ARDEVA Association Régionale de Défense des Victimes de l’Amiante Du Nord – Pas-de-Calais 19 rue du jeu de Paume – BP 78 – 59942 Dunkerque cedex 2 |
ANDEVA Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante 22 rue des Vignerons 94686 Vincennes cedex |
Mercredi 17 décembre 2003
L’ordonnance de non lieu, rendue hier mardi, par le juge d’instruction
de Dunkerque dans l’affaire de l’amiante, a provoqué une
vive émotion chez les victimes et les familles de deux salariés
décédés, qui avaient déposé plainte contre
X pour blessures involontaires. Elle suscite maintenant colère et indignation
devant ce déni de justice. Les victimes et leur association, l’Ardeva
de Dunkerque, ont décidé de faire appel.
Ainsi, au terme de six longues années d’instruction, les magistrats qui se sont succédés sur ce dossier, n’ont retenu aucune charge contre les responsables de la Sollac, de la Normed et de la SARL Weizacker-carrère, mis en examen depuis trois ans pour atteinte involontaire à la vie et à l’intégrité physique. Ce sont ces entreprises qui ont employé les quatre salariés contaminés par l’amiante, dont deux sont décédés d’un mésothéliome et deux sont atteints de plaques pleurales.
Pour l’Ardeva de Dunkerque et pour l’Andeva, ce jugement s’apparente à un véritable permis de tuer car il n’incitera pas les employeurs à faire preuve de vigilance par rapport aux risques du travail, ni à respecter la réglementation.
En effet, l’ordonnance de non lieu reconnaît qu’il existait bien une réglementation, avec notamment le décret de 1913 rendant obligatoire l’élimination des poussières dans les ateliers, que des « erreurs ont été commises dans la gestion du problème amiante dans ces trois entreprises ». Mais l’ordonnance indique également que la prise de conscience des dangers de l’amiante a été « très tardive en France », que les règlements étaient « généraux », qu’ils ne visaient pas spécifiquement les poussières d’amiante et que, par conséquent, « il est impossible de démontrer le caractère manifestement délibéré d’une violation éventuelle de la réglementation ».
De même, s’appuyant sur le retard pris par les pouvoirs publics pour édicter des mesures de protection contre les risques dus à l’amiante, ainsi que sur l’absence de réaction de l’inspection du travail, de la Cram, et des délégués syndicaux, jusque dans les années 1995, les magistrats ont considéré qu’ « il n’y avait pas de faute caractérisée exposant autrui à un danger d’une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré ».
Un comble pour l’Ardeva, quand on sait que depuis le milieu des années cinquante, le risque cancérogène de l’amiante était parfaitement connu. Comment, des entreprises de la taille de la Normed ou de la Sollac, avec des services de médecine du travail et de sécurité conséquents, ont pu ignorer qu’il fallait protéger les travailleurs d’expositions mortelles ? Et que signifie une « réglementation générale » ? Qu’elle peut ne pas être respectée sans crainte de poursuite ?
A l’évidence, l’amiante produit bien de la poussière, et si le décret de 1913 avait été respecté, nous ne serions pas aujourd’hui face à la plus importante catastrophe sanitaire que notre pays ait connu, responsable de 3000 décès par cancer chaque année !
Et si ce sont les pouvoirs publics qui ont agi avec retard pour protéger la santé des travailleurs, ou l’inspection du travail ou la Cram qui n’ont pas fait le travail que l’on était en droit d’attendre d’eux pour mieux faire respecter la réglementation d’hygiène et de sécurité, pourquoi l’instruction n’a pas poussé ses investigations dans cette direction ?
Pour l’Ardeva de Dunkerque et l’Andeva, l’instruction, qui a pourtant duré six longues années, n’a pas été menée avec toute la rigueur et l’opiniâtreté qu’attendaient les victimes et leurs familles dans une catastrophe aussi grave. Les juges reconnaissent que des erreurs graves ont été commises, mais comme elles sont nombreuses et que beaucoup de monde ou d’institutions se sont trompées, c’est la faute à personne qui l’emporte. Ce n’est pas acceptable et pour cet ensemble de raisons, la chambre de l’instruction sera saisie.
Mais l’Andeva et l’Ardeva de Dunkerque ont noté également que le réquisitoire du Parquet et l’ordonnance du juge d’instruction s’appuient pour prendre leur décision sur la réforme des délits non intentionnels introduite dans le code pénal par la loi Fauchon du 10 juillet 2000. On se souvient que cette réforme avait suscité une vive réaction des associations de victimes qui craignaient que ce texte ne soit utilisée pour amnistier tous les responsables dans les affaires de santé publique. L’ordonnance de Dunkerque est la première décision confirmant malheureusement ces craintes.
L’Andeva et ses associations régionales n’entendent pas en rester là par rapport à un texte dont il est prouvé aujourd’hui qu’il est hautement nuisible à la santé publique et à la justice.