. Toutes les rames devaient repartir le plus tôt possible.
Au poste de perchiste j’étais en permanence à côté du conducteur, avec une perche à la main et prêt à intervenir au plus vite pour attraper le fil de la zone d’alimentation en courant continu 750 volts sur les trolleys aériens.
Dans la cabine de conduite des motrices du métro se trouvaient les fusibles d’alimentation. Mais quand il y en avait un qui sautait (chose qui arrivait de temps en temps), alors la poussière s’éparpillait dans tous les sens.
Pour ce travail, aucune information ne m’avait été donnée alors que j’étais dans une zone de danger à côté des fusibles bourrés d’amiante, chose que je ne savais pas.
De septembre 1966 à janvier 1974, j’étais affecté au poste d’ouvrier qualifié monteur visiteur. En premier, j’ai fais le travail de monteur visiteur en atelier de Grande Révision (GR), à Choisy. Ce travail consistait à mettre en pièces les motrices et les remorques du matériel Sprague ou MF 67. Tout était démonté, gratté et passé aux bains pour être décapé de toutes particules. En Grande Révision, mon travail c’était les bogies et tout ce qui touchait la mécanique du métro afin que ce matériel reparte comme neuf pour de nouvelles missions.
Je suis revenu aux ateliers d’Italie, où j’étais monteur visiteur en Petite Révision (PR). Ce travail se faisait en fosse. Je faisais la révision et le réglage des freins, sabots de bois ou en fonte de 18 kg. Pour le travail de monteur visiteur (en PR et en GR), la seule protection était des vêtements "kakis", bien plus épais que les bleus, et la casquette en cuir. Même si cela ne nous a pas été signalé, aujourd’hui beaucoup d’ouvriers qui ont travaillé dans les ateliers d’entretien du ferré savent, comme moi, qu’ils étaient au contact de l’amiante, surtout avec le matériel Métro de type Sprague et le MF 67.
Le travail de monteur visiteur étant devenu bien trop pénible depuis mon opération du cœur, j’ai été muté en GR aux ateliers de Choisy comme ouvrier qualifié.
Le travail de ce poste se faisait à l’établi. Les pièces qui nous passaient entre les mains devaient être révisées et remises en état. Le premier travail, c’était le coup de soufflette pour y voir un peu plus clair, alors que se dégageait une poussière qui nous passait devant le nez et la bouche. Pour ce travail, il fallait se servir de la perceuse, de la meule et pour finition, de la sableuse qui fuyait de tous les côtés, et pourtant les réclamations avaient été faites.
Pour ce travail il fallait enfiler les gants de caoutchouc qui faisaient partie de la sableuse, et regarder son travail de très près, le nez presque collé au hublot. Bien sûr, ce qui sortait pas les fuites me rentrait par le nez et la bouche. Aucune information ne m’avait été donnée alors que j’étais sûrement dans une zone où la poussière d’amiante voltigeait dans tous les sens. A ce poste nous faisions la révision pour le matériel Métro, MF 67 et MP 55.
Après quoi, et par décision médicale, j’ai été muté après avoir été reconnu inapte définitif à mon emploi statutaire, en février 1974.
Jean C.
Je suis arrivé au magasin de Choisy juste après m’être qualifié en 1998 et je me suis occupé de la mise en place de la GMAO, qui est en fait un outil informatique pour le suivi des organes montés sur le matériel roulant, et je m’occupe également de la réception des pièces.
J’ai pu constater, à mon arrivée, qu’il y avait encore des pièces amiantées qui arrivaient des AMT (Ateliers de Maintenance des Trains) sans emballage, à l’air libre, même pas nettoyées et sans étiquetage ni affichage. Ces pièces amiantées étaient en règle générale des pare-étincelles, des cheminées de DET (Disjoncteur Equipement Traction) et des rhéostats traction.
Je suis intervenu, étant ancien délégué du personnel, auprès des élus du CHSCT pour leur faire constater et signaler les dysfonctionnements. J’ai demandé à avoir, comme dans les autres équipes, un affichage des organes recensés amiantés pour que tout le monde soit plus vigilant lors de l’arrivée de pièces douteuses. Et en ce qui concerne les équipements de protection individuelle, je me suis pris en main et j’ai commandé directement au magasin général de LOG ce qu’il nous fallait. Il est clair que l’information sur le risque lié à l’exposition aux fibres d’amiante ne nous est connue que depuis environ quatre ans. Avant, on n’en savait rien, on ne prenait aucune précaution.
L’affichage avec le point amiante n’existait pas dans ce magasin avant fin 1999 début 2000. En plus de l’amiante dans le magasin, il y a un autre souci au niveau de la déchetterie. La benne destinée aux déchets amiante n’est plus vidée depuis plusieurs mois et on ne sait pas quoi en faire. Les déchets sont stockés ici et n’en repartent plus.
En ce moment, il est procédé à l’échange des DET par des ATM sans amiante, mais les pièces mises au rebut nous arrivent non ensachées, pas nettoyées. Alors là, on se prend par la main, on s’équipe de masque, on ensache les pièces avec l’affichage qui convient et on les met à la benne amiante.
Max D.
J’ai travaillé à la réception du magasin de Choisy de décembre 1988 jusqu’à début 1998. J’ai connu Gérard B. qui était déjà là lorsque je suis arrivé et jusqu’à sa maladie on a travaillé au magasin de Choisy, environ une dizaine d’années.
A la réception, on recevait des pare-étincelles, des boîtes de soufflage qui étaient en amiante, c’était marqué sur le plan (ISOLEX 162). Nous n’avions aucune protection respiratoire ou autre à l’époque. Il y a une dizaine d’année, nous ne savions pas du tout que c’était dangereux pour la santé, d’ailleurs on n’en parlait absolument pas donc il nous semblait logique de ne pas mettre de protection.
Ces pièces arrivaient de chez un fournisseur. On les déballait à la réception. Les pièces n’étaient pas emballées individuellement puisque l’amiante ne représentait pas de danger connu et, pour nous, il n’y avait pas de raison que le fournisseur ensache ces pièces.
Nous effectuions un contrôle dimensionnel et qualitatif des pièces contenues dans chaque carton. Le contrôle dimensionnel était réalisé par un agent de maîtrise et le contrôle quantitatif, c’est moi qui le faisais, à l’époque. On a donc tous manipulé ces pièces dès l’arrivée des cartons jusqu’à la mise à la poubelle des protections de papier qu’il y avait autour des pièces.
Pour faire le contrôle quantitatif, on enlevait toutes ces protections que l’on jetait à la poubelle, donc là, on en prenait plein le nez, on avait après à compter toutes ces pièces. Il fallait donc qu’on les sorte toutes du carton pour les remettre soit dans un autre carton, soit dans le même que l’on donnait ensuite au collègue qui était chargé de les ranger dans les cases où elles étaient destinées à arriver. Elles étaient rangées sans aucune protection, mais en plus, à l’époque, je n’ai jamais vu dans les magasins, un magasinier travailler avec un masque sur le nez.
Malgré le fait des protections de papier dans les cartons, il est néanmoins arrivé que des pièces soient cassées à l’intérieur. On les mettait alors de côté pour indiquer la casse au fournisseur (qui était "SERCI" à l’époque) et donc recommander le nombre de pièces manquantes. Soit le fournisseur nous disait de les jeter, soit on les lui renvoyait. Elles étaient parfois détruites, c’est tout à fait logique que dans un transport, il y ait parfois de la casse.
Encore aujourd’hui, il arrive que des pièces en "REFRAVER S" (produit de substitution de l’amiante) soient cassées, j’espère juste que ce ne soit pas aussi dangereux que l’amiante parce que ces nouvelles pièces ne sont pas plus ensachées que ne l’était l’amiante à l’époque et on ne nous fait pas porter de masque puisque apparemment ce n’est pas dangereux. Lorsque l’on a une palette de plus de 400 pièces on sent une forte odeur qui en ressort.
Toutes les pièces qui contenaient de l’amiante et qui étaient stockées au premier étage passaient obligatoirement par la réception, puisqu’elles arrivaient de chez le fournisseur et passaient par la réception pour les contrôles. Ensuite, elles étaient stockées principalement au premier étage.
Dans le magasin on a également eu l’occasion de donner la main aux collègues du PCR. En effet, nous étions détachés du département LOG (Logistique) avec pour tâche la réception-stockage des pièces neuves et leur distribution dans les sous-ensembles. Dans les mêmes murs, en 1993, des collègues du département MRF jouaient le rôle de magasiniers auprès des AMT (Atelier de Maintenance des Trains) pour assurer l’échange des pièces cassées, usées des AMT et les pièces de rechange que nous leur donnions ou qui venaient de révision.
Tous les organes transitaient dans le hall d’entrée du magasin, que ce soit pour nous, à LOG, ou pour le PCR. J’ai même eu souvent l’occasion de voir des organes, à destination du PCR, joncher le sol sans aucun emballage, à l’air libre. Il est clair qu’avec les courants d’air qu’il y a dans ce hall, la poussière a pu se propager partout. Et même pour ceux qui n’ont pas eu à toucher ces pièces amiantées, il n’en demeure pas moins qu’ils ont dû en respirer tout comme les collègues du PCR.
Je n’ai jamais vu personne faire des analyses d’air durant ma présence au magasin (possibilité d’analyses pendant mes congés), il n’y a qu’environ deux ans que des analyses ont été réalisées et encore, juste au premier étage. Nous ne sommes inscrits au suivi médical spécifique amiante que depuis 1996.
Bruno H.
J’ai bien connu monsieur Gérard B., puisque je suis arrivé au magasin, à la réception des pièces, en 1987. Cette activité consiste à déballer les cartons de pièces neuves pour d’une part vérifier leur état, les compter et, d’autre part, les stocker dans le rayonnage du premier.
Quand nous avions affaire à des pare-étincelles en amiante, à l’époque nous ne savions même pas que c’était de l’amiante, on prenait plein de poussières dans le nez. Les pièces étaient juste protégées les unes des autres par des bandelettes de papier qui servaient juste à protéger les pièces des petits chocs et on en mettait partout.
Après avoir fait le contrôle quantitatif et qualitatif, on donnait les pièces, amiantées ou non, qu’on remettait en vrac dans les cartons sans aucune protection parce qu’on ne savait pas que c’était dangereux, à Gégé (Gérard B.) qui lui, s’occupait plus particulièrement de les ranger dans les rayonnages du premier étage.
Il est clair que parfois des pièces étaient cassées dans les cartons, il est même arrivé que des cartons soient éventrés en arrivant au magasin. Les pièces amiantées que nous avons manipulées, c’était surtout des pare-étincelles, mais il y avait aussi des joints et bien d’autres dont je ne connais pas les noms parce qu’ici on fonctionne avec des numéros.
Pour le nettoyage, j’utilisais le chiffon mouillé (heureusement pour moi) de façon innée. Je me protégeais de toute manière, je n’aime pas la poussière. Je me suis auto-protégé sans le savoir et encore, avec des masques de protection qui ne sont pas adaptés ni aux fibres d’amiante ni aux barbus comme moi.
Et encore maintenant, tout n’est pas clair. Pas plus tard qu’il y a une quinzaine de jours, on a eu une remontée de pièces amiantées qui venaient de l’atelier de Boulogne, en vrac sur un chariot, sans emballage, à l’air libre. Il s’agissait de pare-étincelles de disjoncteurs traction et de cheminées de DET, des pièces relativement lourdes. Il a fallu que mon collègue s’équipe (masque, combinaison...) pour pouvoir reconditionner ces organes avant de les mettre dans la benne destinée aux pièces amiantées.
C’est complètement inadmissible que des choses comme cela arrivent encore, alors que la direction dit qu’il n’y a plus de risque. J’ai eu l’information officielle sur le risque amiante courant 1997, c’est au moment où l’on a pris conscience du danger, surtout lorsqu’il a fallu passer les visites médicales spéciales amiante.
Gilles B.
Je suis arrivé en mars 1997 au magasin, j’étais là en remplacement de monsieur Gérard B., je m’occupais des entrées et sorties, à l’étage et au rez-de-chaussée, des pièces du magasin avec mon collègue, Gille B., qui lui était là du temps de Gérard.
Peu de temps après mon arrivée, avec mon collègue Gilles, je suis resté au premier étage et lui s’est occupé du rez-de-chaussée, c’était un accord avec lui.
La première chose que ma hiérarchie m’a dit de faire, c’était de faire du rangement, les inventaires et de regarder au premier si les organes amiantés étaient emballés. Et on a gardé ces pièces pendant près de deux ans, on n’avait pas l’accord de l’encadrement pour nous en débarrasser, ces pièces comptaient dans nos stocks.
Vers le mois de mai ou juin 1997, je suis venu, accompagné d’un agent de maîtrise, un samedi pour nettoyer les sols et les dessus des placards, les rayonnages du premier étage. Le chef m’a dit de mettre un masque et que je fasse très attention parce qu’il y avait eu des pièces en amiante stockées qui n’avaient pas été emballées à l’époque, elles l’on été juste avant que j’arrive au magasin, au moment où l’on a appris le danger que représentait l’amiante.
Le jour de ce grand nettoyage et bien que mon agent de maîtrise m’ait bien expliqué les opérations à réaliser en prenant les précautions de rigueur et de mettre le masque adéquat, il n’avait pas réussi à avoir d’aspirateur amiante, j’ai dû aspirer tout le premier étage à l’aide d’un aspirateur industriel ordinaire, qui n’avait pas de filtration absolue.
Je pense que, vue toute la poussière qu’il y avait et bien qu’il n’y ait plus eu de pièces en amiante à l’air libre, la poussière était certainement amiantée. Ce n’est que lorsque je suis arrivé au magasin qu’on m’a informé du risque amiante, c’est aussi à cette époque que j’ai eu la visite médicale amiante.
Nous avons toujours nettoyé nos postes de travail avec un balai tous les vendredis comme cela se fait un peu partout. Et il faut voir la quantité de poussières qu’on ramasse.
Rolland L.
Ayant un mandat de délégué du personnel depuis 1983, j’atteste qu’à de nombreuses reprises, des questions concernant les conditions de travail, l’hygiène et la sécurité de l’équipe bobinage des ateliers RATP de Fontenay s/s Bois ont été posées, par mon intermédiaire, par les agents de cette équipe et en particulier par monsieur Salomon S. Ces questions (concernant aussi bien l’utilisation des produits et matériaux divers, en particulier l’amiante, que des problèmes d’enfumage dus à des manques évidents d’extraction, ventilation, aspiration) ont été l’objet de plusieurs réunions mensuelles de l’institution délégués du personnel. Ces questions ont été traitées par écrit, avec réponses, pendant des années sans que des changements notables aient été apportés aux conditions de travail de cette équipe.
J’atteste également que, bien que les problèmes étaient connus jusqu’au plus haut niveau du département, pendant une très longue période et jusqu’à ces dernières années, à aucun moment les agents n’ont été alertés, ni eu la possibilité d’utiliser des protections et équipements individuels, d’ailleurs inexistants dans l’entreprise.
Cette équipe est aujourd’hui en attente de travaux, qui doivent être (sans gommer la responsabilité des années travaillées hors normes, avec ses conséquences) pour les agents, enfin l’occasion d’améliorer considérablement leurs conditions de travail et, à contrario, diminuer les risques. Nous y seront attentifs.
Denis C.
Je suis entré aux ateliers RATP de Fontenay sous Bois (94), rue Jean Jacques Rousseau, le 02 décembre 1963 comme manœuvre en Petite Révision (PR). Je nettoyais l’intérieur des voitures de métro ainsi que la cabine du conducteur et je faisais le nettoyage extérieur des voitures jusqu’en 1965.
De juillet 1965 au 31 janvier 1970, j’étais ouvrier qualifié, monteur visiteur aux ateliers de Choisy (Porte d’Italie) en Grande Révision. Les châssis des boggies étaient mis sur fosse, je retirais avec le pont les gros moteurs de traction du Sprague avec leur carcasse. On les mettait sur le transbordeur et on les déposait au dépoussiérage moteur. Après, je grattais les châssis tout sales de poussière et de graisse. Je vérifiais les pièces usagées ainsi que les roues, les ressorts à lames, etc... On n’avait pas de masque ni de chaussures de sécurité. Le 23 septembre 1965, j’ai eu un accident avec un ressort à lames qui a rebondi sur le dos du pied. Après, on nous a donné des chaussures de sécurité.
Il n’y avait pas d’aérateur ni d’aspiration. On respirait tout ce que l’on grattait et, à cause du balayage à sec, ça volait partout. Il y avait déjà de l’amiante à Choisy mais nos chefs ne nous ont jamais parlé du danger de ce produit.
Il y avait le bobinage à Choisy. Les bobineurs réparaient les gros et les petits moteurs. Le chef était monsieur V. J’avais demandé à l’Ingénieur en Chef des ateliers de Choisy s’il m’était possible de préparer le concours de bobineur RATP. Il m’a été accordé d’aller à l’atelier du bobinage. Monsieur Gérard J. me prêtait ses outils pour m’entraîner sur les induits. Il y avait monsieur S., monsieur D., monsieur B. et d’autres bobineurs qui me montraient comment faire les petits moteurs.
La direction de la RATP ne nous a rien dit du danger de l’amiante.
En 1970, je suis revenu, comme bobineur, au vieux bobinage des ateliers de Fontenay sous Bois. Quand je suis entré dans cet atelier, ça sentait très mauvais. Les ouvriers bobineurs démontaient et décortiquaient de A à Z les gros moteurs de Sprague qu’ils soufflaient avec une soufflette à air comprimé. Tous les ouvriers en prenaient plein la figure.
Les gros et petits moteurs étaient démontés au chalumeau, à l’établi, à côté des autres bobineurs qui respiraient la fumée du démontage et les déchets d’amiante. Il n’y avait ni masque, ni aérateur, ni aspirateur. Il y avait deux gros ventilateurs dans le fond de l’atelier, sans filtre et le plus souvent en panne.
Comme tous les ouvriers au bobinage, les bobineurs marchaient sur les déchets d’amiante et autres isolants, à leur place de travail (monsieur W., monsieur G., monsieur T., monsieur R., monsieur M., monsieur M., monsieur T., monsieur C., monsieur S., monsieur R., monsieur D., monsieur R., monsieur L., monsieur P., monsieur B., monsieur S., monsieur G., monsieur M., monsieur N., monsieur R. et moi-même monsieur S. et d’autres ouvriers que j’ai oubliés).
Monsieur Jean C. coupait les grandes plaques d’amiante de différentes longueurs. Il les donnait aux bobineurs et mécaniciens pour isoler les moteurs et emplacements de démontage pour ne pas brûler le mur ou l’établi. Ces grandes plaques étaient mises dans le bobinage à côté des ouvriers, dans un casier ouvert à l’air. On respirait l’amiante, les solvants, l’acétone, l’alcool à brûler, le vernis, la peinture anti flash, etc... Le balayage des déchets à sa place de travail se faisait à sec. Toutes les poussières volaient dans l’atelier et il y en avait plein sur les établis. Tous les ouvriers respiraient les poussières d’amiante. Dans la journée, on se mouchait plusieurs fois. Le mouchoir était tout noir. Le soir, on mettait les bleus de travail avec les vêtements propres dans le vestiaire. On emportait chez soi, dans les vêtements de travail, des déchets et des poussières d’amiante. Ma femme lavait mes bleus de travail à la maison.
Au vieux bobinage, je faisais les gros moteurs de Sprague. Je décortiquais au chalumeau les sections et isolants de ces vieux moteurs. Il y avait beaucoup d’amiante. Je mettais une grande plaque d’amiante quand je brûlais les sections, pour protéger le mur et l’établi.
Après, j’ai fait les moteurs D2 que je démontais de A à Z. Dans la cour, à côté du bobinage, il y avait 3 grandes tôles pour nous protéger de la pluie et de la neige. Là aussi, je mettais une grande plaque d’amiante le long du mur pour éviter de le brûler avec le chalumeau. J’allais demander à monsieur Jean C. les plaques d’amiante. Je démontais les sections des encoches et isolants d’amiante. Je respirais tout, on n’avait pas de masque de protection ni aucune ventilation pour aspirer la fumée et la poussière du démontage.
Quand je faisais les moteurs D2, je les faisais à neuf avec des isolants et de l’amiante. Quand je demandais à mon chef de faire des modifications à mon poste de travail il répondait qu’il y aurait bientôt un nouvel atelier de bobinage. En attendant, on travaillait dans de mauvaises conditions.
Il n’y avait pas de palan pour soulever les moteurs, dehors. Il fallait les soulever tout seul. Des fois, un ouvrier m’aidait à le mettre sur les tréteaux. Le 21 septembre 1971, en voulant soulever mon moteur D2, j’ai eu très mal au dos. Monsieur Simon R., bobineur, m’a aidé à mettre ce moteur sur le tréteau pour décortiquer les sections et isolants d’amiante. J’ai fait une déclaration d’accident de travail le lendemain matin à mon chef, monsieur M. J’avais très mal au dos. Après mon accident, ils m’ont mis à faire des sections de TA et T8 de gros moteurs. J’étais avec monsieur R. Je formais les sections sur une forme en acier. Après, j’avais une enrubanneuse. Je passais les sections, une par une, dans le trou de la machine avec du mica et samica. Le ruban tournait avec la machine autour de la section. Il fallait bien le mettre et serrer avec les doigts sur la section. Après, je rassemblais plusieurs sections ensemble. Je badigeonnais avec du vernis mélangé à l’alcool à brûler et de l’acétone. Là encore, on n’avait aucune protection. On respirait toute la journée ces odeurs de solvants, cette poussière d’amiante et la fumée du démontage des moteurs.
Quand on est entré dans le nouveau bobinage de Fontenay sous Bois, vers 1974, les problèmes étaient les mêmes car les aérateurs d’aspiration du fond de l’atelier ne fonctionnaient pas bien. Il y avait souvent des pannes et l’atelier était enfumé. Les bobineurs démontaient les gros moteurs de Sprague. Il y avait de l’amiante dedans. Les petits moteurs étaient aussi démontés et brûlés au gros chalumeau, à l’établi. On était en ligne.
Quand je me plaignais à mes chefs de respirer la fumée et les poussières d’amiante, ils me répondaient que dans le privé, les ouvriers respiraient la fumée et les poussières et qu’ils ne disaient rien. Je leur ai répondu que je ne voulais pas mourir. Je faisais 3 bronchites par an depuis que j’étais au bobinage.
Quelques années plus tard, quand les responsables du CE sont venus avec le CHSCT, le docteur M. m’a répondu que mes bronchites étaient peut-être dues à tous les produits employés et à la fumée dans l’atelier. Je continuais à enrubanner les sections T8 avec monsieur R. On n’avait toujours pas de protection ni de hotte aspirante à notre place.
Quand les bobineurs de Choisy sont venus à Fontenay sous Bois, quelques mois après nous, monsieur D. faisait les sections de GLM 300. J’ai fait ces sections. Monsieur D. coupait ces sections à la dimension voulue. Après, je les prenais une par une, je trempais les bouts dans l’acide et les plongeais dans un bac d’étain bouillant pour les étamer. Je sortais ces sections et les essuyais avec un chiffon pour étaler l’étain.
Quand je chauffais au chalumeau les sections et le bac d’étain, je mettais une grande plaque d’amiante au mur pour le protéger. Le poste de travail se trouvait à côté de la porte où était monsieur L. Il n’y avait aucune protection pour les ouvriers. Pas de masque ni d’aération. Messieurs D., M., D., G. et tous ceux qui travaillaient à ce poste d’étamage respiraient la fumée qui partait dans l’atelier. J’ai appelé plusieurs fois les délégués du personnel qui sont venus avec le CHSCT pour constater les faits.
Les mois sont passés et les forgerons sont venus mettre des tôles sur les deux côtés et une tôle en haut, jusqu’au toit. Ça n’aspirait rien car le trou d’aspiration se trouvait à plus de 2 mètres de haut. Quand j’étamais les sections, je respirais les vapeurs d’acide et la fumée de plomb entre le poste de travail et le trou d’aspiration situé à plus de 2 mètres de haut. En 1984 et 1985 j’ai demandé à mes chefs de faire mettre un tuyau avec un aspirateur à la hauteur du bac où je travaillais. Rien n’a été amélioré.
Le 2 avril 1990, j’ai prévenu mes chefs que j’avais respiré les fumées d’étain et d’acide. La nuit du 2 au 3 avril, ça me brûlait dans les poumons. Le 3 avril, j’ai demandé à mes chefs les papiers pour faire une déclaration d’accident de travail. Ils ont refusé de me la donner. Je suis allé voir l’ingénieur en chef et je suis parti à Bercy voir le Conseil de Prévoyance qui a téléphoné au chef de Fontenay sous Bois. Mon chef m’a remis les papiers d’accident de travail le 4 avril 1990 et j’ai été voir le docteur N. qui m’a donné un arrêt de travail. J’ai repris mon travail le 14 avril 1990, sur une enrubanneuse, toujours sans aucune protection.
Quelques années après, on a eu des petites hottes qui n’aspiraient pas très bien. Une bonne partie des vapeurs d’alcool et de solvant passait toujours par le nez et par la bouche et partait dans tout l’atelier. J’ai fait des bobines d’inducteurs et je n’ai jamais eu de protection. On devait faire des essais de masques en caoutchouc, mais comme ça ne convenait pas, on n’en a plus jamais entendu parlé. Monsieur B. qui était directeur est venu en 1989 aux ateliers du bobinage. Je lui ai montré avec quelle merde de ruban samica je travaillais pour l’enrubannage des GLM 300. Il m’a demandé qui commandait ces isolants. Je lui ai dit que c’était mes chefs et, depuis ce jour-là, ils ne pouvaient plus me voir car je demandais l’amélioration des différents postes où je travaillais.
Le 30 janvier 1993, j’ai envoyé une lettre au Président Directeur Général de la RATP. Cette lettre était pour discuter des problèmes du bobinage de Fontenay sous Bois. J’attends toujours l’entretien avec mon employeur, la RATP. Je suis en retraite depuis le 1er juillet 1993 et je n’ai jamais eu de réponse.
Je signale que je n’ai jamais eu, de la part de mes chefs au bobinage, de fiches ou de feuilles de travail. Les ordres étaient donnés de façon verbale. Si j’avais eu des ordres écrits, je les aurais gardés.
Je tiens à donner les noms de mes collègues de travail dans le nouveau bobinage. Jusqu’à mon départ à la retraite, messieurs G., W., T., R., D., S., B., S., R., M., R., P., L., M., S., R., G., T., L., S., P., B., D., P., M., G.,. G. et d’autres personnes dont je ne me rappelle plus le nom.
Si mes chefs directs (au vieux et au nouveau bobinage) m’avaient écouté pour l’amélioration des postes de travail, il n’y aurait pas autant de malades de l’amiante à la RATP. Je suis aujourd’hui atteint de plaques pleurales. Mon employeur, la RATP, est responsable d’avoir souillé mon corps et mon être avec l’amiante. Mon employeur ne m’a jamais dit le danger de ce produit. Sachant que j’avais quelque chose sur la plèvre, le corps médical de la RATP ne m’a jamais fait passer de scanner alors qu’en 1976 et 1988, les plaques pleurales se voyaient sur mes radios thoraciques.
Salomon S.
Je certifie que monsieur S. Salomon a travaillé avec moi à l’atelier de bobinage de la RATP de Fontenay s/s Bois de 1970 jusqu’à ma retraite. Nous avons travaillé dans la fumée en utilisant de l’amiante en feuilles et en poudre.
Henri T.
Je suis arrivé à Fontenay s/s Bois, début 1975, comme électricien-ajusteur, dans l’équipe bobinage où travaillait monsieur S. comme bobineur. A son poste de travail, il formait et enrubannait des sections avec du ruban mica pour le type d’induits GLM 300. A proximité, des agents bobinaient des induits auxiliaires du type WD3, CP78, etc. Ces induits étaient isolés avec de l’amiante. Nous ne disposions pas de masque à amiante. D’autres démontaient des induits à l’aide de chalumeaux, dans le local de décorticage, mal ventilé. Ce qui provoquait des odeurs de fumées dans l’atelier. Monsieur S. étamait les bouts des sections dans des bains d’étain et coupait des plaques d’amiante au massicot, plaques d’amiante supprimées vers 1977.
Bernard G.
Je certifie avoir travaillé avec monsieur Salomon S. dans le vieux bobinage de Fontenay s/s Bois - avant son déménagement fin 1973 - où étaient confectionnés des moteurs du Sprague et des moteurs "D2" "D3" que monsieur S. démontait et refaisait à neuf. Dans les moteurs il y avait des morceaux d’amiante en coupe et en poudre. Les conditions de travail étaient précaires et nous inhalions des poussières d’amiante, de mica, de vernis et de solvants. Il n’y avait pas de protections respiratoires individuelles et collectives. Notre employeur, la RATP, ne nous a jamais informés sur les risques encourus pour la santé du personnel. Nous marchions sur les déchets d’amiante et les bobineurs soufflaient les moteurs dans l’atelier, à côté des autres ouvriers. Il y avait également de la poussière d’amiante sur les établis et nous respirions toute cette atmosphère viciée toute la journée. Quand on demandait à notre chef, monsieur M., des mesures de protection respiratoire, il nous répondait que la direction de la RATP ne voulait pas faire de travaux car il allait y avoir un nouveau bobinage.
Dans le nouveau bobinage, on était enfumé sans aucune protection individuelle ou collective. Monsieur S. faisait de l’étamage pour les GLM 300 et il n’y avait pas de hotte aspirante. Il respirait des vapeurs d’étain et d’acide, il faisait aussi des inducteurs pour gros moteurs. Je suis parti du bobinage vers 1976.
Maurice G.
En tant qu’employé à la section bobinage de l’atelier RATP de Fontenay s/s Bois de 1972 à 1976, j’atteste que monsieur S. a travaillé dans de très mauvaises conditions puisqu’il n’existait pas de protection individuelle ou collective capable de garantir hygiène et sécurité de manière fiable et efficace. Alors que la RATP taisait les dangers encourus, il utilisait des matériaux dangereux contenant amiante, mica, fibres de verre et subissait également des émanations de fumées et vapeurs nocives : démontage au chalumeau, étamage, vernis, solvants, etc.
Jean-Claude R.
Je certifie avoir travaillé avec monsieur S. Salomon dans l’atelier du nouveau bobinage à Fontenay où nous utilisions de l’amiante en feuille et en poudre avec du vernis. Dans le démontage, nous brûlions les moteurs pour les démonter et nous "profitions" des fumées, poussières d’amiante, de mica et de fibres de verre.
Depuis 1995, peu de choses ont changé, il n’y a plus d’amiante depuis cette date mais toujours des fumées et des poussières de verre et de mica, de porcelaine, etc.
Jean-Claude P.
Sur la demande de monsieur Salomon S., je témoigne sur les conditions de travail que nous avions au service Bobinage de la RATP situé rue JJ Rousseau à Fontenay sous Bois.
En effet à cette époque, l’amiante n’était pas connu produit cancérigène et c’est toute la journée que nous travaillions dans cette atmosphère.
Notre métier étant de rebobiner des induits et de fabriquer des sections, l’amiante nous servait dans tous les domaines où une isolation thermique devait être.
C’est sous la forme de plaques, de ruban, de poudre, etc. que nous utilisions ce produit en ignorant les dangers relatifs à l’inhalation de celui-ci. Les protections utilisées étaient inadaptées, quand protection il y avait.
Je tiens à signaler le fait que de manière à ce que les collègues touchés par cette maladie puissent réclamer leurs droits et être reconnus en maladie professionnelle.
Jean-Pierre P.
Je suis témoin que monsieur S. Salomon démontait au chalumeau les gros moteurs de Sprague qui contenaient de l’amiante et qu’il a fait des moteurs et démontait ses moteurs dehors, sans aérateur. Il mettait une plaque d’amiante au mur de l’atelier pour le protéger et respirait les fumées du démontage de moteurs qui contenaient de l’amiante et isolants. Au nouveau bobinage il se servait de plaques d’amiante pour protéger le mur quand il faisait de l’étain et les bobines inducteurs. On respirait toutes les fumées et les poussières d’amiante.
Abel R.
Je certifie que monsieur S. a bien travaillé, comme moi-même, dans des conditions déplorables, à savoir: amiante, fumée nocive, odeurs diverses, poussières, fibres de verre, mica...
Bernard D.
Je suis dans le centre de Flandre depuis le mois d’octobre 1980, dans lequel j’effectuais les travaux de peinture. J’ai donc bien connu le local où a travaillé monsieur Aimé G., ainsi que d’autres collègues. Dans ce local s’effectuait la rectification des segments de frein, à l’aide d’une machine rotative verticale à bande abrasive. Je me souviens de cet endroit comme un lieu mal éclairé, exigu et poussiéreux. A l’époque nous ne savions pas le risque que l’amiante représentait pour nous. Les agents travaillaient sans masque et, en fin de journée, ils dépoussiéraient la machine à l’aide d’un pinceau et balayaient leur zone de travail. J’ai vu de nombreuses fois monsieur G. Aimé à ce poste.
Michel M.
Je, soussigné monsieur Nestor D., rentré à la Régie en 1983, travaillais avec Aimé de 83 à 96. Mon travail consistait à effectuer la rectification des segments et tambours de freins des bus durant la période 1987 jusqu’à 1991, en remplacement au dépôt de Flandre. J’ai remplacé monsieur G. Aimé à ce poste de travail. Ce travail consistait à rectifier les tambours de frein en acier et de dériveter les segments de frein, à l’époque, amiantés ainsi que les freins de parc dans un local fermé, sans hotte aspirante et sans ouverture sur l’extérieur.
Le dérivetage des freins était effectué à l’aide d’un burin pneumatique, ce qui faisait énormément de poussière d’amiante. A cette époque, on ne nous a jamais donné de protection individuelle, ce qui fait qu’on en avait partout, même sur les vêtements. Aucune information sur les matériaux et sur les dangers encourus ne nous a été donnée. En fin de journée, on nettoyait le poste de travail et le local à l’aide d’une soufflette d’air installée sur l’établi pour nettoyer ce poste et on balayait la zone de travail, ce qui faisait autant de poussières. Même après le nettoyage, il y avait de la poussière sur les murs et sur les meubles de rangement. Nous n’avons jamais eu connaissance ni affichage des résultats d’analyse d’air. Les pièces de frein amiantées n’étaient jamais emballées et on les installait dans les casiers.
De 1983 à 1997, je n’ai jamais été suivi médicalement pour les radios amiante, en dehors de la visite périodique visite annuelle du travail). Ce n’est qu’à partir de 1997 que l’on m’a indiqué que je devais passer la visite annuelle plus la visite amiante.
Nestor D.
J’ai bien connu monsieur G. Aimé au dépôt du Hainaut. Nous étions OS, manœuvres. Tous les matins, nous balayions les zones de travail plus les annexes (fosses de travail), à sec. Je me rappelle l’ancien tour qui était avec bande abrasive. Le local n’était pas très grand. Les gens ramassaient les rivets à la main et le soir nous donnions un coup de soufflette pour nettoyer le poste de travail - qui générait beaucoup de poussières - sans protection car personne ne nous disait que c’était dangereux (l’amiante). Vers 1997, nous avons eu des radios plus poussées pour l’amiante. Avant, on passait une radio tous les 2 ans. Aimé, je l’ai vu travailler aux segments, je l’ai vu changer des roues qui avaient des segments amiantés, sans aucune protection individuelle. Il n’en existait pas.
André A.
Je certifie avoir vu monsieur G. Aimé travailler au contact de l’amiante. Les conditions de travail entre 1990 et 1998 étaient sans aucune protection. Nous n’étions pas informés de la présence de ce poison dans les différentes pièces du bus et tous les ouvriers travaillant sur de l’amiante étaient au contact direct avec les autres agents. Aucune mesure de poussière d’amiante dans l’air n’a été communiquée aux agents avant 1998.
Il arrivait fréquemment sur les segments de frein SC10 et PR100, que nous soyons obligés de rectifier les garnitures et de souffler les poussières dans les tambours de roues pour pouvoir rentrer les tambours.
Les risques concernant l’amiante n’ont été pris en compte réellement qu’à partir de 1997, sur réclamations des ouvriers, en entendant les méfaits de cette matière. Ce n’est qu’à cette période que sont apparues les tenues de protection individuelle.
Philippe R.
J’ai eu l’honneur de connaître monsieur Aimé G., de ma date d’entrée, le 18 juillet 1989, à son décès. Les divers travaux qu’il faisait étaient les segments tambours, les roues ainsi que la station service. Sur ce, j’atteste sur l’honneur qu’à aucun moment notre encadrement local ne nous a informés de la toxicité des produits et matériaux et, hormis une paire de gants, nous n’avons jamais eu ni protection respiratoire, ni combinaison.
Stéphane C.
Je suis entré à la Régie Autonome des Transports Parisiens le 26 novembre 1973 en qualité d’ouvrier spécialisé au dépôt du Hainaut. A l’époque, mon travail consistait au nettoyage des bus (intérieur-extérieur) et à l’entretien du centre. Ainsi, jusqu’à mon départ à l’armée au mois de décembre 1974, et de janvier 1976 au mois de juin 1976. Je balayais les fosses de travail à l’atelier. Les sols des fosses de travail étaient constitués de cales de bois inégales, ce qui obligeait à insister dans les endroits les plus profonds à l’aide d’un balai. Nous n’avions aucune protection individuelle, hormis notre bleu de travail. Et pourtant, je l’ai appris bien plus tard, je balayais également des poussières d’amiante.
Les bus étaient de marque SAVIEM, BERLIET, RENAULT de type PGR. Ils contenaient de l’amiante notamment les systèmes de freinage et de calorifugeage.
Je travaillais également au lessivage des châssis de bus. Cette opération très salissante nous projetait des boues sur les vêtements et nous étions obligés de nous changer souvent. L’atelier n’était pas séparé du reste du hall de remisage, ce qui, lors de la mise en route et des déplacements des bus, générait énormément de poussières et de gaz d’échappement qui s’évacuaient petit à petit par des lanterneaux. Ce dépôt était situé rue du Hainaut, dans le 19ème arrondissement de Paris et implanté dans une zone fortement urbanisée. Les rejets de poussières d’amiante et de gaz d’échappement n’étaient pas traités. Par conséquent, ils s’évacuaient dans l’atmosphère, à même les fenêtres des habitations.
A l’atelier, il y avait un poste particulièrement exposé aux poussières d’amiante. Il n’était pas isolé, mais ouvert sur tout l’atelier. Ce poste, c’était la rectification des segments de freins. La machine à rectifier était dotée d’une bande abrasive en toile émeri. L’agent qui était en poste prenait les segments de freins à base d’amiante et venait les appliquer contre la bande abrasive, son visage n’étant qu’à quelques centimètres de la pièce. Je puis certifier qu’à l’époque, il n’avait aucune protection respiratoire (pourquoi se serait-il protégé, dès lors qu’il n’avait pas connaissance des dangers que pouvait représenter l’amiante ?). Cette opération provoquait énormément de poussières, à la fois sur la machine, le sol, les vêtements… Il n’existait aucune extraction mécanique et aucun système de captage des poussières sur la machine, pas plus dans l’atelier. J’ai appris bien plus tard que ce collègue, monsieur René B., était décédé en 1988 d’un cancer broncho-pulmonaire. Je l’ai appris par la bouche même de son frère, monsieur Moïse B., agent RATP reconnu en décembre 2000 en maladie professionnelle due à l’amiante. Il est décédé lui aussi d’un cancer broncho-pulmonaire, le 27 janvier 2001.
L’atelier du Hainaut ne disposant pas de locaux sociaux, nous étions nombreux à demeurer dans l’atelier, ce qui a contribué grandement à l’exposition de l’ensemble des salariés (de l’ouvrier spécialisé au gradé), y-compris les conducteurs de bus qui venaient chercher leurs véhicules. Ce dépôt n’existe plus, il a été détruit.
En juin 1976, à la suite d’un concours, j’ai été muté au centre de Pleyel, à Saint-Denis, en qualité d’ouvrier qualifié stagiaire. Mon travail consistait à de la mécanique sur les bus. Au tout début, j’étais en " double " avec un formateur, un collègue de travail plus âgé qui m’apprenait mes tâches. J’ai appris par la suite que celui-ci, monsieur André D., aujourd’hui retraité, a été reconnu victime de l’amiante. Il est atteint d’asbestose avec un taux d’IPP de 30%. Mon poste de travail était particulièrement exposé puisqu’il impliquait, entre autres, une dépose et repose complète des systèmes de freinage des bus.
Le parc d’autobus était composé de PGR et de bus de marque RENAULT SC 10, toujours en service en 2001. Aujourd’hui, je sais que ces systèmes de freinage étaient en amiante (je ne le savais pas en 1976). Il existait de l’amiante dans les freins (freins de service et freins de parc), dans la plupart des joints (joints de culasse, joints d’échappement, joints de paliers…), dans les gaines de chauffage et surtout dans les calorifugeages de tubes d’échappement.
J’ai travaillé sur fosses à Pleyel jusqu’en 1987, lorsqu’on manipulait de l’amiante ; jamais on ne m’a informé des dangers que cela représentait. Jamais on ne m’a proposé de protections individuelles, jamais de masque respiratoire (la RATP serait d’ailleurs bien en peine de fournir des factures d’achat de protections individuelles), il n’y en avait pas à la disposition des salariés. J’affirme qu’à cette époque, et jusqu’en 1997, jamais un seul agent RATP des ateliers n’en a porté.
A Pleyel, il y avait également une machine à rectifier les segments qui fonctionnait dans les mêmes conditions qu’au Hainaut, dans l’atelier. Idem pour les conditions de travail des ouvriers spécialisés et ouvriers qualifiés. Ceci est valable pour l’ensemble des dépôts de bus ; Asnières, Aubervilliers, Belliard, Charlebourg, Créteil, Croix-Nivert, Flandre, Fontenay aux Roses, Ivry, Lagny, Lebrun, Lilas, Malakoff, Maltournée, Montrouge, Nanterre, Pavillons sous Bois, Pleyel, Point du Jour, Saint-Denis, Saint-Maur, Thiais et ceux qui ont fermé ; Hainaut, Malsherbes, Puteaux, Le Raincy, qui fonctionnaient de la même manière.
Les matériaux amiantés n’étaient pas étiquetés comme tels et n’étaient jamais protégés. Je travaillais dans les tours de roues. Il y avait plein de terre accumulée et il fallait nettoyer l’intérieur après avoir démonté les roues pour commencer à travailler. Cela provoquait énormément de poussières. Ensuite, on enlevait les tambours de roues. On avait accès aux segments de freins quand on extrayait les tambours. On respirait la poussière d’amiante qui se dégageait. Après le travail, on mouchait dans des chiffons et on se faisait la remarque de tout le " noir " qui se déposait.
En 1976, tout le personnel ouvrier (2 800 salariés) du département MRB (à l’époque RT – RM) n’était pas classé " suivi amiante ". Nous n’avions pas de visite médicale particulière : radiographie face-profil des poumons ainsi que des explorations fonctionnelles respiratoires. Ce n’est que bien plus tard que cette question a été résolue (en 1995).
Notre travail de mécanicien nous amenait également à réaliser les changements de joints de culasse des bus (joints en amiante). Nous étions obligés de gratter, à l’aide d’un grattoir, les joints collés sur le bloc moteur et les culasses. Nous travaillions sous les véhicules. L’amiante nous tombait sur le visage sans que nous puissions nous protéger.
Un autre travail extrêmement polluant consistait au remplacement des tubes d’échappement des bus. Ceux-ci mesuraient environ 2 mètres. Ils étaient gainés en amiante (nous l’avons appris en 1995). Cet amiante était particulièrement délabré et partait en lambeaux du fait de la chaleur dégagée, des conditions de fonctionnement du bus, notamment quant ils étaient gorgés d’eau. Pour cette opération de démontage des tubes, nous étions deux ouvriers car l’accès était extrêmement difficile. A chaque mouvement le tube touchait le châssis du bus et dégageait des poussières et des lambeaux d’amiante. Nous respirions cette poussière à pleins poumons. A la fin des travaux, un collègue balayait la zone de travail. Lui non plus n’avait pas masque.
Une autre intervention consistait à changer l’embrayage des bus (amianté). Pas d’information particulière concernant l’amiante contenu dans les disques d’embrayage. Du fait de leur friction, ils généraient de la poussière que nous enlevions à l’aide d’un chiffon (toujours sans masque).
Nous changions aussi les garnitures de frein de parc (également en amiante) sans aucune protection individuelle ni information sur la dangerosité des matériaux.
En 1987, je quitte le centre de Pleyel pour intégrer celui de Pavillons sous Bois, en qualité de mécanicien d’entretien, jusqu’à ce jour.
J’ai poursuivi mon activité, j’ai toujours été affecté aux travaux les plus salissants et en contact avec l’amiante (certainement du fait de mon activité syndicale).
Je suis intervenu sur l’amiante sans aucune protection lors du remontage de segments amiantés sur ordre de ma hiérarchie. Nous faisions une amorce à la toile émeri. Nous avions le visage à 50 centimètres des segments et nous soufflions dessus. Jamais on ne nous a correctement formés et informés sur les risques.
J’ai vu, et tous mes collègues peuvent en témoigner, que pour commencer à travailler, des copains (la plupart jeunes) grattaient tout l’intérieur des tours de roues. J’ai vu tous les collègues, au poste de rectification des segments de frein, travailler au burin pneumatique pour enlever les rivets en cuivre des segments et ensuite les récupérer dans les amas de poussière à l’aide d’un tamis. Ils passaient ensuite à la soufflette d’air comprimé tout le poste de travail sans qu’aucun chef n’y trouve à redire. Une soufflette d’air avait même été adaptée spécialement pour nettoyer le poste de travail.
En 1997, j’ai été affecté à des travaux sur amiante (voir dossier ci-joint) et mon encadrement m’a refusé l’attribution de protections individuelles. J’ai utilisé mon droit de retrait suivi d’un droit d’alerte du CHSCT de MRB. A l’époque on m’a refusé ces protections pour deux motifs : Premièrement, le coût (environ 20 francs l’unité) et deuxièmement, le fait que cela allait entraîner une perte de temps dans l’activité (voir le procès-verbal du CHSCT).
Un constat ; c’est à la suite de ce dossier que sont apparues à MRB les notices de montage et démontage des organes amiantés.
Philippe D.
Je suis rentré à l’atelier central de Championnet en septembre 1973 en qualité de mécanicien en carrosserie automobile. A cette époque, notre première mission était de transformer les autobus équipés avec deux postes (machiniste et receveur) en un seul poste (celui de machiniste).
Nous utilisions de l’amiante en plaques et en filin pour plusieurs phases de travail. Dans le cadre de la réparation, l’amiante en filin était un " produit miracle " pour lequel je n’avais jamais eu d’information sur ses caractéristiques techniques qui nous permettait de l’utiliser dans de nombreuses circonstances : isolement des pièces de la chaleur, bourrage d’orifices, nivellement…
Ce matériau n’existait pas dans la formation que j’ai reçu à l’école d’apprentissage par contre il était utilisé comme " matière à tout faire ". Exemple : colle + filin d’amiante pour fixer les vis type " Parker ".
Quand j’ai travaillé comme carrossier puis électricité des capots des autobus type APVU l’amiante en plaque servait à isoler le capot qui était à la droite du machiniste et sur lequel s’appuyaient de nombreux voyageurs dans les cas d’affluence ; c’est pour cela que nous les isolions.
Le filin d’amiante nous servait aussi à faire des " pansements " ; pots d’échappement, durits, joints, etc.
Nous l’utilisions à mains nues, nous l’effritions au besoin des réparations sans en connaître les conséquences ni la prévention qu’il aurait fallu puisque nous n’avions aucune information.
J’ai ensuite travaillé comme électricien à l’équipe K93. Nous essayions des démarreurs au banc d’essai pour connaître le couple, ce qui demandait une usure de la bague de freinage qui était en amiante.
Les poussières provoquées par cette manipulation se retrouvaient sur les organes, dans les caisses de stockage. Après nos interventions sur le bus, quand je travaillais au dépôt de Puteaux, je peux affirmer qu’après nos réparations et manipulations, nous ne prenions pas les précautions de nettoyer les débris d’amiante qui se trouvaient autour du poste des machinistes. Les machinistes prenaient leur service souvent dans le dépôt, sur le bus qui venait d’être remis en état de fonctionnement.
Bernard C.