Lundi 30 mai 2005
Alors que doit se tenir demain, mardi 31 mai, à 14 heures, devant la quatrième chambre civile du Tribunal de grande instance de Paris, l’audience qui doit décider si l’ancien porte-avions, « Le Clémenceau », doit se faire désamianter en France, ou si cette tâche périlleuse peut être sous-traitée en Inde, le gouvernement vient de tenter une ultime manœuvre pour éviter que l’affaire ne soit jugée demain.
Par le truchement du préfet de Paris, un « déclinatoire de compétence » a été transmis au parquet, lundi 30 mai. Cette procédure très inhabituelle et très peu usitée s’appuie sur une loi de 1790, modifiée en 1822 ! Elle va obliger le juge à statuer sur la compétence du tribunal au lieu de se pencher sur le fond du dossier.
On se souvient pourtant que le 22 avril dernier, la cour d’appel de Paris, statuant en référé, avait ordonné la production du contrat entre l’Etat français et la société de droit panaméen SDI, chargée du désamiantage et du démantèlement du navire.
Le préfet de Paris - et donc le gouvernement - soutient que la coque du « Clém », même entièrement désarmée, constitue encore un matériel de guerre et donc, à ce titre, l’autorisation de transfert du porte-avion ne relèverait que de la décision du Premier ministre, excluant ainsi la compétence du juge judiciaire. Pourtant, à l’évidence, nous sommes loin de la question des intérêts stratégiques de la France, critère essentiel pour lequel la compétence du Premier ministre est effectivement requise. Dans le cas de la coque n° Q 790 – ce qu’il reste du Clémenceau – la question qui demeure est purement d’ordre sanitaire et écologique : est-il juridiquement légitime de faire réaliser une opération à hauts risques pour la santé publique comme le désamiantage, dans un pays qui n’offre aucune garantie quant à la sécurité du chantier et des travailleurs ?
Pour l’Andeva, qui met en avant la convention de Bâle, laquelle n’autorise les mouvements transfrontières en vue de l’élimination de déchets dangereux que si l’Etat exportateur ne dispose pas des moyens pour les éliminer, l’attitude de la France est scandaleuse et totalement immorale.
En cherchant à gagner du temps pour éviter que le juge n’interdise le départ du porte-avions, l’Andeva craint que le gouvernement ne tente un coup de force en faisant appareiller le « Clémenceau » avant que le tribunal ne se soit prononcé sur le fond de l’affaire.