Vincennes le 15 janvier 2002
Pour la première fois depuis le raz de marée judiciaire dans l'affaire de l'amiante, la Cour de Cassation va examiner trente dossiers de victimes qui avaient invoqué la faute inexcusable de leurs employeurs pour obtenir l'indemnisation complète de leurs préjudices.
Les audiences se dérouleront les jeudi 17 et vendredi 18 janvier, au palais de justice de Paris, à partir de 9h30.
Les victimes ont été contaminées dans les usines Eternit à Paray le Monial et à Thiant, Everite à Bassens (Gironde), Valéo à Condé sur Noireau ou encore Sollac à Dunkerque. Plusieurs d'entre elles sont décédées depuis les faits. A l'exception des victimes de la Sollac, les pourvois ont été déposés par des employeurs qui soutiennent qu'ils n'avaient pas conscience du danger de l'amiante. Sur ce point ils ont toujours été déboutés par les juges du fond.
L'enjeu des décisions que rendra la chambre sociale de la Cour de Cassation est important.
Pour les victimes et leur famille d'abord. Elles attendent que la Cour de Cassation mette un point final au douloureux marathon judiciaire qu'elles ont engagé depuis plusieurs années, et confirme la responsabilité de l'employeur dans ces maladies évitables. Ces derniers ne leur auront épargné aucune épreuve et auront épuisé tous les arguments possible et imaginables pour échapper à leur responsabilité qui est apparue écrasante au yeux des Tribunaux des affaires de Sécurité sociale et des Cours d'appel. Si la Cour de Cassation venait à casser ces décisions, les victimes devraient restituer les indemnisations obtenues. Cela créerait un véritable séisme judiciaire, au vu des centaines de procédures en cours et à venir.
Au-delà des questions de procédure, la juridiction suprême devra se prononcer sur la conscience du danger qu'avaient ou qu'auraient dû avoir les employeurs qui exposaient leurs salariés sans précaution suffisante.
Il est révoltant pour les victimes de voir des sociétés comme Everite ou Eternit, dont l'amiante était la matière première et dont les responsables ont pendant des années déployé de vastes moyens de lobbying pour masquer la réalité de ses dangers, plaider l'ignorance. Mais il n'est pas moins scandaleux de voir des grands groupes de haute technicité comme la Sollac dont les procédés de fabrication impliquaient une utilisation importante d'amiante sous de multiples formes, faire comme si elles n'avaient pas les moyens de savoir.
En fait, depuis la création du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) c'est une déresponsabilisation collective que réclament ces employeurs. Leur donner gain de cause reviendrait à délivrer un véritable permis de contaminer à toutes les entreprises utilisatrices de produits cancérogènes, alors qu'un million de salariés sont exposés à ces substances en France.
L'Andeva demande à la justice de prendre en compte le fait que l'asbestose est reconnue maladie professionnelle depuis 1945. Comment les entreprises appelées dans ces dossiers pouvaient-elles ignorer les dangers d'un matériau qu'elles utilisaient depuis longtemps, souvent en grande quantité, alors même que plusieurs de leurs salariés avaient été reconnus en maladie professionnelle par la Sécurité sociale ?
Au-delà de l'affaire de l'amiante, c'est l'évolution de la jurisprudence en matière de faute inexcusable, dans le cas des maladies professionnelles, qui est en jeu et son influence sur la politique de prévention de ces pathologies.
UNE RENCONTRE ENTRE DES VICTIMES, L'ANDEVA ET LA PRESSE EST PRÉVUE À 11 HEURES DANS L'ENCEINTE DU PALAIS.